jeudi 16 octobre 2014

Lettres de la princesse Palatine

Il m'a fallu du temps pour terminer cet ouvrage passionnant mais énorme. Je l'avais emporté en Bolivie, mais ce n'était pas le lieu pour lire ce genre de livre. Là-bas, je me suis plus plongée dans l'oeuvre de Jesus Lara que dans la royauté. C'était plus "couleur locale".
A mon retour, après une parenthèse littéraire montagnarde, je me suis refusée à abandonner la lecture des lettres de la princesse Palatine. Son ton était trop impertinent, trop croustillant pour que je ne poursuive pas cette découverte. Car "Madame", comme on l'appelait, avait un certain nombre de choses à dire et ne mâchait pas ses mots. Un régal de lire ce récit de la vie de cour qui n'épargne personne. Toute la famille royale en prend pour son rang, excepté peut-être le roi, Louis XIV, pour lequel Madame a un immense respect et beaucoup de tendresse. Mais pour ce qui est des autres, et en particulier de Madame de Maintenon, la princesse Palatine les égratigne avec un grand bonheur. La maîtresse du roi est traitée de "vieille ordure" et d'autres gentillesses impertinentes, sachant que le courrier est ouvert et lu, et que son contenu arrive par conséquent aux oreilles des intéressés. Mais Madame tient à sa liberté d'expression et le fait savoir, comparant son statut à celui, peu enviable, de reine :
"L'état de reine, je ne le tiens pas pour le plus heureux : de ma vie je n'aurais voulu en être une. On subit une contrainte plus grande que toute autre. On n'a nul pouvoir, on est comme une idole ; il faut tout endurer et être contente quand même. C'est ce qu'on peut appeler un sot métier, ce n'est que fumée et vanité, rien de solide..."
Outre ses opinions sur la royauté et ses piques adressées aux personnes qu'elle estime peu, j'ai adoré lire les mots de cette femme libre, qui aime aller à la chasse avec le roi et est extrêmement en avance sur son temps. Par exemple, son avis sur la médecine qui condamne les saignées et autres lavements, les accusant de faire mourir les patients plutôt que de les sauver, est révolutionnaire :
"Quand je choisis mon médecin, je le préviens qu'il ne devait pas s'attendre à une obéissance aveugle de ma part ; je lui permettrais de dire son opinion, mais non de se fâcher si je ne le suivais pas chaque fois. Ma santé et mon corps étant à moi, j'entends, lui dis-je, les gouverner à ma guise..."
A l'époque, personne ne met en doute la parole du médecin, encore moins pour affirmer la propriété sur son corps !"
Par ailleurs, ses propos sur la religion sont jouissifs à entendre. Elle qui a été forcée de se convertir au catholicisme pour épouser Monsieur, le fameux frère de Louis XIV qui avait tout d'une folle, n'a jamais adhéré à sa nouvelle religion ni renié son protestantisme. Elle s'endort pendant les sermons et critique vertement les ecclésiastiques, en particulier les Jésuites qu'elle a en horreur. Elle se fabrique sa religion personnelle et rejette tout net la dévotion ostentatoire et l'idolâtrie des catholiques. Elle dépeint leurs paradoxes avec humour :
"Vous êtes bien dévote de ne pas sortir le dimanche ; mais moi, je tiens les visites pour plus dangereuses que la comédie, car, quand on se visite, il est difficile de ne pas parler du prochain, ce qui est un plus gros péché que d'assister à la comédie. Je n'approuverais pas qu'on allât au spectacle au lieu d'aller à l'église, mais une fois qu'on s'estime en règle avec le bon Dieu, je trouve le spectacle moins dangereux pour la conscience que la conversation."
Et puis, à l'époque où les femmes, et même les hommes, se poudrent, se ruinent en toilettes et en bijoux, elle prend le contre-pied de toute cette mascarade superficielle et dresse d'elle un portrait sans concessions :
"Ma taille est monstrueuse, je suis carrée comme un dé, la peau est d'un rouge mélangé de jaune, je commence à grisonner, j'ai les cheveux poivre et sel, le front et le pourtour des yeux sont ridés, le  nez est de travers comme jadis, mais festonné par la petite vérole, de même que les joues; je les ai pendantes, de grandes mâchoires, les dents délabrées ; la bouche aussi est un peu changée, car elle est devenue plus grande et les rides sont au coin..."
Cette princesse là m'a définitivement séduite, amusée, étonnée. Je vous conseille de lire ce recueil de lettres : votre vision de la royauté n'en sera que plus nette !
Et pour compléter cette lecture (c'est ce qui m'a incitée à la lire, avec le roman de Chantal Thomas), regardez sans tarder les Secrets d'Histoire qui lui étaient consacrés :

2 commentaires:

Anonyme a dit…

c'est chouette l'histoire de France hein ?
PCR

Emi a dit…

J'ai toujours aimé l'histoire mais je n'ai jamais rien retenu... De l'histoire de l'Espagne que j'ai pourtant étudiée en détails, je me souviens juste que Carlos IV avait les habits troués... c'est dire !
Si on enseignait comme ça aux enfants, ça les captiverait sûrement beaucoup plus ! Vive Stéphane Bern !