mardi 7 avril 2015

Un sac

Solène Bakowski, Un sac, 2014.
Frappée par son premier roman, Parfois on tombe, dont j'avais parlé ici, je ne pouvais pas manquer le deuxième. J'avais été touchée, remuée, atteinte au plus profond par sa première histoire qui me ramenait tellement à la mienne et évoquait celle de beaucoup d'autres, éblouie par le style simple et sans failles de Solène Bakowski, il m'était impossible de passer à côté de son deuxième opus. 
Et pourtant, j'avais bien compris que l'histoire n'avait rien à voir, qu'elle était allée chercher plus loin, ou tout du moins ailleurs, encore une fois au plus profond. Noire, la couverture, noir, le récit de la vie de ce personnage hors cadre, qui n'entre dans aucun moule. Anna Marie Caravelle, la rouquine, :la marginale, la première fois qu'on la rencontre, elle nous fait frémir. On ne sait pas si on a vraiment envie de l'entendre nous raconter ce que l'on devine déjà être au-delà de l'immaginable. Malgré tout, cela se fait. On l'écoute, sans s'en rendre compte on pénètre dès les premières lignes dans son intimité la plus féroce. De toute façon, du début, on sait on l'on va. On ne nous ment pas. On nous dit clairement où on nous emmène. L'auteur ne cherche par à nous effrayer, à ce que l'on plaigne son personnage ou à ce qu'on lui cherche des circonstances atténuantes, des similitudes avec nos petites vies bien rangées. Anna Marie Caravelle est inclassable. Racontée dans les colonnes des faits divers du journal, son existence nous aurait paru sordide. Ici, page après page, elle nous est racontée froidement, comme observée dans un laboratoire. La jeune femme met de suite une distance telle entre elle et le lecteur qu'il est impossible de la condamner, de la rejeter ou de l'excuser. Elle se situe, dans ses folies, ses froideurs, ses violences, au-dessus de nous, dans un monde parallèle qui est à mille lieues de la rubrique des chiens écrasés. Bon, par moments, on se demande quand même comment un tel personnage a pu naître dans la tête de l'auteur, comment Solène a pu dormir correctement la nuit pendant le temps qu'a duré l'écriture de son roman, en sachant jusqu'à quel point un héros peut hanter un écrivain. Un peu comme ces acteurs qui avouent avoir eu du mal à se défaire de leur rôle à la fin du tournage d'un film. Nous ne manquerons pas de poser ces questions à Solène, et nous reviendrons vers vous pour vous faire part de ses réponses. 
En attendant, il faut courir acheter ce livre. D'abord, pour le style. Mon Dieu que c'est bien écrit, diable que sa prose est poétique, forte et douce à la fois, délicate et tranchante dans un même mouvement. Une symphonie de mots orchestrée de main de maître par Solène Bakowski qui sait choisir le terme, l'idée, voire le son exact pour dire précisément ce qu'elle veut. L'écriture est propre, nette, musicale, une leçon d'expression pour tout écrivain en herbe qui se respecte. Il y a tellement de livres publiés chaque année et qui ne lui arrivent pas à un millimètre de la cheville. Ensuite, il faut acheter ce livre pour y être confronté à l'audace du choix d'un personnage aussi atypique et au traitement original qui en est fait. Ni misérabilisme, ni pitié, ni dramatisation exacerbée. Le juste milieu. Une sorte de peinture, de fresque à l'italienne dans laquelle chaque touche de couleur est, et je n'hésite pas à réemployer le terme, maîtrisée. 
Sans aucun doute, nous reparlerons ici de Solène Bakowsi. Attention, auteur à suivre !

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