dimanche 16 février 2014

Un héros

Félicité Herzog, Un héros, 2012.
Encore un bouquin qui casse le mythe pour se faire de l'argent ! Encore une "fille de" qui pond son opus pour passer chez Ardisson ! Encore un enfant qui cherche à sortir de l'ombre de son aîné en le détruisant ! C'est ce qu'on peut se dire en apercevant le livre de Félicité Herzog, la fille du grand alpiniste, vainqueur du premier 8000 mètres dans l'Himalaya. Mais il ne s'agit pas du tout de ça. Il ne s'agit pas d'opportunisme malsain, de volonté de tuer le père à travers une oeuvre. Au contraire, c'est le récit passionnant d'une vie solitaire, violente, peuplée de non-dits. C'est la volonté d'exprimer sa propre vérité, sa propre version des événements. 
Félicité Herzog navigue en effet comme une barque à la dérive dans une famille qui n'a jamais pu légitimement porter ce nom. Au mieux, elle a été un assemblage de personnes vivant chacune dans une bulle de frustration, de trahison et de grandeur passée. Le cas de son père, le célèbre alpiniste, est très vite réglé : imposteur qui n'aurait peut-être jamais atteint ces fameux 8000, assoiffé de chair fraîche féminine, jamais rassasié de conquêtes, jusqu'à une certaine perversité envers sa propre fille. Un héros qui n'en a que l'aura qu'il s'est lui-même fabriquée et qui correspondait très bien au besoin de renaissance qu'avait la France après la seconde guerre mondiale. Une ombre inquiétante qui plane sur l'enfance et l'adolescence de Félicité. Quant à sa mère, elle a cherché vainement à s'émanciper d'une riche famille noble et héritière des aciéries du Creusot, collaborationniste et négationniste, pour rentrer ensuite dans le rang. Idéaliste frustrée, elle est tiraillée entre son désir d'être une femme libre et le besoin d'appartenir à une lignée. Au centre de ce paradoxe, ses enfants sont livrés à eux-mêmes et à leur violence. Car, outre la démission de sa mère, qui l'entraîne dans les bas fonds parisiens et new-yorkais, Félicité doit affronter au quotidien la violence sans limites de son frère aîné, Laurent, dont les crises l'envoient invariablement aux Urgences avec des arcades sourcilières explosées d'autres lésions, sans que personne ne tire la sonnette d'alarme. 
Une vie entre les légendes Himalayennes et celles de la noblesse déchue, entre la faune parisienne et la nature envoûtante du château d'Apremont. Une vie à souffrir de ne pas avoir de place, jusqu'à prendre celle qu'aurait dû occuper son frère. Substitution, mimétisme, sacrifice. A lire. 
Le château d'Apremont - août 2013 (foto Emi)

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