mercredi 30 avril 2014

César Auguste, empereur de Rome

Avant de vous parler de mon récent voyage en Grèce, je tenais à vous raconter mon incursion dans l'un des plus beaux quartiers de Paris. Nous sommes dans le Grand Palais, qui fait face au Petit Palais, avec son imposante colonnade totalement mégalo. 
Le Pont Alexandre III qui nous y a menées n'est pas exempt d'exagération architecturale, avec ses dorures et ses sculptures monumentales. En-dessous, la Seine et ses bateaux-mouches chargés de flopées de touristes. La Tour Eiffel est toujours en place, derrière le Pont de l'Alma. Paris et ses clichés. Paris intemporelle et qui fait toujours recette. 
Nous passons ensuite rue Montaigne avec ses boutiques de luxe. C'est le paradis de la chirurgie esthétique, des UV à outrance, des vêtements Dior pour enfants. Les riches, dans leur bulle blindée, ne voient même pas le clochard ivre qui déambule devant les façades Gucci, Armani, Chanel ou Vuitton...


Si nous nous sommes rendues à cet endroit précis, ce n'est pas pour nous infliger une telle nausée. C'est pour aller voir l'exposition sur César Auguste, empereur de Rome, au Grand Palais. Dès l'entrée, sa silhouette imposante nous surplombe de toute sa hauteur. Des marbres aux motifs majestueux se succèdent de salles en salles. On admire les statues et sculptures aux drapés si magnifiquement taillés dans la pierre et aux proportion exactes. C'est la haute maîtrise de ces techniques qui en fait des oeuvres d'art d'exception, fidèles à l'héritage grec. 



Les conquêtes d'Auguste et sa généalogie familiale alambiquée nous sont expliquées si clairement que nous nous replongeons avec une extrême facilité dans le contexte de l'époque, au tout début de notre ère. Mais ce qui m'a le plus impressionnée, c'est tout ce qui concerne la vie quotidienne : les urnes funéraires, les services en argent. Quelle émotion de sentir que ces minuscules fioles en verre soufflé ont été manipulées par des mains de femme, que c'est bracelets ont dansé sur leurs poignets délicats. C'était il y a si longtemps, et, pourtant, on sent encore leur présence, là, tout près. 
Voici donc le récit de cette parfaite introduction à mon voyage à Athènes... A suivre...

lundi 21 avril 2014

Charolles et les monts du Mâconnais

Toujours en mode exploration, me voici à deux heures de route de chez moi. Trajet ponctué de cigognes (les belles dames viennent se reproduire à deux pas de mon lieu de travail ) de vaches et de vaches et encore de vaches, de troupeaux à n'en plus finir. Normal : nous allons à Charolles, l'épicentre de la viande du même nom. Végétariens, cet article n'est pas pour vous. Bien sûr, les petits veaux, c'est adorable. Ils sont tout blancs, viennent juste de naître... Mais pas de trop de sentimentalisme non plus ! Charolles, que diable, c'est la patrie de la bonne chère !
Pour l'heure, le restaurant d'altitude qui nous accueille s'appelle le Mont Saint Cyr. Un pique-nique avec une vue imprenable sur mille et une collines verdoyantes. Le paysage ne ressemble pas à l'Auvergne, pas au Limousin. C'est un dépaysement. On se sent ailleurs. Les villages bordés par les petites routes qui serpentent entre les prés ont tout de hameaux de montagne. ça sent les Alpes ou, plus précisément, le Jura. Vous allez me dire que je vois de la Suisse partout où je vais, je sais, ça tourne à l'obsession. Que voulez-vous, on recherche toujours, où que l'on soit, un peu de la terre qui nous est chère. On est en quête d'exotisme et on ne peut s'empêcher de faire des comparaisons. C'est ainsi. 
Le Mont Saint Cyr nous offre donc une vu panoramique sur les Monts du Mâconnais, très proches, sur le Puy de Dôme, au fond, dans la brume, et sur un hypothétique Mont Blanc dissimulé, comble de la frustration, par trois immenses épicéas qui nous bouchent la vue... Qu'importe, le temps est nuageux et nous n'aurions peut-être pas aperçu ne serait-ce que l'ombre du géant blanc. 
La balade en forêt nous console amplement de cette désillusion. De nombreuses espèces de conifères nous remplissent les poumons de leur odeur de résine. Le sous-bois est calme, tapissé de muguet naissant et les trilles des oiseaux composent une illustration sonore baroque. Il me vient comme une envie de ne plus jamais repartir d'ici, de me perdre dans cette forêt sans semer un seul petit caillou derrière moi...
Les nuages noirs sont dissuasifs et il faut redescendre de notre promontoire situé à 771 m au-dessus de la vallée. 
Charolles est une ville à découvrir à pied. Ses rues, ses monuments, ses places, ses parcs, font d'elle une cité séduisante dans laquelle il fait bon flâner pendant des heures et des heures. 



L'escapade pascale s'achève au bord de l'eau, à Digoin, le long du canal latéral à la Loire, juste en contrebas du fameux pont canal, sur lequel les bateaux traversent la ville en hauteur.
Quand j'aurais écumé tout le périmètre, tout vu, tout visité, tout goûté, tout apprécié, alors je pourrai déménager et aller voir ailleurs. Mais, avec toutes les beautés qui m'entourent, ce n'est pas encore demain la veille !

dimanche 20 avril 2014

Sancerre, l'éblouissement

Ce village, si près de chez moi et si loin à la fois. A peine une heure de route et c'est le dépaysement. Ce n'est pas possible ! Nous sommes déjà dans le Valais ? Déjà dans la vallée du Rhône ? Déjà à Aigle au milieu des vignes ? "Tu verras, c'est magnifique !" Mais je ne m'attendais pas à ça. Je ne m'attendais pas à toutes ces collines, à cette ville charmante posée sur un promontoire, à toute cette culture viticole et gastronomique qui transpire à chaque centimètre carré de pavé, à chaque coin de place, à chaque instant. Sancerre est un microcosme, un micro pays, tout un monde hors du monde et pourtant très relié à lui. Le fruit de ses récoltes s'exporte à travers la planète. Sancerre est polyglotte et on voit l'opulence que ça lui procure, l'orgueil que ça lui donne. Le trésor mature dans le secret des caves, dans ces gigantesques fûts qu'on aperçoit à la sauvette, par l’entrebâillement d'une porte. Il y a tellement de viticulteurs qui ont pignon sur rue qu'on se demande comment ils ne se marchent pas sur les pieds, comment certains ne finissent pas écrasés par la concurrence. 





Du haut de la tour, Sancerre étale sans modestie ses coteaux au nez et à la barbe des touristes ébahis. Il y a de quoi être fier de ce travail, de ce pays, de cette culture. Il y a de quoi se prendre légitimement pour le roi du monde quand on est d'ici. 

Nous sommes maintenant au-dessus de Chavignol. Marcher sur les chemins à travers les vignes est un émerveillement pour les yeux, pour les sens, pour les rêves. Le regard saute allègrement de colline en colline et embrasse l'horizon, tandis qu'à nos pieds, encore microscopiques, les premières grappes de raisins montrent le bout de leur nez. La promesse des futures vendanges. La naissance imminente de ce qui donnera l'élixir le plus recherché. Une sorte d'alchimie entre les paysages et les hommes qui les sculptent, entre la terre et ce qu'on en fait, entre la ruralité et la noblesse. A Sancerre, on comprend que l'une ne va pas sans l'autre et que les deux, au contraire, ne font qu'une. 


vendredi 18 avril 2014

Attendez-moi...

Vendredi 18 avril. 12h35.

Quelque part au bord de l'eau...
Temps couvert, vent frais, le soleil qui envoie quelques chauds rayons à travers une atmosphère moite. 

Il est assis à une table de pique-nique. Seul. Son thermos est posé devant lui et il dévore paisiblement un sandwich. Appuyé sur la table, son bourdon de pèlerin. Tordu. sinueux. En bois naturel. 
Sous le banc sur lequel il est assis comme pour y rester toujours, il a posé son sac à dos, gueule béante, délavé par les soleils et les lunes depuis lesquels il semble marcher. Il vient de partout et de nulle part, mais la tranquillité qui émane de lui nous fait dire qu'il sait où il va. Il a l'aura au diamètre infini, l'énergie sereine diffusée de quelqu'un qui n'est pas attendu, du marcheur au long cours. 

Je baisse les yeux. Ses pieds nus se reposent sur l'herbe fraîche. Il va certainement repartir dans de courtes minutes. Cette pause n'est sans doute qu'une brève respiration entre deux routes, celle de l'avant et celle de l'après. Mais, ce qui compte, pour lui, de toute évidence, c'est le temps présent, le seul valable. Il n'a l'air ni triste, ni gai. Il est juste là, maintenant. Ses pieds nus sur l'herbe fraîche. 
Je le regarde à travers la vitre, blindée, dans ma voiture. Il va se remettre à marcher, le nez dans le vent ; je vais m'enfermer dans une salle. Il se laissera guider par l'astre et par son instinct ; mon temps sera haché par des sonneries, mutilé par des obligations d'horaires et de lieu. Je suis déjà loin, mais quelque chose en moi est resté sur ce banc. Mon âme s'est déchaussée. Mon sang montagnard s'est enroulé autour de ce sac à dos bleu délavé. Mon coeur est resté là, pieds nus sur l'herbe fraîche. J'ai eu envie de lui dire, "attendez-moi"... Et puis j'ai appuyé sur l'accélérateur. La vision s'est faite lointaine. Irréelle. Etait-il vraiment là ? Ou ailleurs déjà ? 
Ce soir, ma tête le suis encore. Où es-tu ?

lundi 14 avril 2014

Avant

Avant, la couleur verte était celle qui me faisait démarrer au feu, celle à cause de laquelle les portes s'ouvraient vers un lieu où je n'avais pas envie d'aller. Maintenant, je noie mes regards dans l'océan vert tendre des champs de blé du printemps qui ondulent dans le vent.
Avant, il n'y avait pas de fleurs. Je tentais en vain de débusquer le moindre éclair de verdure au milieu du béton. Aujourd'hui, mes chemins quotidiens sont bordés de l'or des champs de colza qui brillent sous le soleil. 
Avant, je m'extasiais du lever du soleil rouge au-dessus des tours de la Défense, mais cette grosse boule était aussi inquiétante, irréelle, science-fictionnelle. Aujourd'hui, la nature autour de moi est apaisée et les nappes blanches des brouillards matinaux remplacent celles, acides, de la pollution.
Avant, les seuls reliefs qui se présentaient à moi étaient les mirages des montagnes dont le filtre menteur formait un rempart à la laide réalité. Maintenant, je navigue sur des collines qui n'ont rien à envier à la Toscane. 
Avant, je n'avais comme repère temporel que les jours et les nuits qui s'égrainent à une cadence mécanique et les vacances qui se succèdent, vides de sens. Maintenant, les paysages se dessinent au rythme des saisons, tout change imperceptiblement à chaque instant. Mes yeux ébahis assistent à une redécouverte permanente de ce qui m'entoure.
Avant, je vivais dans la peur. 
Aujourd'hui, je vis.

vendredi 11 avril 2014

Sa contre vérité sur le mammouth

Raoul Reichenbach, Ma vérité sur le mammouth, 2010.
D'abord, j'ai lu une ou deux définitions de ce pseudo dictionnaire. Je me suis dit non, c'est pas possible ! Du coup, j'ai entamé une lecture méthodique, pour voir si je n'avais pas la berlue. J'ai ouvert le livre à la lettre "A" et j'ai pris des notes, définition par définition. Cela confirmait ce que j'avais entraperçu. Mais je me suis dit que toi, lecteur, tu aurais des doutes, tu penserais que je n'aurais pas lu tout le volume (pile dans le mille). Alors je vais ouvrir les pages au hasard, pointer une définition du crayon et te la livrer, en direct...
Et puis non, je ne ferai pas plus d'un chapitre sur cet auteur ultra narcissique, à l'humour foireux et pourtant auto-satisfait. L'antisyndicalisme primaire qui émane de ces pages n'a d'égal que le narcissisme, l'auto-congratulation et la suffisance avec lesquels elles sont rédigées. Et puis, comment peut-on affirmer avoir consacré sa vie à l'Education Nationale, à l'enseignement, et avoir autant de mépris pour les enseignants, et les accuser de tous les maux ? C'est justement contre ce genre de discours caricatural, cliché, que les profs se battent au quotidien. Alors, lorsque c'est un directeur d'établissement qui casse du sucre sur leur dos, ça ressemble à un coup de poignard par derrière, sournois, lâche. Mais que pouvait-on attendre d'autre de la part de l'un de ces chefs qui estiment plus la prime de fin d'année que le bataillon de profs qui tentent contre vents et marées de transmettre des savoirs aux élèves ?
A n'utiliser qu'en cas de panne d'électricité, pour faire du feu dans la cheminée. 

mercredi 9 avril 2014

La fabrique du crétin

Jean-Paul Brighelli, La fabrique du crétin. La mort programmée de l'école, 2005.
C'est un livre coup de poing, qui dit tout haut ce que certains n'osent même pas penser tout bas. Tous les sujets tabous y sont abordés sans détour. L'Education Nationale passée à la moulinette.
Première salve : dans les écoles, collèges, lycées français, aujourd'hui, on fait tout sauf apprendre. On s'y distrait.
"Prévention routière, éducation à la santé, sensibilisation à l'écologie, info SIDA, dangers du tabac, de l'alcool, des sucreries, mangez des pommes, dites non à la drogue et peignez la girafe : toutes initiatives censées éduquer l'apprenant dans le sens de la conscience collective, sans pour autant, évidemment, lui retirer son individualité. Et cela bien sûr, en majeure partie, sur les heures de cours, ces mêmes heures perdues que l'on reproche acerbement au moindre professeur en grève ou en arrêt maladie."
Par ailleurs, l'auteur fustige cette norme très à la mode dans la nouvelle pédagogie : la sortie scolaire.
"La sortie scolaire, avantage non négligeable, permet au professeur zélé non seulement de s'aérer mais aussi de prendre l'air... important, de faire de la mousse, d'être bien vu de l'inspection, apprécié des élèves, estimé des parents, surnoté par son chef, aimé de son concierge -bref, de se rendre populaire à peu de frais. Du coup, ô perversité suprême, c'est l'enseignant lambda, modestement concentré sur ses cours et sa progression, qui apparaît ringard, pelé, galeux, pauvre besogneux..."
Peu importe où l'on emmène les élèves en sortie, Disneyland et le Louvre sur le même pied d'égalité, du moment qu'on applique la directive essentielle : sortir.
Deuxième salve : le collège unique est une utopie qui repose sur un nivellement par le bas.
"L'idée que tous les élèves se valent est une fiction dangereuse. L'idée qu'ils sont "naturellement" cancres ou génies en est une autre. Il est plus que tant de réhabiliter, mais sans dogmatisme, les classes de niveaux : le collège unique a fait la preuve de son extraordinaire pouvoir de destruction."
Ainsi, pour que tous les élèves suivent, on assiste à une simplification extrême des manuels scolaires, à un écrémage intensif des programmes. De même, on simplifie les concours de recrutement. Quand on voit l’orthographe de certains jeunes enseignants, qui sont en fait la première génération de profs formés par la nouvelle pédagogie, on comprend mieux l'argument. En fait, les enseignants sont maintenant surtout formés à décoder des manuels scolaires totalement encodés, dans lesquels la forme prime sur un fond qu'on ne fait que survoler. Ce qui passe à la trappe ? La culture, l'histoire, l'art, l'esthétique. En lettres comme en langues, on se contente d'inculquer aux élèves un vocabulaire fonctionnel de base. Pas de littérature. Pas de civilisation. On apprend à acheter une tomate mais on ne connaît pas Cervantes. 
C'est ce qu'on appelle le "socle commun de compétences": lire, écrire, compter, connaître une langue vivante. 
« On définit des compétences de base qui mettront l’élève moyen juste au-dessus du niveau d’un berger allemand. »
Troisième salve : l'école au service de l'abêtissement et serviteur du capitalisme.
Les ZEP, pépinières des recalés de la "bonne société", sont certainement les lieux les plus concernés par cet abêtissement.
« Les Zones d’Education Prioritaire ne sont ni prioritaires, ni éducatives. Une ZEP est un ghetto organisé, en général sur les périphéries des grands centres urbains, de façon à ce que les meilleurs élèves étudient tranquillement dans les « bons » lycées du centre-ville, sans être dérangés par une « racaille » descendue de quelque banlieue louche. De façon aussi à contrôler, étape par étape, les élèves « naturellement » destinés à alimenter les gros bataillons analphabètes."
Beaucoup de moyens, des primes pour les enseignants, mais des lieux où le nombre d’ordinateurs est plus important que le contenu des enseignements. Conséquence de cet enseignement de type colonialiste (la médiocrité dans laquelle on aime à cantonner les élèves de ZEP ressemble comme deux gouttes d'eau à celle qu'on considérait comme suffisante parce qu’inhérente à la condition inférieure des peuples colonisés), le retour du religieux et de la violence, de la part d'élèves qui n'ont plus de repères. Car, en survalorisant les cultures de la rue, l'école ne donne plus de bases culturelles et divise plus qu’elle n’unit, et produit des élèves qui vont chercher ailleurs des réponses à leur question. 
« L’école, en destituant le savoir, en laissant les problèmes de la cité envahir le sanctuaire, sous prétexte de s’ouvrir au monde, en « respectant » toutes les opinions, comme si elles étaient toutes respectables, en dévalorisant le travail, en bannissant l’autorité, a condamné à la rue tous ceux qui en viennent. »
Et c'est cette masse d'élèves abêtis, coupés de toute culture, qui vient grossir les rangs de la main-d'oeuvre low-coast, nourrie à un enseignement fonctionnel, hyper spécialisée et ultra obéissante. Idéale pour le capitalisme. Un contexte professionnel qui change tellement rapidement, qu'à peine sa formation terminée, le jeune n'est déjà plus en phase avec le marché du travail. Dépourvu de connaissances généralistes, il ne peut se réorienter ni évoluer et vient grossir les listes de ceux qui pointent à Pôle Emploi. CQFD.
Si ce que vous venez de lire vous intrigue, allez donc plus loin en lisant l'intégralité de cet ouvrage édifiant. Si vous niez en bloc toutes ces affirmations et criez au loup réactionnaire, arriéré et autoritariste, de deux choses l'une : soit vous n'avez jamais mis les pieds dans un établissement scolaire et parlez de ce que vous ne connaissez pas ; soit vous êtes en contact avec tout ce qui vient d'être dit et vous persistez à nier les faits. Dans ce cas, peut-être avez-vous de la merde dans les yeux. 

lundi 7 avril 2014

Gargilesse, route de Saint Jacques

La météo avait annoncé à tort un beau soleil. Nous partons sous quelques gouttes de pluie, mais ne nous laissons pas effrayer par les nuages. Nous surplombons la Creuse mais lui tournons le dos pour le moment, pour mieux imprimer nos semelles sur le Chemin de Saint Jacques de Compostelle qui en a vu tant d'autres (le chemin, pas Saint Jacques). 


La forêt est luxuriante, en ce début de printemps, et ce ne sont pas les champs couverts de fleurs de pissenlits, les fossés comblés de coucous et de primevères qui vont me contredire. Il fait incroyablement chaud, si bien qu'en fin de randonnée, nous aurons l'impression de gravir les pentes tropicales d'un volcan du Pacifique. Mais, pour le moment, nous sommes encore en pays tempéré : les petits carrés de vignes viennent tout juste d'être taillés et des jachères multicolores croissent à leurs pieds. 
Plus tard, nous arrivons sur les hauteurs de Gargilesse et quittons le chemin des pèlerins pour poursuivre notre route vers le village du Pin. Les résidences secondaires sont encore fermées mais laissent deviner çà et là un salon de jardin tout bleu sous les arbres, un banc qui regarde la Creuse, une pergola aux colonnes ornées de glycines. Autant de promesses de paradis cachés. 
Une fois en bas, les bords de la rivière ne nous rafraîchissent même pas et les étranges demeurent, là-haut sur les falaises, prennent un air inquiétant de villas hantées. Le plus dur reste à faire, puisqu'au bout de plus d'une heure de marche, il nous faut maintenant remonter tout le dénivelée en quelques dizaines de mètres. Nous haletons, nous liquéfions de chaleur en grimpant les marches qui nous ramènent à notre point de départ. Encore un autre circuit dépaysant dans ce coin que nous ne finirons jamais d'explorer. Tout laisse à penser que quelque génie efface et recrée le paysage après chacune de nos visites...

mercredi 2 avril 2014

La guerre de Troie

Carlos Moreu, La Guerre de Troie, au-delà de la légende, 2008.
Le sujet est passionnant, et je vais évidemment y revenir, mais je dois d'abord dire que je n'ai jamais lu de traduction aussi mauvaise. Je ne dis pas juste cela pour faire un quelconque effet hyperbolique. Quand je dis "mauvaise", au contraire, je pense sincèrement que je minimise. Voilà une dame, dont je tairai le nom, qui n'a pas saisi une miette de ce qu'était l'action de traduire. Au mieux, elle a recopié mot à mot chaque phrase originale. Au pire, elle a massacré le texte, ruiné la forme et par conséquent noyé le fond dans un charabia abyssal. Non, madame, qui que vous soyez et avec tout le respect que j'ai pour vous, traduire, ce n'est pas tracer une ligne directe entre deux idiomes. Ce n'est pas reporter consciencieusement dans la langue cible chaque signe de la langue source. C'est donner du sens. Avant tout. Mettre en valeur le texte (ici, un gigantesque travail de recherche). Pourquoi croyez-vous que nous luttions contre l'uniformisation culturelle, contre la prédominance du langage universel et la dictature de l'anglais ? Tout simplement parce qu'une langue, c'est toute la spécificité culturelle qui va avec, le bagage d'histoire, de traditions et évidemment un mode de pensée particulier. Avant de se lancer dans le recopiage forcené, il faut savourer les mots, les mâcher, rechercher toutes les saveurs différentes qu'ils font exploser en bouche, les digérer, les comprendre, les intérioriser. Ensuite, et ensuite seulement, il faut essayer de faire goûter au public à qui on destine le nouveau texte tout ce que l'original contenait de parfums. Cela me rappelle un reportage dans lequel un chef français immigré au Japon expliquait la notion de "bon" plat, de "bon" produit : il disait qu'en France, c'est le goût qui prime, tandis que les Nippons donnent la primauté à la texture. Chère traductrice, on le souhaite, d'un seul dimanche : ce livre-là, vous nous l'avez recraché au visage comme un vulgaire bout de chorizo. 
Pour en terminer avec la forme, je me suis aussi un peu perdue dans les allers et retours incessants du plan. Sans doute mon côté universitaire français un peu trop formaté par la dictature de la thèse en trois parties...
Venons-en maintenant au fond : la recherche des fondements historiques de la guerre de Troie. On y reparle bien sûr d'Henry Schliemann, dont j'avais évoqué la biographie, et de ses fouilles controversées à la fin du XIXème siècle. Le millionnaire passionné était persuadé de l'historicité du mythe homérique, mais il lui manquait des preuves. C'est au XXème siècle que celles-ci sont apparues, tant en Anatolie, qu'en Grèce et en Egypte, à travers la lecture de documents essentiels pour la validation de la thèse. Ce travail tout à fait complet nous offre un panorama clair et une conclusion nette et précise qui ravirait Schliemann : oui, la guerre de Troie a bien eu lieu. Passionnant. 
Même si, contrairement à ce que l'on peut lire dans la préface, ce livre ne se dévore pas "comme un livre d'Agatha Christie". Mais je ne voudrais pas jeter du sel sur la plaie... enfin, je veux dire, remuer le couteau dans la plaie (clin d'oeil à la traductrice dominicale).