Passionnée de montagne, l'écrivain Anne Sauvy a passé pendant l'été 1997 une saison avec les sauveteurs du PGHM (Peloton de Gendarmerie de Haute Montagne) de Chamonix. Il en ressort un livre très bien documenté, mais également un témoignage vrai et sans détour sur ces hommes hors du commun dont la passion pour la montagne est aussi forte que le devoir de sauver des vies. En plus du récit de nombreux sauvetages, Anne Sauvy nous présente un côté plus humain, que ce soit par des rencontres avec des miraculés ou des familles de disparus, ou bien par une approche intimiste des relations humaines qu'elle a pu connaitre chez les sauveteurs. Voici quelques extraits qui me semblent "parlants":
"Ce livre est né d'une admiration... En une époque qui n'en suscite guère... Il s'agit de la chronique d'une saison de secours en montagne, telle qu'elle s'est déroulée durant l'été 1997, à Chamonix. Au départ, le projet fut simple. J'avais eu, trois ans plus tôt, l'autorisation de passer un été avec le PGHM de la Haute Savoie, afin d'obtenir la documentation nécessaire à un roman qui évoquerait le déroulement d'une journée imaginaire de secours en montagne. (Nadir, Glénat, 1995) Cette expérience fut riche de découvertes, d'émotions, d'amitiés et il en naquit, tout naturellement, l'idée d'écrire en contrepoint ce qu'est la réalité d'une saison de secours. Le dessein originel fut donc clair et logique, quoique ouvert sur un avenir inconnu"
"D'emblée, il faut le dire: ce n'est aucunement dans un dessein morbide, tout au contraire. Ce n'est pas l'accident qui est notre propos, c'est le secours, sujet dans lequel s'unissent deux mondes fascinants: celui de la montagne, celui de l'aide apportée par des hommes à d'autres hommes. Mais il faut en outre souligner que l'accident est une part infime de ce qui se vit en montagne. Sur les milliers de personnes qui parcourent, chaque jour d'été, les voies d'escalade, de promenade ou de randonnée, il n'y a qu'une proportion très faibles d'accidents et le retentissement que les médias leur donnent participe souvent à une grande désinformation du public et à la propagation de clichés erronés. Il est utile de les dénoncer."
"C'est donc de la très petite frange des sauvetages qu'il va être question ici car, lorsqu'il s'en produit, il est émouvant de rencontrer des dévouements obscurs, des gestes d'amitié, des sourires entre inconnus, de voir en action ce qu'est le secours quand il est effectué par des professionnels qui sont aussi des alpinistes et qui mettent dans leur métier beaucoup d'humanité, beaucoup de coeur, beaucoup d'amour de la montagne"
"On trouve en montagne le dépouillement, la solitude, la lenteur et la peine, le risque parfois. On y vit dans l'inconfort, on se lève au milieu de la nuit, on a froid, on a chaud, on cherche son souffle, on se donne et on se dépense, on lutte d'abord contre soi-même, on partage avec d'autres, un petit nombre, d'inoubliables instants qui apprennent à replacer le reste dans une juste échelle. La montagne fait partie des chances qu'a l'homme de trouver de nouvelles perspectives au sein de notre monde clos et de sa culture fourvoyée, parce qu'elle offre un sens qui leur manque. En montagne, on touche parfois à un bonheur incomparable. Et la récompense est plus grande que ce qu'on a mis dans la balance..."
"Je voudrais sortir d'un refuge, à une heure, à deux heures du matin, et que le ciel soit plein d'étoiles, que les cailloux d'une moraine bruissent sous nos chaussures, que la lueur des frontales éclaire une zone mouvante de pierrier, puis de neige durcie. On mettrait les crampons, sans se parler. On mettrait la corde. On marcherait. La pente se redresserait. Il y aurait une rimaye à franchir. Puis un couloir. C'est cela que j'aimais le plus. Viendrait le moment où le vide se creuse entre les crampons, où l'aube point, d'abord grisâtre. Et lentement vient la lumière. La montagne apparait, tout autour. On ne serait que quelques uns à vivre ce bonheur immense. Quand le soleil se lèverait, nos ombres, un instant, seraient couleur d'azur. Nous serions au sommet quand, en bas, ils dorment tous encore. Et nous, là, devant la beauté de la terre..."
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