vendredi 20 juin 2008

La culture Kallawaya

Ce matin avait donc lieu à la Maison de l'Amérique Latine la conférence sur la culture Kallawaya dont j'avais fait la pub il y a quelques jours. Pour les malheureux qui n'ont pas pu se déplacer je vais tenter de faire un petit compte rendu dans les règles de l'art.
Tout a commencé avec la projection d'un film court qui retraçait l'histoire des Kallawayas, leur localisation géographique (en particulier les images avaient été tournées dans la Province de Bautista Saavedra), et leurs particularités culturelles. Ensuite l'Ambassadrice de Bolivie en France, Luzmila Carpio, a présenté le docteur et Kallawaya Walter Alvarez Quispe qui a pris à son tour la parole. Voici ce que j'ai retenu de ses paroles ce matin:
Une culture ancienne
On estime que l'histoire orale des kallawayas fait remonter cette culture à 15 000 ans, alors que certains chercheurs situent plus précisément son origine entre 800 et 1600 avant JC. Les Kallawayas étaient déjà respectés au temps de Tiawanaku et jouissaient d'un statut privilégié dans l'Empire Inca. En effet, l'Inca les emmenait dans ses expéditions de conquête pour les connaissances qu'ils avaient des autres cultures (de par leur caractère de guérisseurs itinérants), de leurs religions, leurs langues... Les Kallawayas étaient donc prêtres, médecins et conseillers des Incas.
A l'époque de la colonisation espagnole, on reconnut aussi leur science. Mais les Kallawayas furent également accusés de sorcellerie et d'idôlatrie. Ils souffrirent donc de l'Inquisition. Soulignons qu'aujourd'hui nous assistons en Bolivie au développement d'une nouvelle Inquisition en la personne des sectes telles les Israélites ou les Témoins de Jehovah...
Une reconnaissance mondiale
Lors de l'ouverture du canal de Panama, les ouvriers mouraient en masse de malaria et du paludisme et aucun médecin occidental ne parvenait à les soigner. Les seuls qui le purent furent les Kallawayas, en leur administrant des infusions de coca et de quinine dont ils connaissaient les principes actifs.

On voit d'ailleurs sur cette photo de Louis Girault illustrant son ouvrage sur la culture Kallawaya le grand-père et l'arrière grand-père du docteur Walter Alvarez Quispe à Panama, vêtus de ponchos datant de plus de 300 ans. Et le docteur d'ajouter: "celui que je porte qujourd'hui est plus récent, il a à peine plus de 100 ans".
En 1889, lors de l'exposition universelle à Paris, on fit donc venir les Kallawayas pour les remercier de leur aide lors de la construction du canal de Panama.

Un esprit sain dans un corps sain

Ce que veut nous montrer aujourd'hui Walter Alvarez, le message qu'il veut nous faire passer, c'est que toutes les maladies ont à voir avec l'esprit, avec la tête. C'est pourquoi les Kallawayas soignent leurs patients dans leurs communautés, dans leurs maisons, parce que du lieu de vie dépend beaucoup la thérapie à adopter. D'autre part, la cosmovision de chacun est également prise en considération dans les traitements. Les Kallawayas respectent en effet la religiosité de chacun et cherchent à faire retrouver au patient son harmonie avec lui-même, avec le cosmos et les éléments environnants. C'est ainsi que l'on peut parler d'une médecine interculturelle, en relation directe avec la zone d'habitation du patient, sa psychologie et ses croyances.

"L'homme est le fruit de ce qu'il mange"

Selon Walter Alvarez pas de secret, ni magie noire, ni guérisons miraculeuses, tout réside dans la prévention, et la prévention selon lui passe tout d'abord par l'alimentation. Il s'agit donc de manger naturel, varié, équilibré, des aliments locaux et de saison. Les cliniques de nutrition d'aujourd'hui ne sont qu'un écho tardif à ce que prônent les médecins Kallawayas depuis des siècles. Etant donné que les plantes sont aussi un aliment elles doivent également faire partie de notre régime quotidien, non seulement comme médecine mais surtout comme prévention. Les éléments clés de notres santé sont donc: l'alimentation, les plantes, l'eau et les autres éléments naturels (on a par exemple évoqué l'argile, la boue et leurs vertus curatives)

Les ennemis de l'homme ont aussi été classés. Dans l'ordre, le premier ennemi serait l'homme lui-même en ce qu'il ne sait pas prendre soin de lui. Le deuxième ennemi serait l'alcool, le troisième les armes et enfin la drogue. Notons que les conserves selon le Docteur Alvarez peuvent aussi être des ennemis puisqu'elles ne contiennent que des aliments "morts".

La thérapie par la musique

Pour les Kallawayas la musique est une science, ce n'est pas du folklore. La musique et la danse permettent de retrouver l'harmonie cérébrale. Par ailleurs, lorsque le corps danse tous les organes sont stimulés et s'opère une sorte de massage interne. La fréquence respiratoire et cardiaque augmente, ce qui est un outil pour prévenir les infarctus et les douleurs des articulations.

Pour conclure

Nous pouvons donc résumer en affirmant que la médecine Kallawaya, loin d'être de la sorcellerie, est une méthode fondamentalement proche de l'être humain, de sa psychologie, sa religiosité et sa culture, et qui cherche à lui rendre l'harmonie avec lui-même, la nature et le cosmos. Chacun peut donc suivre au quotidien les préceptes Kallawayas et commencer par prendre soin de lui, ceci serait la première leçon.
Au delà de cette dimension médicale, nous pouvons dire que la culture et les savoirs Kallawayas, s'ils commencent à être reconnus au niveau mondial, sont aujourd'hui confrontés à d'autres dangers, ceux du non respect de la propriété intellectuel et de la "bio piraterie", les laboratoires s'emparant en effet de leurs connaissances de la bio diversité pour leur propre profit.
Rien n'est donc gagné et le mieux que nous pouvons faire c'est de nous informer pour à notre tour informer les autres sur cette culture Kallawaya si riche de savoirs précieux pour l'Humanité.

A droite, l'Ambassadrice Luzmila Carpio - Au centre, le Docteur et Kallawaya Walter Alvarez Quispe

(Photo:Agnès,une lectrice fidèle, merci!)

5 commentaires:

M a dit…

Passionnant ! tu imagines que c'est un sujet qui me tient à coeur et plus particulièrement en ce qui concerne l'alimentation... pour l'âme ou l'esprite ça va...
Je suis une piètre bloggueuse ca pour "mobliger" à écrire un peu j'avais décidé de titres dans les brouillons, notamment sur Martin Chambi... et sur l'alimentation Kousmine que j'ai découvert un peu mieux récemment mais dont j'avais déjà entendu parler il y a fort longtemps. Un lien entre autres :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Catherine_Kousmine

Elle aussi était convaincue de la relation étroite entre la sante et l'alimentation.

Anonyme a dit…

Ah! Merci Emi pour cette bouffée d'oxygène. Si tu en as d'autres, n'hésite surtout pas.

Anonyme a dit…

et on ré-apprend ce que le bon sens humain connaissais depuis des siècles et dans toutes les cultures : la santé est une harmonie de l'homme lui-même (le microcosme) et de l'homme avec son environnement (le macrocosme). En Himalaya les pratiques sont identiques, même si bien sûr les plantes diffèrent.

Anonyme a dit…

Merci pour ceux qui n'ont pas pu venir écouter ces merveilleuses paroles.
Une meilleure conscience de nos agissements envers nous-mêmes, le respect du corps et des besoins tant physiques qu'émotionnels induit directement une meilleure conscience de l'environnement, des autres et de la Vie.

Emi a dit…

Dites les lecteurs: personne n'a remarqué que je confondais gauche et droite (cf légende de la photo) ou bien vous n'avez pas osé me le dire??