Contrastes de Bolivia
"Querida Bea:
La Paz es una ciudad horrible donde todo anda mezclado, hasta el clima. (...) Ves un edificio lujoso junto a otro casi en ruinas, (...) una señora fina junto a un pobre, y todo asi. Es un jaleo de ruidos, olores, colores, gentes y coches, que aqui ni siquiera se llaman coches, sino movilidades. Qué palabra mas boba!
Hay gente que no es como nosotros. Tienen otro color, la cara hecha de otra forma, visten diferente, miran distinto, hablan distinto... Son los indios aymaras y quechuas, la gente que estaba aqui antes de que llegaran los españoles.
En Bolivia la mitad de la poblacion es indigena, figurate el plan! Y la mayoria de los indigenas son pobres. Y qué pobres! (...)
Bueno ya me despido
Maria"
(Chère Bea,
La Paz est une ville horrible où tout est mélangé, même le climat (...) Tu vois un immeuble luxueux à côté d'un autre presque en ruines, (...) une dame élégante à côté d'un pauvre, et ainsi de suite. C'est un bazar de bruits, d'odeurs, de couleurs, de gens et de voitures, qu'ici on n'appelle même pas des voitures mais des "movilidades", quel nom idiot!
Il y a des gens qui ne sont pas comme nous. Ils ont une autre couleur, le visage d'une autre forme, ils s'habillent différemment, regardent autrement, parlent autrement... Ce sont les indiens aymaras et quechuas, les gens qui vivaient ici avant l'arrivée des espagnols.
En Bolivie la moitié de la population est indigène, tu te rends compte! Et la majorité des indigènes sont pauvres. Et quels pauvres! (...)
Bon à bientôt
Maria")
Un ancien manuel des années 70? Pas du tout, si vous pensiez que le contenu de nos vieux bouquins de classe bourrés de stéréotypes réducteurs avaient changé, vous vous mettez le doigt dans l'oeil jusqu'au coude! Ceci est un extrait d'un manuel d'espagnol de 3ème que je viens de recevoir et qui est censé être conçu selon les directives des nouveaux programmes. Elle est belle la culture, elle est riche et variée l'image qu'on y donne de l'Amérique Latine! Et vas-y que je te colle des photos d'indiens en ponchos, et que dans les Andes le mal de l'Altitude, et que Christophe Colomb "arrive" en Amérique en simple touriste, et que la légende de El Dorado -c'est presque les Cités d'Or-, et que les sacrifices humains des Aztèques, et allez! Le texte dont je viens de vous copier des extraits est une vraie perle. La Bolivie? Un pays pauvre, pauvre pays: que des indigènes, vous vous imaginez un peu? Pays de sauvages oui! Soit la petite "Maria" qui écrit vit dans une bulle et n'a jamais vu d'étrangers -c'est vrai, en Espagne il n'y a pas du tout d'immigration surtout pas!- soit elle arrive tout droit de Pluton. Et cette magnifique phrase: " Es un jaleo de ruidos, de olores...", "le bruit et l'odeur", ça ne vous rappelle rien? Les indiens sentent apparemment! Et font beaucoup de bruit! Ah oui, la Bolivie est vraiment un zoo! Et puis tout ces pauvres! Vraiment ça fait désordre! On s'attend même à une remarque du genre "heureusement que les espagnols sont arrivés pour mettre de l'ordre dans ce souk!" J'en ris mais c'est affligeant. Enfin cela ne fait qu'illustrer, donner une continuité très cohérente des années de fac où on vous reproche votre accent pas assez "castizo", les concours où on vous recale parce que vous êtes pas assez bon, un peu trop sudaméricain, et toutes ces remarques de professeurs sans culture et à l'esprit réduit sur la prétendue infériorité de la culture hipanoaméricaine par rapport à l'Espagne, tous ces clichés qu'on nous a fait avaler et qu'on continue apparemment à vouloir faire ingurgiter à nos élèves. A tous ces gens qui fabriquent ces manuels à jeter dans la cuvette des toilettes publiques j'ai envie de dire au nom de nous tous indiens, métis, pauvres, puants, bruyants, différents: "l'Amérique vous emmerde".
12 commentaires:
atterrant...
L'éducation supérieure est bien supérieure dans énormément de facs publiques latinas que dans les espagnoles, dans plein de domaines.
le mépris pour les latinos chez les jeunes y compris y est bien plus fort que chez les franchutes envers leurs primos d'afrique et du maghreb, par exemple. j'en suis plus que convaincu..
Mes voisins espagnols ont 20 années de syndrome nouveau riche méprisant, qu'ils vont vite devoir se ravaler. la crise va être terrible là bas...
Pour ce qui est des odeurs, moi qui ai le nez au dessus des français toute la journée, ceci depuis 25 ans, je peux jurer que nous avons nous aussi nos odeurs. Pour ce qui est de la bêtise qui génère les stéréotypes, par contre, nous sommes visiblement pas trop mal placé dans la compétition.
tu dis que c'est affligeant… mais pour une fois je te trouve bien faible dans ta critique Emi :-) ce texte est une horreur !! c'est raciste (latin), xenophobe (grec) o_O c'est du grand n'importe quoi et si je ne le lisais pas sur ton blog je penserais que c'est une "bonne" blague d'un de mes oncles basque qui vote FN (désolé).
Mais quelle horreur ! Des insultes me viennent à l'encontre des blanc-becs qui ont pondu ce manuel et osé publier cette saleté, que la bienséance m'empêche d'écrire ici... Metreya, tu es sûre que ton oncle raciste ne travaille pas aussi dans l'éducation nationale?(on se demande bien de quelle éducation on parle). Arrache la page, Emi !
Tu es vraiment obligée d'enseigner "ça" !
Moi aussi je suis curieuse de savoir qui a pondu ce texte !
¡Increíble! Tu as trouvé ça dans quel manuel Emilie? C'est repertorié dans le thème : "Racisme et clichés, comment les dénoncer"?
Ah bravo le cadre européen, bravo!...
Une bise au passage, j'espère que tout va bien pour toi.
Ariane.
Ariane: j'ai trouvé "ça" dans le nouveau "Juntos" de 3ème, entre la grandeur de la civilisation espagnole et la pollution à Mexico...
Michèle: non, je ne suis pas "obligée" d'enseigner "ça", et j'essaie justement de faire tout le contraire, même si les stéréotypes sont durs à effacer... Pour info ce texte est extrait du livre pour enfant "La tierra de las papas" de l'écrivaine (enfin chacun en jugera...) espagnole Paloma Bordons et que je cherche à me procurer pour voir s'il recèle dans sa totalité d'autres "perles" du genre...
http://pedagogie.ac-montpellier.fr/Disciplines/espagnol/sec_europ/centelles.pdf
J'ai trouvé ce document sur le net. Petit extrait :
Critères de choix :
J’ai pour ma part décidé de travailler l’œuvre La tierra de las papas de Paloma Bordons
parce que j’ai été franchement enthousiasmée à sa lecture, parce que notre manuel offrait
deux textes tirés du roman et surtout parce que ce roman était en totale adéquation avec
les orientations du B.O. En effet, on y découvre la Bolivie dans ses multiples aspects :
géographiques, humains, sociaux et plus particulièrement la vie à La Paz et dans le haut
plateau andin : l’Altiplano. Tout ceci, sans aucun misérabilisme et souvent avec beaucoup
d’humour à travers le regard de María, jeune madrilène qui s’expatrie avec son père ,
ingénieur, à La Paz où ce dernier doit mener à bien le projet d’électrification de
l’Altiplano à partir de l’énergie solaire.
La langue est ici indissociable de la culture qu’elle véhicule. L’œuvre permet d’aborder
une grande partie des thèmes précisés dans le B.O: Repères spatio-temporels ; étude du
portrait, des sentiments ; les langages : le code vestimentaire, les rituels (peler les pommes
de terre délie les langues), les mots venus d’ailleurs (langue espagnole et variante
bolivienne), les formes usuelles de la correspondance, le langage familier ; les fêtes et leur
code (alcool indissociable des libations), leur spécificité, l’expression de la religiosité ( la
fête des morts en Amérique Latine).
De deux choses l'une: soit le roman est vraiment une merde, soit c'est un bon roman et alors c'est la personne qui a fabriqué le manuel scolaire qui en choisissant mal l'extrait l'a décontextualisé et l'a transormé en un concert d'âneries intolérantes...A suivre! Merci Michèle!
Après quelques recherches mais sans avoir lu le livre, je crois que justement l'oeuvre prétend montrer comment Maria arrive à se détacher de sa vision stéréotypée de la vie en Bolivie. Si on souhaite travailler ce texte, il faut justement insister sur sa subjectivité. Ce n'est pas une photo mais la vision d'une petite fille gâtée qui n'a jamais rien vu. Elle est négative et insultante parce qu'elle vient d'arriver et a sans doute du mal à s'adapter ou que son amie Bea lui manque.
En effet, sans autre explication, ce passage est écoeurant.
D'accord, merci pour la précision! Alors cela se confirme, les concepteurs de livres de collège sont vraiment... bizarres...
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