Pas de voyage géographique, pas de déplacement dans l'espace et pas non de plus de récit d'aventures dans des contrées reculées de la Terre. Ici, il s'agit d'un drôle de voyage, de pérégrinations imprévues dans les méandres de la maladie. Mathias Malzieu, charismatique chanteur du groupe de rock Dionysos, nous ouvre la porte de son monde poétique pour nous raconter l'hôpital, les infirmières, les médecins, les examens. Atteint d'une maladie auto-immune rare qui lui dérègle la moelle osseuse, il a besoin de transfusions régulières. Il se transforme en vampire. Sans connaître l'issue de tout cela. Sans savoir s'il va en réchapper. On essaie un traitement. Qui ne fonctionne pas vraiment. Il faudrait un donneur de moelle osseuse, mais cela ne court pas les rues. Mourir ? Hors de question ! Mathias doit porter jusqu'au bout le film qu'il vient de réaliser. Il retarde autant que possible son enfermement en chambre stérile pour pouvoir mener son projet jusqu'au bout. Je vous le dis de suite, l'histoire se termine bien. Grâce aux incroyables progrès de la médecine. The end.
Non, en réalité, ce n'est que le début. Le fil conducteur, drôle de fil. Le malheureux prétexte qui déclenche un récit riche, dense, dynamique, fou, poétique, onirique, enfantin, beau, amoureux, généreux, musical, humain. Mathias tient un journal de ses petites misères et de ses grandes douleurs pour ne pas sombrer, pour continuer de se noyer dans la création, dans ses rêves les plus dingues. Dans son "appartelier", il écrit des chansons, joue du ukulélé, imagine des scénarios recroquevillé dans son fauteuil-oeuf, fait des balades devant la fenêtre avec son vrai-faux hérisson sur l'épaule et se laisse bercer par l'amour de Rosy, imperturbable sirène qui ne rompt jamais, qui reste superbe et solide dans toute la laideur de ces épreuves. Recueil d'impressions sublimées par l'humour et le talent, liste de peurs insurmontables pudiquement évoquées, poussières de vie en suspens qui traînent leurs éclat terni derrière le skate, tout est terrible et magique à la fois. L'auteur sait sublimer le vulgaire, le trivial, expliquer précisément les transfusions et les perfusions sans que cela soit pesant. Au fond, il se crée un monde et nous accueille dedans. Et nous, lecteurs, on s'y engouffre avec délice, jamais avec pitié, on savoure la beauté des mots ciselés, choisis, orfèvrerie. On rit parce que, quand on est passé par un chemin similaire, on se reconnaît beaucoup là-dedans. On pleure un peu, parfois, quand ça nous ressemble trop. Et on aime. On aime ce garçon, cet homme-enfant changé en adorable et fragile vampire ; on aime qu'il nous fasse confiance et se confie ; on aime son univers fantastique et touchant ; on aime l'amour qui transpire dans chaque page.
Et on a très envie de remercier Mathias Malzieu. D'avoir écrit cela pour l'exemple, pour comprendre, pour partager, pour les malades et pour les autres. Et de l'avoir écrit comme cela, avec une liberté sans limites, avec génie, avec ses tripes et son âme fantasque. Merci, Mathias. Et longue vie. Et belle vie.
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