Deux choses sont à l'origine de cet article. D'abord, le fait d'avoir traité avec mes élèves le sujet des paysages espagnols en tant que décor de cinéma et le côté moins idyllique de la péninsule : la destruction de ses espaces naturels au profit d'une urbanisation sauvage motivée par le tourisme. Ensuite, un reportage d'Arte sur Venise et le drame que vivent le peu d'habitants récalcitrants qui n'ont pas encore quitté la ville : l'afflux incontrôlé de touristes qui dérèglent complètement la vie locale. Il n'en fallait pas plus pour qu'on se pose la question suivante : alors, le tourisme, bénéfice ou catastrophe ?
En Vendée...
Avec mes élèves, nous avons ensemble regardé un reportage d'Arte sur Mallorque, pour voir en images ce qui se joue dans cette île des Baléares très prisée par les visiteurs. On a pu voir que chacun y allait de son argument pour glorifier ou maudire le tourisme de masse. Une guide soutenait par exemple que les visiteurs du monde entier étaient les bienvenus et que, en temps de crise, c'était leur venue qui faisait tenir l'économie de Mallorque. Nous, on s'est surtout dit qu'elle tenait à son salaire... Et on a été beaucoup plus émus par les habitants qui se plaignaient de voir le prix de l'immobilier flamber, par cette association qui mesurait la pollution aux abords du port, pollution de l'air très importante et causée par les paquebots de croisière, géants des mers qui stationnent pendant plusieurs heures sans couper leurs moteurs, tout ça pour que des touristes peu soucieux d'approfondir le sujet fassent quelques photos et puis s'en aillent. Touchés, on l'a aussi été par ce vieux monsieur, artiste, qui collecte des bouteilles d'eau et autres détritus pour en faire des œuvres contemporaines et les exposer en plein centre-ville. Une manière de faire prendre conscience aux touristes ET aux mallorquins que le patrimoine naturel, ça se respecte. Le vieux monsieur, il disait que dans jeunesse, il longeait la côte en vélo et qu'il n'y avait aucune construction. Il disait qu'il était triste et ça nous a rendus tristes aussi.
A Egine, en Grèce...
Du coup, on est allés voir ça d'encore un peu plus près, et on s'est plongés dans les rapports de Greenpeace sur la destruction du littoral espagnol. Des images parlent plus que des chiffres, quoique : l'équivalent de 8 terrains de foot par jour de nature détruite pour construire des hôtels et appartements touristiques, on a bien visualisé. En photos, on a vu le rapport de 2013, le meilleur et le pire de la côte espagnole : les endroits les plus protégés, et les endroits les plus amochés. On a vu rouge. Alors, les jeunes se sont mis à écrire (tout ça en espagnol, bien évidemment) une loi de protection du littoral : interdictions, zones protégées, parcs naturels, amendes, bus électriques, associations de riverains, hôtels écologiques, films de sensibilisation... ils ont tout réinventé.
Seule, j'ai visionné ce reportage Arte Regards (au passage, cette émission est excellente) sur Venise et j'ai revu le même drame : rues envahies, prix des logements inabordables, départs des jeunes vers d'autres villes, petits commerces fermés au profit de chaînes bon marché. Seulement, cette fois, on nous présentait une solution très intéressante : deux jeunes sans travail (parce qu'à Venise, quand on est biologiste et pas dans le tourisme, on ne trouve pas de travail) ont ensemble créé une association et un label. Le but ? Communiquer, informer les touristes sur les magasins qui sont tenus par de "vrais" artisans locaux, les inciter à s'intégrer à la vie locale en faisant par exemple des ateliers (on en voit un dans le reportage chez un souffleur de verre), manger chez les petits restaurateurs, etc, etc. Au fond, ce que disent les vénitiens, c'est que ce n'est pas vraiment la faute des touristes, mais plutôt la faute des autorités qui se sont laissées déborder par le flot, qui ont vu la manne financière et qui ont fermé les yeux sur les conséquences désastreuses que cela allait engendrer.
A Malaga, en Espagne...
Cela nous amène inévitablement à nous remettre en question, nous et notre sac en dos, en tant que touristes.
("touriste", gros mot pour certains qui le considèrent péjoratif et se refusent catégoriquement à l'être, touriste, criant haut et fort à qui veut bien les entendre qu'ils sont des "voyageurs". N'ayant pas vu pour le moment de grosse différence mais seulement quelques hypocrites nuances, je règlerai leur compte dans un prochain article)
Sommes-nous, déjà, dans un premier temps, sensibles au fait que le logement dans lequel nous dormons sur la Costa del Sol a provoqué la destruction massive de cette même côte ? Sommes nous éduqués en ce qui concerne le respect des espaces naturels, la propreté ? Préférons-nous faire marcher le commerce local ou nous ruons-nous encore dans les magasins où domine le "made in China" ? Nous intégrons-nous un peu à la vie locale ou restons-nous sur les sentiers balisés par les guides ?
Vraiment, après tout ce travail, toutes ces images et ces réflexions en groupe et en moi-même, je me dis que, définitivement, j'aurai du mal à ne pas réfléchir à deux fois avant de franchir la porte de tel ou tel endroit, et que je serai dorénavant plus attentive aux traces de mon passage dans les pays et les villes que je visite ...
Un endroit protégé où je sais qu'il n'y aura jamais d'immeubles...
1 commentaire:
Bonjour !
Article très intéressant;en effet on peut se proclamer "voyageur" tant qu'on veut; on reste au sens propre des touristes, qui d'un côté suscitent le développement d'une économie lié au tourisme, et de l'autre ont un impact certain, pas forcément positif, sur les populations et les environnements.
Vraiment, je trouve cette réflexion très pertinente, ça implique de se responsabiliser pour penser sa pratique de voyage.
Un exemple tout bête, je me souviens être allée au Canada il y a quelques années, et faire une excursion en zodiac pour observer les cétacés. Quel moment merveilleux, inoubliable !
Mais quelques temps après, je me suis rendu compte lors d'un reportage, que la pollution sonore et de carburant troublait la reproduction des baleines dans le fleuve St Laurent. J'avais cautionné quelque chose d'effroyable !
Du coup, cet été quand je suis allée observer les baleines en Islande; j'ai choisit une compagnie qui s'engage pour le développement durable, qui restaure de vieux voiliers, utilise l'énergie électrique pour que éviter la pollution, y compris la pollution sonore qui dérange beaucoup les cétacés.
Bref, tout ça pour dire qu'on peut parfois faire des erreurs sans le savoir, et j'ai compris depuis qu'il valait mieux s'informer au maximum avant; histoire d'éviter ce genre de comportements.
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