samedi 25 février 2012

Réflexions virtuelles

Avertissement: Attention, cher lecteur, une fois n'est pas coutume, en lisant ce billet tu pourrais imaginer te trouver en présence d'une séquence "je raconte ma vie".
Je viens de m'inscrire sur un forum de discussion (non, l'ami, même sous la torture je ne te dirai pas de quoi il s'agit), après maintes réflexions et plusieurs semaines d'hésitation. Le virtuel, ça effraie parfois. Mais d'autres fois, ça rassure aussi. Je m'explique. Quand je crée ce blog en 2006 (déjà?, diras-tu, quoique un peu hypocritement peut-être), je me dis que c'est pour parler des sujets qui m'intéressent, m'entraîner à faire des minis reportages. En aucun cas pour raconter ma vie privée, censure familiale oblige, c'était la condition première. Et c'est tout à fait normal. Quoi de plus ennuyeux qu'un blog où la personne décrit ses moindres faits et gestes, à quelle heure elle se lève, si ses enfants ont la gastro ou encore ce qu'elle prend au petit déjeuner. J'ai envie de dire, on s'en fiche, il y a Facebook pour ça (et encore). Ce qui m'intéressait, mes "modèles", c'était des blogs informatifs, de voyage, de cuisine, de poésie, des pages accueillantes à la lecture desquelles on apprend quelque chose, on découvre, on savoure, on s'enrichit, sans avoir jamais l'impression d'entrer dans la vie de l'autre. Et puis, le but était tout avoué: "rencontrer des gens", échanger sur des sujets qui me passionnaient, "avoir des lecteurs". Pourquoi, sinon pour se donner une petite importance, attention, pas aux yeux du monde, non, juste à soi-même. Le blog, c'est très confortable. On se fait mousser, on reçoit des commentaires, des mails, des critiques, parfois des insultes, en ayant toujours le choix, l'avantage de pouvoir se cacher derrière son écran en cas de discussion trop brûlante suite à une énième provocation. Parfois, cela a du bon. Je me souviens d'un échange façon ping-pong au sujet d'un certain camba qui affirmait que l'Atlantide se serait trouvée dans la région de Santa Cruz en Bolivie. Au début, on s'amuse de ces réponses au jour le jour, du tac au tac, de ces arguments lancés et réfutés, de ces réponses parfois piquantes, voir agressives. Et puis, à un certain moment, on dit "stop", parce que l'échange n'est plus de la discussion mais de l'attaque, parce qu'il sort de l'ordinateur pour venir coloniser votre esprit à longueur de journée. Alors, ce n'est plus de la rencontre. Lasse de ces conversations qui n'en sont pas, je coupe maintenant court aux commentaires qui me semblent insultants, déplacés, hors sujet. Au lieu de répondre, je laisse filer, parce que l'intérêt du blog n'est pas là. La rencontre est ailleurs.
La magie, ce sont les lecteurs lorsqu'on les découvre en chair et en os. Qui me lit? Oui, on connaît bien leur nom, leur pseudo, mais leur visage? Pour la plupart, on ne les reconnaîtrait pas dans la rue. Alors oui, ça protège, le blog, l'écran, mais non, le virtuel, s'il le reste, ça n'enrichit pas tant que cela. Je me souviens de plusieurs rencontres marquantes, de lecteurs. Je me rappelle avoir douté face à cette invitation à Paris. Boire un verre, mais qui est-ce? Je connais son pseudo, mais est-ce un homme? Une femme? Jeune? Vieux? La personne correspond-elle à ce qu'elle écrit? Et puis j'avais découvert un jeune homme souriant, entre deux missions au bout du monde, un vrai gentil, un humain dans ce qu'il y a de plus humain, une belle rencontre. Ensuite, il y en a eu d'autres, dont certains sont devenus de véritables amis (et ils sont rares). Je n'avais jamais imaginé que les amitiés puissent naître dans mon ordinateur, et puis si. Parce que sur ce blog je sème des petites graines, et que certains les cueillent, c'est amusant. Pour ce qui est du blog, je "maîtrise" les rencontres, le passage du virtuel au réel, parce qu'un thème, un sujet, une idée nous rapproche. On se rencontre "parce que". Parce que la Bolivie, parce que la randonnée, parce que la musique surtout. Mais sur d'autres supports virtuels, c'est tout autre chose, une autre paire de manches.
Dans ce cas là, on ne peut se cacher derrière rien. On y va tout seul, pour soi. Bien sûr, on a un but, mais pas grand chose à dire, juste des choses à proposer, des invitations, dans le vent au début. J'ai l'impression d'entrer dans une salle de réunion des alcooliques anonymes, tellement anonymes que sur le net on ne voit pas à qui on parle, et pire, qui nous parle. C'est très intimidant, assez gênant. Alors, même si les gens viennent vers vous par gentillesse, c'est un étrange sentiment qui naît. Un peu de méfiance. Un air de "moi, dans le virtuel? Jamais!" qui vous revient en pleine figure. Une honte? Et je me demande, est-ce que, comme pour le blog, les rencontres se feront naturellement. Parce que tout cela me semble tellement artificiel, dans un premier temps. Ce qui est sûr, c'est que pour aller à la rencontre de l'autre, dans le réel comme dans le virtuel, il faut une bonne part de discernement. Savoir, d'instinct, qui vous fera du bien et qui vous sera "inutile". C'est peut-être dur, comme propos, comme manière de catégoriser les gens. Mais nous sommes tellement nombreux sur terre, pourquoi s'embarrasser avec des rencontres plates, qui n'enrichissent pas? Avoir une collection d'amis comme on collectionne les timbres ne sert à rien. La chance n'existant pas, je compte encore une fois sur le destin, le chemin, l'étoile, vous l'appellerez comme vous voudrez, pour me confirmer, comme toujours, que "les gens et les choses qui croisent mon chemin ne viennent pas par hasard".
(Et là, cher lecteur, tu te demandes, mais qu'est-ce qu'elle nous fait encore la Emi? une crise d'exotisme? une plongée en apnée dans les bas fonds de l'internet? Et bien, l'ami, je te laisse mariner dans tes supputations, la curiosité est un vilain défaut et ma mère m'a toujours interdit de parler à des inconnus.)

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Emi ou l'art du suspens...
PCR

Laure Hetzel a dit…

Parfois, on a l'impression que l'on s'embarrasse d'une rencontre plate, et puis c'est seulement qu'on donne sans chercher un retour. C'est important je trouve, de savoir offrir, et pas toujours chercher ce qu'on est venu "prendre" à l'autre.