dimanche 9 septembre 2018

Voyages avec un âne dans les Cévennes

Robert Louis Stevenson, Voyages avec un âne dans les Cévennes, 1879.
Du Puy en Velay à Alès, Stevenson traverse plusieurs régions de France accompagné de Modestine, une ânesse avec laquelle il va apprendre à voyager. Plusieurs lectures pour ce livre, toutes plus géniales les unes que les autres et qui s'entremêlent pour former un récit à la fois dense et cohérent. 
La littérature
Évidemment, Stevenson, c'est le génial conteur de L'île au trésor, avec ce vocabulaire élégant, précis, ce phrasé poétique qui nous séduit et nous régale. Et puis, cette indéniable touche d'humour, d'auto-dérision, cette irrésistible drôlerie à l'heure de décrire ses mésaventures avec l'indomptable Modestine. Un bonheur.
La randonnée 
L'auteur nous fait voyager par son récit à travers des régions sauvages, des collines et des forêts, des plateaux et des vallées qui n'ont a priori rien d'époustouflant ni de grandiose mais qui, justement par leur simplicité, leur beauté pure, celle des premiers jours du monde alliée à celle, modeste mais têtue, de son aménagement par l'homme, laissent au marcheur une sensation de plénitude. De l'Auvergne au Gard, ce sont des endroits peu fréquentés par les touristes, d'autant plus à l'époque !, mais qui aujourd'hui sont mis en valeur par l'association Sur le chemin de R.L. Stevenson dans le but de développer ces territoires, mettre en valeur leur patrimoine naturel et historique. On peut d'ailleurs visiter leur page Facebook sur laquelle on peut lire les actualités du chemin, ainsi que des témoignages de marcheurs. Cet été, par exemple, celui de l'actrice Alexandra Lamy qui s'est lancée sur la piste avec son légendaire sourire. De quoi donner envie de découvrir cette route, de chausser ses crampons et de partir, comme Stevenson à son époque, au cœur de cette France méconnue. Alors, ça vous tente ? Moi... oui !

L'histoire
Au cours de son périple, outre la découverte du patrimoine naturel, Stevenson se confronte à celle de l'histoire et en particulier de celle des protestants de la région, à travers le souvenir des guerres de religion qui les ont opposés aux catholiques. Etant lui-même protestant, Stevenson prend bien évidemment parti pour ses coreligionnaires, glorifie leur résistance à l'ennemi et encense leur droiture et leur intelligence d'esprit. Il est vrai que les conflits religieux ont secoué les Cévennes et il est bon de faire un petit retour en arrière sur cette partie souvent oubliée de l'histoire. Juste pour se souvenir que, chez nous aussi, les hommes se sont entretués à cause de leurs croyances et que le fanatisme n'est pas l'apanage de lointaines contrées exotiques. 
La philosophie
Enfin, dernier aspect que nous évoquerons, celui de la philosophie. Car, non content d'être un conteur hors normes, Stevenson questionne par son voyage notre relation aux hommes, aux animaux, aux forces de la nature. Il analyse les contacts plus ou moins faciles que nous avons avec l'Autre et que les différends politiques et religieux peuvent compliquer davantage. Et puis, il écrit des pages tellement belles sur la marche, sur ce que cette activité, libérée de toute notion de compétition et dépouillée d'un trop plein d'enthousiasme lorsqu'elle s'effectue en groupe, peut apporter à notre corps et à notre esprit. Un plaidoyer pour la marche solitaire, lente, méditative, contemplative. Des lignes qui n'ont rien à envier ni au bouddhisme, ni au mouvement "slow travel" tant à la mode aujourd'hui. Au terme de cette lecture, on se dit que, définitivement, ce Stevenson a tout inventé !

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