mardi 9 juin 2015

Le restaurant de l'amour retrouvé

Ogawa Ito, Le restaurant de l'amour retrouvé, 2008.
Merci. C'est le mot que je viens d'envoyer à l'amie qui m'a conseillé de lire ce livre. J'avoue que je l'avais gardé dans un coin de ma tête. Je ne me souvenais plus trop bien du titre, je me rappelais juste que ça parlait d'une jeune femme, d'un restaurant qui n'ouvrait que pour une ou deux personnes chaque soir. C'est tout. Récemment, je suis passée à ma petite bibliothèque et me suis dirigée vers les livres nouvellement achetés : il y était. Le restaurant de l'amour retrouvé !
De suite, l'ambiance m'a plu. J'avais peur que le côté japonisant du contexte me barbe un peu, mais pas du tout. L'héroïne est une fille comme vous et moi, qui travaille au début du récit dans un restaurant turc et a un petit ami indien, lui aussi dans la restauration. De suite, tout tourne autour de la cuisine, on l'a bien compris. Et puis, très vite, un soir qu'elle rentre du travail, elle trouve l'appartement désert, non seulement vide de toute présence humaine, mais également de la totalité de ses meubles et autres objets. Ce qu'elle regrette le plus ? Sa batterie d'ustensiles de cuisine, qu'elle a achetés petit à petit grâce à ses économies. Par chance, cachée dans un coin, elle retrouve la jarre remplie de saumure dans laquelle sa grand-mère faisait mariner ses légumes. Alors, Rinco, la jarre sous le bras, puisqu'elle n'a plus rien à faire en ville et puisque sa vie s'est vidée de sa substance matérielle, prend un bus et retourne dans son village natal, dans lequel elle ne s'est pas rendu depuis des années. Seulement voilà, les difficultés ne s'arrêtent pas au fait qu'elle n'a plus aucun repère sur les lieux de son enfance ou que ses liens avec sa mère soient plus que problématiques. En plus, elle n'a plus de voix. Ses cordes vocales ne répondent plus, elle est muette. 
Assez esseulée, sans le sou, à l'aide d'un vieil ami et des quelques phrases qu'elle note sur un carnet afin de pouvoir communiquer un minimum avec les autres, elle se lance dans la création de son restaurant : un lieu hors du temps et de l'espace qu'elle conçoit comme un cocon, un écrin d'amour qui ne recevra qu'une ou deux personnes par jour. On parle d'amour, évidemment. Pas seulement de sentiments amoureux qui peuvent naître entre deux personnes, mais de l'amour qui se transmet à travers les plats que Rinco cuisine. Grâce à ses réalisations gastronomiques, elle remplit les estomacs, panse les plaies, calme les tripes. C'est un don de soi, quelque chose de pur, d'intime, de presque sensuel. C'est complètement l'idée que je me fais de la cuisine : je donne à manger, je nourris ceux que j'aime, je remplis leurs corps et leurs coeurs de ce que je peux faire de mieux, de ce que j'ai de meilleur. Je prends soin de leur physique et de leur mental. Je leur fais quelque chose d'épicé pour les égayer ; je leur mijote de bons petits plats pour les réchauffer quand ils sont fatigués, ou déçus, peinés ; je leur prépare des plats tout doux pour les bercer, comme on chante une berceuse à un enfant. Je mélange les saveurs, je hume, je goûte et je les sers, moi-même, assiette par assiette. C'est comme un cadeau. 

Alors, Le restaurant de l'amour retrouvé, ça m'a ramenée moi aussi à des choses très intimes. Et puis, quelle finesse d'écriture ! Quelle poésie ! Il y a des phrases que j'ai relues, comme on savoure un mets délicieux. Les nuages qui voguent dans le ciel, les arbres de la forêt qui ressemblent à des brocolis juste blanchis, mi crus mi cuits, moi, ça me parle, ça m'enchante. Et il n'y a pas que les comparaisons culinaires, il y a les symboles, les métaphores, le monde onirique et mythique qui se dessine page après page, non pas au second plan, mais entremêlé au premier plan, à l'existence même de la protagoniste. 
Je pourrais vous en parler pendant des heures entières... Lisez-le... !

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