mardi 11 février 2014

Au coeur des forêts

Christian Signol, Au coeur des forêts, 2011.
Nouvelle lecture passionnante ! C'est fou ce qu'on reconnaît un bon livre en ce qu'il surpasse, pulvérise les idées préconçues qu'on s'en fait à partir du titre, des avis des autres lecteurs, de ce que l'auteur connote. Christian Signol = roman du terroir ; "forêt" = roman plan plan, voire ennuyeux.
Puis, je lis. Et dès les premières lignes, une ambiance est créée : on est dans cette forêt. Est-ce que ça tient au choix de chaque mot, ou bien à l'assemblage de ceux-ci dans les descriptions ? En tout cas, on visualise parfaitement le lieu, les personnages, le décor, la température, le climat qui règne au milieu de cette nature et au sein de l'esprit des personnages. Bastien est déjà un ancien, mais ce grand-père isolé dans sa forêt décimée d'après la tempête de 1999 continue de travailler, de couper et de replanter. Il est seul et il s'en accommode, parce que sa femme n'est plus et que sa fille a quitté le "plateau" depuis bien longtemps, attirée qu'elle était depuis toujours par les lumières et les promesses de la ville. Un jour, pourtant, Charlotte, la petite fille de Bastien, débarque chez lui après des années d'absence, en proie à une grave maladie. A travers les souvenirs qu'elle évoque avec son grand-père, elle fait alors resurgir le passé, convoque les êtres aimés et disparus. Ensemble, les deux générations s'apprivoisent et soignent leurs blessures, qu'elles soient physiques ou morales. C'est une relation simple qui se noue entre ces deux êtres à vif. La forêt sert de contexte à ce cheminement intérieur et temporel, mais pas seulement. En effet, les arbres sont également des personnages : ils parlent, s'expriment, rêvent, souffrent, vibrent et racontent, à leur manière, leur version de l'histoire et de la vie qui s'écoule, plus ou moins douloureusement, autour d'eux.
C'est magnifiquement écrit, comme un poème, poignant mais pas larmoyant, plus exactement intense, dense comme la forêt. Les personnages sont eux aussi ciselés, sculptés. On lit tellement de romans dont les protagonistes sont plats, sans relief, insignifiants, hommes et femmes dont l'auteur n'a fait que survoler la personnalité. C'est une leçon de portrait que de lire Signol, un cours magistral sur la manière de sublimer les êtres qui naissent de notre imagination. 

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