samedi 28 novembre 2009

La Reconquête de l'Amérique

Je passe certes beaucoup de temps devant la télé et peut-être pas assez dans mes bouquins, mais parfois de très bons reportages se substituent aux prises de notes entêtantes. Témoin celui de Gonzalo Arijon que je viens de terminer de regarder sur Arte. "L'Amérique Latine à la reconquête d'elle-même", une sorte de panorama, de portraits croisés, des différents pays du continent qui ont pris, selon l'expression consacrée, un "virage à gauche", qui ont en fait surtout pris leur destin en main après des siècles de colonisation, européenne, puis américaine, surtout mentale. Difficile de lutter contre la colonisation des esprits qui veut que tout le monde reste à sa place, les pauvres d'un côté, les riches entre eux, les blancs ensemble et les indigènes à part. En témoignent ces images atroces du massacre des indiens à Pando en Bolivie, le 11 septembre 2008, et cette foule assoiffée de vengeance face à la dissolution de ses privilèges qui scande le mot "assassin" en réponse à celui de Evo Morales évoqué par le Comité Civico de Santa Cruz. "Pourquoi devrions nous remplir les poches de ces gueux?" Des mots clairement animés par un désir de domination, voir d'extermination, des images qui nous rappellent clairement les années 30 en Europe et la montée du nazisme. Peur. Et pourtant la vague d'espoir continue, balaie tout sur son passage. Evo Morales, premier président indigène du continent américain qui invite ses concitoyens à se réveiller; Hugo Chavez, le Venezuela dans tous ses excès, qui crie à une foule en délire que tout est possible; Rafael Correa, l'économiste équatorien, qui décide de créer une Constitution respectueuse de la nature et des populations ancestrales avec leur cosmogonie; Lula, l'ancien syndicaliste, qui accepte de céder ses entreprises pétrolières au peuple Bolivien. Une tornade d'optimisme secoue le continent, malgré les violentes oppositions pilotées depuis les Etats-Unis. Et en fil rouge de ce magnifique documentaire, l'avis de l'écrivain Eduardo Galeano, qui affirme qu'il est maintenant temps de se regarder d'égal à égal, et de cesser -et il s'adresse à l'Europe, aux Etats-Unis- de se croire plus légitime que les autres pour juger de ce qui est bien ou mal, pour établir des classements illusoires qui diraient que tel gouvernement n'est ou n'est pas démocratique, que tel autre est populiste, que celui-là n'est pas légitime. La voix du sage, qui appuie ces enfants en rebellion que sont les pays d'Amérique Latine qui sont entrés dans un processus de reconquête, de leurs territoires, de leur économie, de leur identité.

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