Elle referme la porte derrière elle et elle part...
Elle le laisse, elle est triste, déchirée, comme si on lui arrachait les tripes. Mais elle sait que cela vaut mieux. Les autres, autour d'elle, elle les entend encore parler, dire, critiquer, énoncer des pseudos vérités comme on énumère des clichés. A force de les écouter, elle a fini par les croire. Elle a fini par se dire que non, effectivement, elle n'en était pas capable, qu'elle n'était pas à la hauteur, qu'elle ne saurait jamais, qu'elle devrait avoir honte, qu'elle était égoïste, qu'elle ne pensait qu'à elle.
Alors elle s'est persuadée de cela, a intégré leur discours. Non, elle n'est pas une bonne mère. Alors elle le laisse, et elle part. La porte s'est déjà refermée.
Longtemps elle a lutté pour garder sa place, celle que lui avait attribuée la société. Souvent elle a voulu croire ce qu'ils disaient. Qu'un enfant est la plus belle chose au monde, qu'on doit tout faire pour lui, qu'une mère est une mère, avant même d'être une femme, qu'un enfant vaut bien tous les sacrifices de la terre, même les pires souffrances.
Et pour ce qui est de la souffrance, elle sait de quoi elle parle.
Et pour ce qui est de la souffrance, elle sait de quoi elle parle.
Personne n'a jamais su, elle n'en a jamais parlé. Parce qu'à force d'entendre tous ces beaux discours, elle en a eu honte, de cette souffrance. On lui disait que souffrir, c'était normal, que c'était le lot de toutes les mères, que cela avait toujours été ainsi, que ça ne changerait jamais, pourquoi cela changerait? On lui répétait qu'elle oublierait, qu'en voyant son enfant, le sacrifice qu'elle avait fait de son corps s'évaporerait. Mais d'évaporation, elle n'en a jamais vu, ni senti, même de très loin, même un petit peu. La douleur est restée, tous les jours, tout le temps et avec elle la colère, la haine même, l'envie de tout casser, de tout briser autour d'elle. Qui aurait pu la comprendre? Cet enfant, tous les jours lui rappelait cette agression, cette atteinte à son intégrité qu'on lui avait fait vivre le jour de la naissance. Alors, elle ne le disait à personne, mais elle n'arrivait pas à l'aimer, vraiment, sans que cela ne lui rappelle qu'elle n'était plus une femme, juste une mère, même pas une moitié de femme. Ce jour là, on lui aurait retiré qu'elle n'aurait pas dit non, qu'elle n'aurait pas crié, parce qu'elle était déjà muette de honte, parce qu'on l'avait déjà tuée.
Aujourd'hui, elle sait qu'elle a essayé, de l'aimer, d'oublier, de continuer à vivre même blessée. Elle sait qu'elle a tout tenté.
Elle regarde la porte close. Son enfant est derrière. Elle est seule, plus mère, plus femme, plus rien. La société a gagné. Elle a abdiqué.
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