Pierre Duviols, La lutte contre les religions autochtones dans le Pérou colonial, 2008
Commentaires en salle des professeurs devant mes lectures d'entre deux cours:
"Ouh là!", avec l'air de quelqu'un qui n'a pas compris tout le sens du titre
"Ca doit pas être gai!", comme pour essayer de placer un commentaire pas trop hors sujet
"Ca fait longtemps que je ne me suis pas plongé la dedans!", un prof d'histoire évoquant sans doute ses lointains souvenirs de fac.
Tout cela pour dire qu'en lisant le titre, on peut se dire que l'ouvrage de Duviols n'est pas d'un abord aisé, et est peut-être un peu trop technique. Que nenni! Ce livre est passionnant, et grâce aux recherches pointilleuses de l'auteur on se plonge à l'époque de la Conquête en se penchant avec exactitude sur ce périlleux sujet qu'est l'évangélisation et l'extirpation de l'idolâtrie, c'est-à-dire la lutte contre tout ce qui pouvait être ou paraître indien, donc hérétique, donc à détruire. L'extirpation en est même devenu une institution. Mais commençons par le commencement.
16ème siècle, au lendemain de la Conquête. Toutes les Andes sont dominées par les espagnols catholiques. Toutes? Non. Une poignée... mais la citation gauloise s'arrête là! En fait une majorité de la population autochtone pratique encore ses cultes pré-hispaniques. Au cours de la première période de la Colonisation et de l'Evangélisation, les conquistadors viennent pour l'or et ne se soucient guère de convertir les indigènes. Les évangélisateurs ne parlent ni le quechua, ni l'aymara.
Arrive le vice roi Toledo. Fin du 16ème. Il faut plus de rigueur. L'extirpation devient une institution. De véritables catalogues de toutes les croyances et pratiques autochtones sont publiés, des sermonaires en langues quechua et aymara distribués dans toutes les Andes. Il faut sévir, détruire, brûler, systématiquement, par tous les moyens éliminer tout ce qui est indien.
Arrive le vice roi Toledo. Fin du 16ème. Il faut plus de rigueur. L'extirpation devient une institution. De véritables catalogues de toutes les croyances et pratiques autochtones sont publiés, des sermonaires en langues quechua et aymara distribués dans toutes les Andes. Il faut sévir, détruire, brûler, systématiquement, par tous les moyens éliminer tout ce qui est indien.
Contre l'avis des dominicains d'ailleurs, les seuls sans doute à peu près humains dans l'histoire, qui prônent plutôt la persuasion avant la violence, suivant ainsi les préceptes de Bartolomé de Las Casas qui, lui, considérait les indiens comme des hommes. Certains invoquent même la possibilité d'une évangélisation préhispanique par un apôtre égaré dans les Andes par hasard, ou bien simplement parce que les indiens seraient les descendants de Noé, rescapés du déluge, et qu'ils mériteraient donc un traitement plus indulgent.
Toledo persiste et signe. Tout cela sur fond de querelle entre les différents ordres religieux et les Jésuites, ces derniers jouissant d'un statut privilégié d'accompagnateurs lors des Visites des extirpateurs.
Toledo persiste et signe. Tout cela sur fond de querelle entre les différents ordres religieux et les Jésuites, ces derniers jouissant d'un statut privilégié d'accompagnateurs lors des Visites des extirpateurs.
Répression donc, regroupement des indiens dans des reducciones pour mieux leur inculquer la parole divine.
On se demande alors comment, encore aujourd'hui, les religions, les croyances, les rituels indigènes peuvent-ils être encore si vivaces après des siècles d'un tel acharnement méthodique?
Duviols y répond en partie: fuite des indiens des reducciones vers la sierra, corruption des curés très peu instruits qui se mettent les caciques indiens dans la poche et dissimulent l'idolâtrie de leurs brebis lors des Visites des extirpateurs, duplicité des indiens, ambigüité de leur foi catholique.
Et puis tout le reste, tout ce qui ne s'analyse pas, tout ce qu'on ressent cependant en allant là-bas aujourd'hui: fierté des origines, force de l'attachement à la terre, obstination à perpétuer les cultes de ses ancêtres.
Et puis tout le reste, tout ce qui ne s'analyse pas, tout ce qu'on ressent cependant en allant là-bas aujourd'hui: fierté des origines, force de l'attachement à la terre, obstination à perpétuer les cultes de ses ancêtres.
Un bémol cependant pour la suite de mes réflexions: la difficulté de démêler dans les rituels contemporains ce qui est préhispanique de ce qui est actuel, ce qui est catholique de ce qui est indien, ce qui est vraie conviction de ce qui est vernis et dissimulation. Syncrétisme, un mot décidément extrêmement réducteur. Il faudra aller bien plus profond que cela, dans l'âme des gens, pour comprendre une infime partie du mystère. L'ouvrage de Duviols affirme ainsi la nécessité de considérer la distance temporelle et la profondeur du mélange, l'imbrication, la superposition. Je marche sur des oeufs!
2 commentaires:
Je crois bien que je vais aller me le commander celui-là.
Euh,marcher sur des oeufs!...à Paques?...exprès?
J'ai déjà entendu parler de ce Mr !
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