vendredi 21 mars 2014

Le trésor grec



Irving Stone, Le trésor grec, 1975.
Avant de passer mes journées à trébucher sur des estrades de salles de classe poussiéreuses et odorantes, je rêvais d'être archéologue. Je lisais les récits des découvertes et me voyais bien avec un pinceau, grattant la terre inca, découvrant des temples mayas encore inexplorés ou déambulant dans les rues de Pompéi. Je m'imaginais répertoriant les fresques du palais de Cnossos, faisant des conférences à travers le monde, écrivant des livres. Je me rêvais en Hiram Bingham, en Henry Schliemann. 
C'est avec une jouissance sans bornes que je me suis plongée dans cet énorme livre, que je l'ai repris chaque soir comme un doudou. Une madeleine de Proust. Ou plutôt un baklava d'Athènes. 
Nous sommes dans la deuxième partie du XIXème siècle, au moment où le millionnaire Henry Schliemann se prend d'amour pour la Grèce Antique et pour une jeune femme de 16 ans, Sophie Engastromenos. Plus que son épouse, il décide de faire d'elle son associée. Ensemble, ils se lancent avec passion dans la recherche de la Troie d'Homère. Les conditions de travail sont dantesques dans ce milieu inhospitalier. Mais, de manière inattendue, Sophie apprend à aimer cette ambiance, jusqu'à devenir elle-aussi une acharnée des fouilles archéologiques, et même, d'après ce qu'en dit le célèbre biographe, jusqu'à aimer son mari, cet homme de trente ans son aîné qui fera toujours passer sa passion pour l'Antiquité avant sa famille. L'histoire prend une telle tournure qu'il apparaît très vite que Schliemann se fait voler la vedette : la véritable héroïne, c'est Sophie. Cette jeune fille qui devient une femme au-milieu des tranchées, dans la poussière de Troie, qui s'instruit, prend le commandement d'équipes de fouilles bien sûr totalement masculines, qui impose son point de vue. Sophie devient un élément essentiel du travail : elle recopie les articles de son mari, découvre elle-même des parties entières des sites archéologiques, tant à Troie qu'à Mycènes, se voue toute entière à cette tâche, jusqu'à laisser à Athènes ses deux enfants durant des mois pour mieux mener à bien sa mission. Schliemann est l'enthousiasme, elle est la raison. Il est la tempête, elle est le pilier du couple, notamment lorsqu'ils sont accusés d'avoir inventé de toutes pièces leurs découvertes. Les critiques sont terribles et s'abattent sur eux comme une marée de fiel, mais, ensemble, ils font face. Bien sûr, ils auront des divergences, la plus importantes d'entre elles reposant sur la vente par Henry du trésor de Priam à un musée allemand. Mais leur couple reste mythique. Des pionniers de l'archéologie moderne. 
L'aventure est tellement passionnante que j'en ai rêvé la nuit, que le sommeil m'a parfois transportée, après avoir refermé le livre, à Troie et à Mycènes. Dans les bras de Morphée, à genoux, les mains dans la terre, je me suis vue heureuse. 

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