mercredi 22 janvier 2014

Le chant des gitans


Fernanda Eberstadt, Le chant des gitans, 2007. 
Le moins qu'on puisse dire, c'est que l'effet est raté. Dès la préface, un certain John Updike démonte tout : le projet, l'auteur, le résultat, les protagonistes, en l’occurrence, les gitans. On se demande encore pourquoi et comment l'auteur a pu donner son aval à une telle préface, si ravageuse qu'elle en arrive à vous dissuader de commencer la lecture du livre. Comme je suis aventureuse et que la lecture des témoignages de ce genre attise ma curiosité, j'ai franchi le cap de l'introduction peu flatteuse et me suis très vite rendu compte que le rendu du contenu était lui aussi contraire à l'effet que Fernanda Eberstadt a voulu lui donner. 


Cette Américaine en mal d'exotisme, qui vient de s'installer dans le sud de la France, à Perpignan, avec mari et enfants, semble s'ennuyer ferme puisqu'elle se met dans la tête de rencontrer les musiciens d'un groupe gitan qui lui a tapé dans l'oreille. Le seul problème, c'est que ces gens-là sont fuyants, difficiles à localiser et à aborder. Qu'importe, la prétendue journaliste s'obstine et finit par croiser la route des rumberos itinérants, dont elle tombe littéralement amoureuse. Elle ressemble à ces groupies adolescentes qui courent après leurs idoles, quitte à se faire mépriser par ceux-ci. Elle se laisse balader, embobiner de bonne grâce par des gens dont elle déplore elle-même le manque de fiabilité. Le lecteur n'a pas besoin de se construire une opinion négative à partir de faits, c'est du tout cuit : violences conjugales et mépris des femmes, drogue et alcool ou bien enrôlement religieux sectaire, instabilité, analphabétisme et rejet de tout forme d'éducation, combats de coqs et autres bagarres au couteau, et j'en passe... Comment alors voir dans ce livre autre chose que le récit d'une obsession, d'un caprice de riche yankee qui a voulu voir des autochtones ? Par moments, cependant, nous sommes dans la description objective et non moins édifiante, dans le journalisme anthropologique. Mais, la plupart du temps, les propos d'Eberstadt sont dictés par la passion ou le rejet, par un manque de maturité. En lisant la dédicace qu'elle fait à ses amis gitans du quartier Saint Jacques à Perpignan, on se demande si, au nom de cette même amitié, elle n'aurait pas mieux fait de se taire avant de parler... 
Un livre à lire malgré tout, pour la pincée sociologique qu'on y trouve et justement pour cette construction naïve, puérile et maladroite du propos. Le contraire de la thèse, un bijou de production anti-universitaire ! 

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