lundi 22 avril 2019

Escapade basque : l'intérieur

Espelette
Nous n'y achetons pas de souvenirs gustatifs. Nous n'y visitons pas le centre d'interprétation du piment AOP connu internationalement. Nous ne dévalisons pas les magasins de souvenirs. Nous comprenons que ce village, certes joli, certes entretenu, certes typique, est avant tout une vitrine, la devanture et l'une des portes d'accès à l'intérieur du Pays Basque. Si l'on n'est pas curieux, on peut s'en contenter et se laisser séduire. Il est vrai que c'est un très joli village. Or, on sent bien que, d'une part, les rues doivent être envahies de touristes en haute saison et que, d'autre part, le "vrai", l'authentique, le profond, ne se trouve pas ici. Les piments séchant sur les façades représentent à la fois la tradition et une certaine conception du folklore. Une sorte de publicité à ciel ouvert pour le produit phare de ce coin du monde. Soyons honnêtes, en guise de porte d'accès au cœur de la province du Labourd, on aurait pu faire pire. D'ailleurs, si le village ne nous avait pas autant plu, on n'y aurait pas passé plusieurs heures attablés, au soleil, en terrasse, devant de belles assiettes et de rafraîchissantes bières locales. Espelette se prête à la pause et au bavardage, et nous y avons dignement célébré cette caractéristique. 



Ainhoa
"On va me houspiller si on apprend que je ne vous ai pas amenés à Ainhoa !" Qu'à cela ne tienne, nous voilà partis ! Notre guide est une amie, nous la suivons sans rechigner. "Vous allez voir, ce village semble fabriqué de toutes pièces et on dirait qu'une fois la journée terminée et les touristes repartis, les habitants referment les volets et rentrent chez eux, en ville". Comme si les façades d'Ainhoa étaient des décors de carton-pâte, des façades seules qui n'abritaient aucune habitation, des maisons qui sonnaient creux. En toute honnêteté, nous avons moins ressenti ici cette impression de "village témoin", comme il en va des appartements, qu'à Espelette. Pas de piments, pas trop de magasins, pas de commerces satisfaisant cupidement les envies de babioles des visiteurs de passage. Un décor plus léger et plus modeste n'est pas pour nous déplaire. Et puis, dans le cimetière, au pied de l'église, on peut observer de traditionnelles pierres discoïdales dont l'ancienneté à elle seule justifie un petit détour par Ainhoa, finalement pas si figée que cela. 



Ascain
Évidemment, Ascain, c'est autre chose. On sent que de vrais gens vivent ici, dans ce village entouré par de douces montagnes, dont la Rhune, la principale attraction du coin. Nous nous refusons à dépenser vingt euros par personne pour un aller et retour en petit train alors que nous avons des jambes. D'autre part, nous n'adhérons pas à l'idée de faire à pied ce qu'un train nous offrirait la possibilité de faire. Suivre les rails et adresser des "coucou" essoufflés aux visiteurs motorisés, sans façon. Nous n'irons pas à la Rhune. Cependant, nous en savourons le symbole. Cette montagne protectrice qui domine le village a tout d'un sommet mythique, presque mythologique. En fait, il s'agit surtout d'une place forte napoléonienne, mais laissez-nous rêver ! Ascain, d'ailleurs, se prête à la rêverie. Celle que l'on peut faire sur son pont romain (en fait du XVème siècle), de pierres, au bord de la rivière bavarde. Celle provoquée par nos pas qui, au fil de l'eau, visitent le village, tombent nez à nez avec les habitants discrets, relèvent les yeux vers la montagne, toujours. Nous n'avons pas de chance : le village entier est en travaux. On prépare la saison. Refusant d'envisager une quelconque once d'agitation ou de bruit qui pourrait trahir l'impression de bien-être que provoque ce tableau bucolique, nous quittons Ascain avec des regards attendris. 




Sare
Je déteste l'expression "coup de cœur", trop superficielle et restrictive. Je lui préfère osmose, reconnaissance, connexion, cohérence, frissonnement et tous les qualificatifs qui décriraient, avec plus ou moins de précision, ce rapport étroit, ce lien invisible qui nous relie soudain à un lieu. On trouve le paysage beau, accueillant, les villages jolis et puis, tout à coup, c'est autre chose. Les collines prennent des formes maternelles, les lacets de la route se dessinent de manière évidente. L'environnement ressemble à ce que nous portons en nous, épouse notre caractère et nos états d'âme. Lorsqu'on descend de voiture, que l'on marche un peu dans les ruelles, les murs nous parlent et nous racontent des histoires connues, mille fois entendues. Inexplicablement, les odeurs sont familières, aucune couleur, aucune texture ne dénote. Chaque chose est miraculeusement à sa place. Tout s'explique. Musicalement, il s'agirait d'une symphonie sans fausse note, d'une composition parfaite. Alors, on avance, confiant. Nos pas savent où ils vont. Sur le chemin empierré, on s'arrête. Plus rien n'a de sens que la contemplation immobile, tous sens en alerte. On comprend, sans le formuler, que cet endroit est idéal. Que l'on pourrait ne plus en bouger, jamais. Y passer le restant de ses jours. Comblé. Apaisé. Heureux. Gratitude. Moment rare. Sare. 



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