jeudi 24 juillet 2008

Et il marchait toujours

Bernard Ollivier, Longue marche, 2001.
Je viens de terminer la deuxième étape de la longue marche de Bernard Ollivier -qui je le rappelle s'est donné comme objectif de parcourir à pied la route de la Soie en quatre ans- qui s'intitule "Vers Samarcande". Notre marcheur infatigable repart pour cette deuxième année de l'endroit exact où s'était arrêtée sa marche l'année précédente, lorsque l'ambulance était venue le chercher. Encore une fois les kilomètres se succèdent, les rencontres effaçant peu à peu les doutes du début. On pourrait penser que comme pour les films, le deuxième épisode est toujours moins bon que le premier, pas du tout. Il n'en est rien. Les pages défilent entre nos mains, aussi captivantes que les paysages traversés par Bernard Ollivier, de l'Iran jusqu'à l'Ouzbekistan. Voici un passage magnifique, un lever de soleil sur le désert qui inaugure une nouvelle journée de marche:
"Il y a une heure que je marche et je m'apprête à assister au lever de sa majesté le soleil, un spectacle dont je ne me lasse jamais. Au dessus des dunes encore plongées dans la nuit, c'est d'abord une lueur jaunâtre, plus orangée au contact de la ligne d'horizon bleutée, qui monte à l'est. Puis un foyer rouge sang augmente la luminosité. Les tamaris, plantés dans les dunes qui passent du noir à l'ocre, apparaissent en ombres chinoises. Très vite la lueur s'embrase au fil des secondes, rythmées par mes semelles sur le bitume. Un point rouge brillant émerge, qui se transforme en une demie-sphère incandescente, couleur d'un fer chauffé à blanc. Le temps de faire dix pas, et le soleil se hisse sur l'horizon. Encore trois pas, le voilà tout entier. Nous devrions, au soleil levant de chaque jour, mesurer l'incroyable rapidité avec laquelle défilent nos jours.
Anémié, il tremble, posé sur le désert comme une offrande au monde. On comprend que des peuples aient pu le déifier. Sa lumière froide dessine sur les dunes des abîmes d'ombre. La lueur orangée s'est agrandie, chassée en son centre par ce disque blanc. Le spectacle n'a pas duré dix minutes. Maintenant il décolle et entame sa course folle."
Et puis il y a encore les fameuses dernières lignes, une fois que le marcheur s'arrête, arrivé à destination, et s'observe avec du recul:
"Pour moi, voyager c'est découvrir ce qui n'est ni dans les livres ni dans les guides de voyage -que je lis tous avant de partir. Découvrir quoi alors? me direz-vous. Je ne sais pas, justement. C'est rencontrer, au moment le plus inattendu, un être hautement improbable, se trouver foudroyé, sans qu'on ait seulement pu l'envisager, par l'harmonie simplissime d'un coin de campagne, ou encore se surprendre soi-même à faire ou penser ce qu'il n'a jamais été pensable qu'on fasse ou pense jusque là.
Un voyage vous forme, a t-on coutume de répéter. Et si, non content de vous former, il vous déformait? (...)
"Mes amis continueront de ricaner gentiment: il marche, il marche, et ne sait toujours pas pourquoi! Brave bête, je me garderai de leur répondre ce qui me trotte de plus en plus souvent par la tête: ils vivent, ils vivent, et ne sont pas beaucoup plus avancés."
Comme pour le premier livre, ces dernières réflexions sont à méditer, en attendant la suite...

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Cette dernière rélexion est assez savoureuse et pleine d'une tolérance amusée que n'ont pas toujours les détracteurs.