dimanche 27 novembre 2016

Castro est mort, vive Castro ?

Il fallait bien que je sorte de mon silence. Depuis deux jours, on n'entend parler que de lui. Le Lider Maximo est mort et deux discours s'affrontent, le manichéisme est roi... surtout quand on s'arrête à ce que disent "les infos", la Bible de ceux qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. Alors, Fidel Castro, ange ou démon ? Pour tenter de mettre un terme aux jugements à l'emporte-pièce et aux commentaires de ceux qui n'y connaissent rien ou pas grand chose, voici quelques pistes : 
Oui, l'embargo américain a ruiné le pays
Comprendre l'Amérique Latine est impossible si l'on ne prend pas en compte ses relations avec son encombrant voisin, les Etats-Unis. Car, dès 1823, les USA profitent de leur popularité (sincère ou obligée) auprès des tout nouveaux gouvernements latino-américains qu'ils ont aidé à mettre en place au lendemain des indépendances, et pondent la doctrine Monroe qui vient sanctifier des relations déviantes.  Le texte disqualifie l'Europe et institue pour de longues années la domination économique et politique nord américaine sur son "arrière cour" latino. L'Amérique Latine passe ainsi en un clin d'oeil d'un colonialisme à l'autre, de la couronne espagnole au joug de l'oncle Sam. Cuba n'est pas encore indépendant qu'il a déjà perdu toute perspective d'émancipation. Rien d'étonnant alors qu'en 1962, ce cher président Kennedy instaure un embargo économique qui assiège la petite île pour des décennies. Plus d'échanges avec l'étranger, plus de voyages, plus de tourisme, Cuba est diabolisée. 
Oui, Cuba devient une dictature
En réponse à la situation critique de son pays qui ne peut plus échanger sa canne à sucre avec grand monde, Castro durcit sa politique, tout récemment proclamée comme état "socialiste" et l'institutionnalise. Il envoie le Che, trop maoïste à son goût, trop proche de l'idée d'une révolution active et armée, se balader un peu partout dans le monde, jusqu'à l'inciter à une disparition de la vie politique avec son départ pour l'Afrique, puis sa mort en Bolivie. Castro peut alors staliniser, bureaucratiser Cuba à son goût. A partir de là, naît une sorte de paranoïa anti yankee qui est alimentée par la censure, la surveillance des citoyens et d'autres méthodes peu glorieuses... pas si éloignées que cela de la "chasse aux sorcières" si à la mode sur le territoire du Ku Klux Klan et autres associations prônant l'intolérance, la violence et le racisme. 
Oui, Castro a libéré son peuple
Revenons un peu en arrière. Nous sommes en 1959, à la veille de l'entrée de Castro et du Che à la Havane, marquant le succès de leur entreprise révolutionnaire. Qui gouverne encore le pays à cette date ? Ce délicieux Batista, dictateur devant l'éternel, ou plutôt l'une des marionnettes que les Etats-Unis ont eu la bonne idée d'installer au pouvoir d'un pays latino-américain, de manière à pouvoir gouverner à leur guise en sous-main. Les belles voitures américaines, cela vous parle ? Elles datent de cette merveilleuse époque où Cuba est infestée par la mafia américaine, où l'île vit sous le règne de la prostitution, de la drogue et de la répression. Alors, oui, Castro libère son peuple, lui redonne sa souveraineté. Ensuite, grâce à la réforme agraire, il redonne la terre, alors accaparée par de grands propriétaires terriens, à ses citoyens. L'alphabétisation, le travail collaboratif et la santé connaissent des progrès phénoménaux. Ce n'est pas de l'angélisme, c'est un constat historique. 
Non, tout n'est pas tout noir ou tout blanc
Comme nous avons tenté de le démontrer, le manichéisme fait rarement loi en Histoire, qui plus est lorsqu'il s'agit de l'Amérique Latine, surtout lorsqu'on sait que son histoire est intimement liée à sa relation avec les Etats-Unis, pays lui-même pétri de contradictions et loin d'être une démocratie modèle. Pas question de glorifier dans sa totalité l'œuvre de Fidel Castro, dont on sait très bien qu'elle est entachée d'excès autoritaristes. Mais pas question non plus de dire que c'était mieux avant ou qu'avec la mort de Castro le peuple cubain est enfin libre. Certes, les exilés basés à Miami crient victoire et chantent la mort du tyran. Mais combien sont-ils à être descendants de ces riches propriétaires terriens arrosés de dollars à l'époque de Batista, de ceux qui méprisaient le peuple et refusaient de renoncer à leurs privilèges ? Et puis, soyons réalistes, l'île n'a pas attendu le décès du Lider Maximo pour s'ouvrir au monde... et au retour de la domination yankee. 
Plusieurs voies sont encore possibles pour Cuba : un retour en arrière, comme c'est le cas dans certains pays d'Amérique Latine où les USA ont repris leur domination (c'est ce qu'on appellerait le syndrome de Stockholm) ; ou encore suivre l'exemple de la Bolivie où le pays se cherche et est en passe de se trouver une voie libérée du joug nord américain, de redevenir propriétaire de ses ressources naturelles. Cuba, maîtresse de son destin ? Cela reste à voir... 

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