samedi 5 mai 2012

Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran

Eric-Emmanuel Schmitt, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, 2001.J'ai vu récemment Eric-Emmanuel Schmitt à la télé, qui parlait de la mise en scène de son roman avec Francis Lalanne dans le rôle titre (en fait, dans tous les rôles). Dans l'émission en question, on a vu un extrait. Puis les commentaires, et le fait que j'aie déjà lu L'Evangile selon Pilate, adoré le sujet traité avec tout autant de liberté que de simplicité et de sincérité -pas de morale, juste des suggestions-, m'ont encore une fois poussée dans la pénombre de ma petite bibliothèque municipale. Et puis, cher lecteur, je pense que pour toi comme pour moi, une pause sourire s'imposait après une série de romans, certes passionnants, mais usants (je veux parler des chefs d'oeuvre de Yasmina Khadra ici, ici et ici). Car Eric-Emmanuel Schmitt, c'est l'antithèse de Khadra; l'ironie face à l'absurde, contre le regard accusateur face à la violence; la bienveillance pour nos petites fautes, face à la description sans concession de notre sauvagerie. Et pourtant, les deux se recoupent, le message est presque le même, on en arrive quasiment aux mêmes interrogations et aux mêmes conclusions. Chacun sa méthode, chacun son style. Il semble malgré tout qu'il faille un peu des deux pour avoir un panorama complet de la chose.
Monsieur Ibrahim, c'est une fable, un accéléré de roman initiatique, un conte pour tous les âges, parce qu'avec différents niveaux de lectures. C'est l'histoire de Momo -Moïse- qui devient Mohammed au terme des aléas et des ironies de la vie. Ou bien, autre version, c'est l'histoire de Moïse, enfant juif livré à lui-même, qui se lie d'amitié avec Monsieur Ibrahim, l'épicier "Arabe". A moins que ce ne soit l'inverse, Monsieur Ibrahim, qui se prenne d'affection pour ce jeune adolescent, qui le prenne sous son aile bienveillante. Tous les éléments du conte y sont, et c'est pour ça que c'est bon: un héros jeune et malheureux, délaissé par sa famille; un bienfaiteur, un guide, qui mène le héros sur son chemin initiatique et à la découverte de sa vérité profonde, du sens de son existence; des péripéties, réelles et symboliques. Avec en plus cette dose d'humour et de sourire qu'apporte l'écriture d'Eric-Emmanuel Schmitt, cette tendresse infinie pour ses personnages. Et une fin inattendue, un cercle qui se referme ou plutôt une boucle qui se boucle et l'énigme résolue. Beaucoup y ont vu un message de paix, de tolérance entre les religions. J'y ai plutôt lu un conte philosophique sur la vie, et, comme dans l'Evangile selon Pilate, une vision de la religion, une liberté prise avec celle-ci, qui semblera évidemment aux yeux de certains pure hérésie, blasphème! Il n'en est rien, bien au contraire: c'est l'expression de notre nature humaine qui fait que nous sommes sans cesse dans le doute; c'est la volonté de montrer qu'une religion peut, aussi, être silencieuse, intérieure, et non pas scandée, martelée, récitée, dictée, criée. C'est l'affirmation que ce qui doit en ressortir, ce ne sont pas les prières enfermées dans les lieux de cultes, mais une certaine vision de l'autre, faite de bienveillance, de recherche de compréhension -même dans des situations extrêmes-. Et c'est en cela qu'Eric-Emmanuel Schmitt rejoint Yasmina Khadra.
Que ceux qui trouvent mon rapprochement tiré par les cheveux lèvent la main? ("...me jettent la première pierre", c'était déjà pris...)

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