vendredi 17 décembre 2010

Princesse de la cité




Elle porte le nom d'une reine, reine d'un peuple fier et insoumis. Adolescente épanouie dans une cité de béton, elle a tout d'une princesse sur un tapis qui ne vole plus, un royaume où la drogue et l'inculture règnent en maîtres. Dans son collège, elle est un modèle, maniant à la perfection le langage soutenu épicé par l'accent des quartiers nord. Elle ne baisse jamais le regard devant personne, ni les jeunes de son âge, ni les adultes. Petit bout de femme, elle lève ses grands yeux verts et ne craint de s'exprimer devant personne. Elle sait quand elle a tort, elle sait surtout se faire entendre quand elle a raison, à la recherche de plus de justice, de plus de communication entre les générations. Pour elle, toutes les remarques sont bonnes à faire, toutes les vérités sont bonnes à dire et elle se fiche pas mal de comment les autres les reçoivent. Elle dit, parce qu'elle ne peut pas se taire, parce qu'elle se sent légitime. C'est une élève brillante et une jeune fille intelligente. Epoustouflante. Belle, déjà, si élégante, si censée, si jeune encore mais déjà si mûre. Et elle danse, mon Dieu ce qu'elle danse. Dans la rue ou dans la salle de classe, dans une soirée ou sous la pluie, elle danse, son foulard autour de la taille qui ondule, ses mains et ses poignets ornés de bagues et de bracelets qui s'envolent gracieusement au dessus de sa tête. Pas de doute, elle est possédée par la grâce. Elle danse. Elle danse son pays qui n'apparaît pas sur les planisphères, sa langue si belle et si ancienne, ses montagnes aussi vertes que ses yeux. Elle danse, la fierté de ses gens, de son quartier ou de ses rêves. Parce que des rêves, elle en a, et elle met tout en oeuvre pour les concrétiser, s'affirmer, devenir quelqu'un. Elle porte le nom d'une reine, et son aura m'accompagne encore, moi qui ai eu la chance de croiser sa route, ce chemin qu'elle dévore au rythme de ses ambitions, ce chemin qu'elle danse et qui a fait danser le mien.