Déjà aguerrie à la marche sur les chemins de Compostelle, Marie-Edith Laval s'envole pour le Japon et le pèlerinage des 88 temples. C'est d'ailleurs lors de son précédent périple qu'elle découvre l'existence de ce parcours dans l'île de Shikoku, la plus petite des quatre principales îles nippones. Tous les chemins se rejoignent ! En pleine canicule, la voilà sur les routes spirituelles du Japon, transpirant sous le soleil de plomb et dans la chaleur accablante de juillet et août. En tenue blanche de Henro, son bâton de pèlerine bien en main et son chapeau conique sur la tête, elle affronte seule, à pied (sans aucune concession à ce précepte), ce trajet que beaucoup de Japonais parcourent en bus, en voiture, par tronçons. Sa condition de henro "authentique", couplée à son origine occidentale, suscitent chez les habitants un immense élan de sympathie. Dans une région très marquée par la spiritualité et attachée à ses traditions, Marie-Edith est considérée avec respect, admiration et compassion (chacun sait que la chaleur, les kilomètres, la solitude, les difficultés du parcours - les sentiers glissants, les forts dénivelés, les serpents... - demandent un courage sans failles). C'est pourquoi ils lui font don de multiples offrandes de boisson, nourriture, vœux de réussite et de protection, de même qu'ils lui confient leurs prières pour le temple suivant. A Shikoku, un pèlerin est sacré. Temple après temple, Marie-Edith Laval se dépouille, vide son sac, allège sa conscience. Rien de tel que la marche solitaire pour s'éclaircir les idées et revenir à l'essentiel.
Son récit est spontané, direct, de l'ordre du carnet de voyage très peu retravaillé. On le lit comme un journal quotidien, rédigé chaque soir à chaud après une journée de marche. L'auteur nous offre son œil neuf ; celui de l'enfant qui découvre des choses inattendues avec la naïveté qui lui est propre, sans aucun jugement, en totale ouverture, avec étonnement. On lit entre les lignes son sourire amusé, sa surprise, la joie qu'elle éprouve à chaque rencontre, son plaisir de se plonger dans les bains chauds préparés par ses hôtes dont la générosité l'émerveille. On transpire avec elle, on l'accompagne pas à pas, on récite le sutra du coeur avec elle, on savoure les plats succulents, la cuisine fine, délicate et parfumée à laquelle elle goûte chaque jour. On toucherait presque du doigt les pages du carnet que les calligraphes des temples complètent les uns après les autres. Quand Marie-Edith sourit, on sourit. Et c'est avec une joie renouvelée que l'on poursuit la route chapitre après chapitre.
Le seul reproche que l'on peut faire, mais cela reste un avis personnel, ce sont les dix dernières pages du livre. Le pèlerinage est terminé. Ayant encore tellement de ressentis et d'analyses à partager - et c'est très généreux de sa part, cela part d'une envie de permettre à d'autre d'avoir accès, sans forcément effectuer une pénible randonnée, à toutes les prises de conscience que son expérience a fait naître en elle - Marie-Edith Laval consacre un chapitre à ses analyses, ses ressentis, ses émotions, ses découvertes. Spontanés, toujours et comment le lui reprocher. Mais on aurait peut-être préféré que le récit s'achève au moment où elle introduit la clé dans la serrure de son appartement parisien. A moins que, au contraire, nous restions sur notre faim. En effet, ses paroles spirituelles, philosophiques sont certes magnifiques, justes, enthousiastes, mais ne nous racontent en aucun cas comment l'auteur a mis à profit ce pèlerinage et tout ce qu'il lui a apporté dans sa vie quotidienne. Comment garder l'œil avide de rencontres, le cœur frais du pèlerin, dans notre routine ? On aurait bien aimé en savoir plus !
Qu'importe, on lui pardonne. Car, on l'aura bien compris, c'est l'esprit instantané du journal de voyage que l'on gardera de ce livre sincère, généreux, souriant, ode au chemin et poème de la rencontre magique avec l'Autre. Une bouffée d'air pur.
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