Quelque part, au cœur de la ville, dans un endroit hors du temps et de l'espace, il existe un lieu merveilleux. Les rumeurs de Paris s'arrêtent, le trafic se tait aux portes de la Mouzaïa. Nous nous trouvons peut-être dans le vingtième arrondissement, ou pas. Entrer dans l'une des villas, c'est respirer autrement, marcher plus tranquillement, ne croiser en guise de passants que des chats paisibles, fiers maîtres des lieux. Il est évident que nous ne sommes plus au centre de la capitale, mais bel et bien ailleurs. Pas au-delà des murs. Pas différemment. Pas plus calmement. Non. Ailleurs, véritablement. Dans une autre dimension. Déjà, dans les rues, le mouvement est absent et la cacophonie urbaine se rend. Totalement. Que dire alors des ruelles piétonnières qui nous transportent beaucoup plus profondément dans la douceur des glycines, la poésie des roses et l'exotisme des palmiers. Derrière les hautes grilles tressées de rouge, de mauve, de blanc et de jaune, les habitants vivent discrètement, à l'ombre des grands arbres protecteurs. Pourtant, par les interstices, la vie apparaît et on ne peut s'empêcher de jeter un œil curieux. Entre les fleurs de chèvrefeuille, on aperçoit les terrasses, les salons de jardins, les plantes aromatiques et les tricycles des enfants. Est-on envieux ? Un peu. Quand on vit à Paris, pour de vrai et pas dans cette antichambre du paradis, dans les gaz d'échappement, les courants d'air du métro et les manifestations - République à Nation -, on se demande par quel sort maudit nous avons hérité lors du grand tirage d'une existence agitée, pendant qu'à quelques centaines de mètres de notre petit appartement, des gens, deux jambes, deux bras, coulent des jours délicieux à la Mouzaïa. Pourquoi ? Si l'on évoquait le prix du mètre carré, les garanties, les boulots et les notaires, notre petit cœur rêveur se serrerait de tant de décevant pragmatisme. Laissons-le fantasmer, rêver, espérer, se gorger de rouges-gorges, de lavande en pot et d'abeilles butineuses. Un jour, on aura la chance d'avoir un jardin, un grand, avec des glycines et des roses. Et on sera heureux. Pourtant, dans un coin de nos souvenirs, à la façon du coffret à bijoux de grand-mère que l'on avait ouvert en cachette, puis refermé, les yeux éblouis par les trésors qu'il contenait et qui nous laisse encore aujourd'hui la sensation d'une merveilleuse découverte, quand on fermera les yeux, à l'ombre de notre joli jardin, on se rappellera la Mouzaïa. Et pour de vrai, encore, on rêvera.
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