mercredi 22 juillet 2015

L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea



Romain Puértolas, L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea, 2013.
Dès la biographie de l’auteur, on n’en revient pas de tout ce que cet énergumène a pu faire dans sa vie. Un type passant des études de langues à la police et à d’autres étonnants métiers. On se demande si c’est bien vrai tout ça, étant donné le ton un peu léger de l’énumération. Mais on ferme les yeux sur le trop plein d’excentricités. On refuse d’aller vérifier, on pose les faits comme véridiques et on décide de partir du même principe pour le reste du roman.
Le héros, fakir de son état, imposteur devant l’éternel et au nom aussi imprononçable que celui des meubles suédois d’un célèbre magasin, décide de racketter son village – pardon, de leur demander de se cotiser – afin de lui payer un aller-retour vers l’Europe. Le but : officiellement, permettre à leur vénéré fakir d’aller s’acheter un nouveau lit à clous, dont l’unique modèle est produit par Ikea ; officieusement, juste se prouver que son influence sur ses concitoyens est toujours au beau fixe. Notre héros est censé ne faire qu’un passage éclair à Paris, seulement voilà, les choses ne se passent pas comme prévu. Pour attendre la livraison de son lit prévue pour le lendemain matin, il décide de passer la nuit dans le magasin. C’est sans compter sur la mise en place de la nouvelle collection et l’expédition de l’armoire passée de mode, dans laquelle le fakir a trouvé refuge, vers l’Angleterre. Là, dans le camion qui l’entraîne vers la Grande Bretagne, le protagoniste fait la connaissance de passagers clandestins venus d’Afrique. A ce moment du récit, le lecteur, qui avait mal aux côtes et les zygomatiques endoloris à force d’avoir tant ri, nous y reviendrons, redevient soudain sérieux. Nous sommes en plein drame, en pleine actualité, et malgré le rire, nous garderons cette gravité comme un fil rouge.

Ne nous y trompons pas, nous ne passons pas du rire aux larmes et la rupture n’est pas cassante. L’auteur ne se pique pas de nous faire une leçon de morale bien pesée. L’absurde est toujours là, omniprésent, les quiproquos s’enchaînent et l’incroyable voyage du fakir à travers le monde se poursuit : par avion, par bateau et même en montgolfière, à travers l’Espagne, l’Italie, la Lybie. Il effectue une sorte de road trip à l’envers, puisqu’il emprunte contre sa volonté les routes tragiques de l’immigration en Méditerranée. Ce qui couronne le tout, en plus de l’habileté de la construction et la subtilité avec laquelle les sujets graves sont abordés, c’est le style. Quelle réjouissance ! Quel menu riche en métaphores et en jeux de mots savoureux ! C’est un vrai délice, un enchaînement de situations grotesques et de trouvailles lumineuses. On se dit, il ne va pas oser, quand même… et puis si, l’auteur ose, nous embarque et on le suit. Et on se prend à rêver de voir les aventures du fakir sur grand écran…

3 commentaires:

Anonyme a dit…

c'est drôle, je viens de le lire, rien que parce que le titre m'a accrochée ! à quoi ça tient...
pcr

Emi a dit…

la démarche a été la même pour moi : je l'ai vu chez Landru (la librairie !) à Chamonix et le titre m'a séduite, évidemment ! Qu'en as-tu pensé ?

Solène a dit…

Je ne l'avais pas lu, j'avoue avoir eu quelques réticences (mal placées manifestement)... Votre post me donne envie de revoir ma position et d'embarquer ce fakir dans mes valises !