Demain 24 juillet, c'est la Saint Jacques, jour où en Savoie on descend de nuit la montagne à la lumière des flambeaux, faisant scintiller les sommets de mille feux. En Bolivie, on célèbre aussi le Saint, mais nous allons voir que tout n'est pas si simple dans les faits.
Saint Jacques, Santiago, celui de Compostelle en Galice, est le saint que les conquistadors espagnols ont apporté avec eux lors des conquêtes de l'Amérique et en particulier des Andes. Très vite, les indigènes l'ont associé à Illapa, leur divinité de la foudre et du tonnerre, de par le feu qui sortait à grand renfort d'explosions des armes des blancs. Une aubaine pour les évangélisateurs, qui virent aussitôt le moyen de remplacer un culte préhispanique par une sorte d'équivalent catholique -rappelons que déjà en Espagne Saint Jacques faisait l'objet d'une religiosité populaire pas vraiment orthodoxe-. Peu à peu donc, les autochtones se sont mis à célébrer l'image chrétienne, qui par ailleurs faisait des apparitions répétées chez les indiens, parcourant ainsi la campagne -en l'ocurrence les montagnes de la cordillère. Santiago apparut par exemple dans le petit village de Bombori, à la frontière des provinces de Macha et Pocoata, Norte Potosi. Or c'est justement la région des mines, pas très éloignée de Oruro, et surtout Llallagua, Catavi... région où le culte de la foudre est omniprésent puisqu'elle est censée féconder la terre et ainsi créér le minerai. Il en résulte aujourd'hui une célébration métisse aux références syncrétiques catholiques et indigènes inextricables.
C'est ce que nous explique très bien Virginie de Véricourt dans son ouvrage intitulé Rituels et croyances chamaniques dans les Andes Boliviennes. Les semences de la foudre, 2000. Nourrissant son étude de toutes les recherches passées sur les sociétés andines, les croyances et mythes indigènes et leur rencontre avec le catholicisme, l'auteur nous fait pénétrer peu à peu dans l'univers des yatiris à travers la fidèle transcription de leurs dialogues avec les esprits, et notamment celui de la foudre. V. de Véricourt insiste d'ailleurs, et je la salue, sur le fait que la notion de "syncrétisme" est dans ce cas, dans cette région des Andes, beaucoup trop étroite et réductrice pour décrire ces rituels chamaniques riches de symboles entremêlés et conjugués, non pas comme une liturgie, mais dans une création permanente.
Mais revenons à Santiago. Je me souviens l'avoir vu défiler sur les épaules de boliviennes dodues dans le passage devant chez moi, à Cochabamba. Je pensais voir un Saint, mais tout comme certains ne voient que la Vierge dans l'image de la Mamita de Urkupiña -se référer à mes articles sur le sujet dans ce blog-, tout n'était pas si simple. Les choses ont commencé à s'éclairer lorsque tout le monde autour de moi s'est empressé de m'affirmer, "c'est Tata Bombori". Dans les Andes tout est double, rien n'est uniforme et homogène, surtout en ce qui concerne la religion et les croyances. Tata Bombori, Santiago, Saint Jacques, Illapa, ne sont que les multiples visages d'une même divinité qui n'appartient plus ni au catholicisme -au grand regret de l'Eglise-, ni tout à fait aux croyances autochtones, mais bel et bien à une religiosité populaire vivante et en constante évolution. De nombreux Saints et Saintes voient d'ailleurs leur nom et leurs attributions associés à des divinités andines ancestrales -Georges Pratlong a écrit de très justes réflexions sur le sujet-.
Mais revenons à Santiago. Je me souviens l'avoir vu défiler sur les épaules de boliviennes dodues dans le passage devant chez moi, à Cochabamba. Je pensais voir un Saint, mais tout comme certains ne voient que la Vierge dans l'image de la Mamita de Urkupiña -se référer à mes articles sur le sujet dans ce blog-, tout n'était pas si simple. Les choses ont commencé à s'éclairer lorsque tout le monde autour de moi s'est empressé de m'affirmer, "c'est Tata Bombori". Dans les Andes tout est double, rien n'est uniforme et homogène, surtout en ce qui concerne la religion et les croyances. Tata Bombori, Santiago, Saint Jacques, Illapa, ne sont que les multiples visages d'une même divinité qui n'appartient plus ni au catholicisme -au grand regret de l'Eglise-, ni tout à fait aux croyances autochtones, mais bel et bien à une religiosité populaire vivante et en constante évolution. De nombreux Saints et Saintes voient d'ailleurs leur nom et leurs attributions associés à des divinités andines ancestrales -Georges Pratlong a écrit de très justes réflexions sur le sujet-.
Pour terminer, je voudrais juste rendre hommage à la démarche de Virginie de Véricourt, qui, comme d'autres chercheurs et contrairement à ceux qui, reclus dans les bibliothèques, nous vendent de la théorie, est allée vivre dans les communautés indigènes, s'est efforcé de rendre objectivement ce qu'elle y avait vu et vécu, et a retranscrit le plus fidèlement possible le discours des yatiris. C'est de cette expérience concrète et respectueuse des gens et de leur vision du monde, en observatrice discrète, qu'elle tire non pas un ouvrage retentissant d'analyses et de conlusions, mais un document réaliste et actuel sur la culture des Andes et de la région de Norte Potosi.
2 commentaires:
Le regain d'intérêt tant profane que religieux pour les randonnées sur les chemins de Saint Jacques de Compostelle en europe prouve que nous ne sommes pas non plus exempts d'une forme populaire de syncrétisme. Il y aurait beaucoup à dire (voir parfois à méditer!)sur la comparaison entre les pratiques dogmatiques religieuses et leurs étiologies populaires.
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