mardi 6 novembre 2007

L'Arche de Zoé prend l'eau

Ayant eu une petite expérience cet été de ce que peut être l'humanitaire, je m'intéresse de très près à l'affaire Arche de Zoé. Je suis allée visiter le site de l'association -où d'ailleurs la rubrique "forum" ne fonctionne pas, sans doute serait-elle submergée de questions en cette période de crise- afin d'en apprendre un peu plus sur cette organisation qui est, et c'est le chapeau de la page d'accueil du site "une association à but non lucratif dédiée aux enfants orphelins". Elle a été créée lors du Tsunami pour venir en aide aux enfants et déploie aujourd'hui toute son énergie auprès de ceux du Darfour. Le but étant de sauver les enfants en les éloignant des zones de conflit, c'est-à-dire en leur trouvant des familles d'accueil -notamment en France mais également dans d'autres pays occidentaux. Je cite:
"En s’appuyant sur le droit international et l’aide des ONG, dans le respect du droit et des institutions du pays d’accueil, la famille d’accueil assurera l’intégration de l’enfant en déposant une demande de droit d’asile. Ces formalités sont très longues, mais pendant ce temps là, l’enfant aura été sauvé et mis à l’abri des dangers."
Et L'Arche de Zoé affirme qu'ils agissent sur la base de "documents officiels attestant de la situation d'orphelin, sans famille connue."
Dès le début cependant, comme pour se justifier, l'association prévoit et explique:
"L’Arche de Zoé s’exposera certainement aux foudres de Khartoum, de certains politiciens, de quelques philosophes ou autres «grands penseurs» qui vont crier au scandale en parlant d’éthique, d’illégalité ou de traumatisme psychologique des enfants déracinés…
Mais l’extermination en cours au Darfour, n’est-elle pas déjà scandaleuse, illégale et traumatisante ?
Le commerce du pétrole et des armes, entaché du sang des enfants, n’est-il pas déjà pas scandaleux, illégal et traumatisant ?
Les enfants orphelins du Darfour ayant vu leur village brûlé, leur famille massacrée, leurs sœurs violées ne sont-ils pas déjà exposés à des traumatismes et des périls beaucoup plus grands en restant au Darfour ?
Comme souvent, pendant que certains se trouveront une multitude de raisons de ne pas faire, d’autres essuieront les critiques mais agiront.
Il faut sortir de la logique des discours politiques stériles, de l’humanitaire alibi et des négociations diplomatiques interminables…"
Un discours somme toute assez violent et qui joue sur la sensibilité des européens -comme c'est souvent le cas dans les associations à but humanitaire, qui pour faire cracher les portefeuilles occidentaux ne s'embarassent pas de poésie et tiennent des propos volontairement choquants. Bref, ceci étant dit, il est vrai qu'il faut parfois en faire des tonnes pour être entendu.
Le problème est qu'ici l'Arche de Zoé prend l'eau et s'emmêle les pinceaux. On apprend aujourd'hui que les enfants en question que l'on doit à tout prix sauver du conflit ne sont pas du tout orphelins. C'est plutôt gênant. D'autre part, les prétendues familles d'accueil qui crient à l'injustice dans tous les médias en exigeant la libération des membres de l'Association retenus au Tchad ont à plusieurs reprises lâché le mot qui fâche d' "adoption"... De plus en plus difficile à assumer. L'Arche de Zoé aurait-elle un double discours? Doubles objectifs? Fini l'"humanitaire alibi", disait-on?
Quoi qu'il en soit, leurs méthodes n'ont rien d'humanistes: simuler une évacuation sanitaire pour pouvoir emmener des enfants est un peu osé. Comme le dit le site, on ne s'embarasse pas avec les formalités! Le vrai problème est que ces évacuations sont bel et bien illégales à partir du moment où les petits ne sont pas orphelins. Mais notre cher président semble bien décidé à étouffer l'affaire: il ramènera les volontaires sur le territoire français et on n'en parlera plus. Il vaut mieux parce que dans cette histoire tout le monde au gouvernement était au courant des pratiques de l'Arche de Zoé et personne ne les a arrêtées.
Pour conclure, il semble que nous devons plus que jamais nous méfier des prétendus utopistes à qui nous pourrions attribuer notre confiance au nom d'une cause pas toujours éthiquement juste. Alors comme les rédacteurs du site internet l'avaient prévu, je m'insurge, effectivement je parle d'éthique et d'illégalité. Et je parle surtout de manque de lucidité, car comment justifier un malheur -ceux d'enfants déracinés- par un autre -celui de la guerre? Il est bien joli d'évoquer les droits de l'enfant, mais le premier des devoirs d'un être humain est de respecter la liberté de chacun. Les enfants ne sont pas des animaux que l'on met dans des camions pour les sauver d'une inondation. Et même si elle est déchirée et maltraitée, la terre natale reste toujours le berceau d'une vie.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Cet événement est bien révélateur du fossé qui sépare deux civilisation. Il est de notre devoir, vu l'abondance de nos moyens en regard des leurs, de chercher à comprendre ce qui se passe chez eux et ce qu'on y fait plutôt que d'essayer d'imposer notre vision du monde qui plus est n'a rien d'irréprochable. En voulant, par le passé,sincèrement apporter le salut, on a réussi à détruire des civilisations complètes.Cet article est bon et à méditer!...