Assez de marcher pendant des heures, de courir la ville de droite et de gauche, d'explorer les frontières révolues et les points cardinaux, les centres et les cœurs, les écueils et les recoins. Assez du frühstück qui implique un repas de midi sauté. Mal aux jambes, mal au dos. Envie d'une journée normale de touriste lambda. Après un petit déjeuner à la française - les croissants et le café au lait, que c'est bon... -, nous passons la porte du musée des instruments de musique qui se trouve tout à côté de la Philharmonie. Dans le grand espace ouvert, moderne, l'éclairage soigné met en valeur toute une colonie de pianos et de clavecins, d'orgues de toutes sortes. On s'attarde devant chaque instrument, on l'étudie, on le scrute, on l'admire, on en fait le tour, on le photographie mentalement ; on s'en étonne, on le commente, on en sourit, bref, on prend notre temps. Les baies vitrées teintées tamisent la (relative) luminosité extérieure. On se sent bien, à l'abri, privilégié dans cet écrin, ce coffret à bijoux si séduisant. Dans le cas de certains instruments ou de certaines reconstitutions de mécaniques, le visiteur est autorisé à toucher, à s'essayer à la musique. Me voici, incognito, discrètement, dans la grande salle quasi déserte en ce matin de décembre, grattant sur une jolie guitare blanche un rythme de huayño péruvien. Dernière note. Silence feutré. On s'amuse. On teste également un "Dato Duo", sorte de mini synthétiseur capable de produire toute une série de rythmes, de nuances, d'intensités de sons, de les mémoriser, les mélanger. Il doit falloir des mois, des années de pratique avant de maîtriser cet engin ! Rassasiés de beautés et d'étrangetés, nous sortons enfin, ravis de ce délicieux intermède artistique au chaud et à l'abri.
Cette fois, on peut vraiment le dire : nous sommes sur les Champs Elysées berlinois. Nous nous trouvons à l'ouest de la ville et ne savons où donner de la tête tant les magasins pullulent de part et d'autre de ces grandes et belles avenues. Nous nous gardons de visiter les 60 000 mètres carrés du KaDeWe, le plus grand ensemble commercial d'Europe et réservons nos forces pour dénicher un petit restaurant, le dernier du voyage. Nous le trouvons au septième étage d'une tour. "Neni" a le mérite de nous offrir à la fois une cuisine aux saveurs et aux parfums du Proche Orient, revisitée, fine et délicate, et un superbe panorama sur la capitale, y compris sur son immense parc zoologique. Nous faisons coucou aux oiseaux en contrebas, apercevons la coupole du Reichstag au loin, ainsi que l'église du souvenir que nous verrons de plus près ensuite.
Cette église reste là, plantée comme un cheveu sur la soupe au-milieu de ce quartier hyper branché. Elle est le dernier témoin encore debout des terribles bombardements qui ont détruit une grande partie de Berlin lors de la deuxième guerre mondiale. A ses côtés, un nouveau bâtiment construit en 1959 escorte cette coquille vide, malheureusement encore une fois, à ses dépens, symbole de la violence humaine. En effet, sur les marches attenantes sont allongés des bouquets de fleurs, disposées des bougies et des photos, rappelant qu'ici même, il y a deux ans, un fou au volant d'un camion avait foncé sur la foule. Que voulez-vous, l'histoire se répète. Sans cesse. C'était là, sur ce marché de Noël qui sent bon la viande, le sucre, les épices et le gras. Entre ces allées peuplées de vendeuses à la mine souriante et joues rouges et rebondies. Là, en pleine euphorie festive. Là, cannelle et goût de sang. Chocolat et cailloux dans la bouche. Quelle tristesse. Hormis les roses déposées et les portraits des disparus, rien ne semble entacher cette farouche volonté qu'ont les humains de surmonter leurs traumatismes par le plaisir, le jeu, le rire, la dévotion envers les jolies choses de la vie. Peut-être parce qu'ils savent que la vie n'est qu'un cycle infini. Hier, on pleurera. Demain, on riait. Pourquoi ne pas respirer aujourd'hui ?
Les trottoirs sont bondées. Les passants traversent les rues, telles des fourmis disciplinées qui s'arrêtent d'un seul pas, redémarrent quand c'est le moment. Un flot discontinu et pourtant paisible qui reste un compagnon épuisant pour qui a déjà les pattes bien fourbues. Il nous faut sortir des troupeaux en file indienne. Nous entrons dans le Karstadt, cette sorte de Galeries Lafayettes allemandes dans lesquelles on trouve absolument tout. C'est le centre commercial que l'on rêve d'avoir à côté de chez soi. Besoin d'une casserole ? D'une robe du soir ? D'un nouvel agenda ? L'objet tant désiré se trouve immanquablement au Karstadt. Nous essayons de nous auto-persuader que nous n'avons besoin de rien, mais il est strictement impossible de ressortir d'ici les mains vides. Une gourde, un éléphant en peluche, et encore, on se retient. Consciencieusement, sans rien omettre, sans oublier aucun recoin, nous effectuons notre tournée. Chaque étage est scrupuleusement fouillé, les escalators maintes fois montés et descendus. Rayon de sport. Papèterie. Rayon jouets. Alimentation. Nous sommes intraitables. Lorsque nous sortons enfin, il fait nuit (il faut dire qu'en décembre, à Berlin, le soleil se couche à 15h57).
Nous quittons ce quartier enchanteur aux mille tentations. Non loin de là, à dix minutes de marche (une peccadille), il paraît que Savignyplatz est jolie. Malheureusement, les illuminations de Noël ne sont pas de mise sur la place et c'est dans le noir le plus total que nous l'entrevoyons. Néanmoins, nous savourons l'ambiance rétro de ses rues piétonnes et de ses petites boutiques sous les arcades du métro.
Il nous reste encore du temps. Et tant de choses à découvrir. Mais que choisir ? En a-t-on encore envie ? Quand on sait qu'il faut partir, l'esprit s'engourdit et refuse de réfléchir. Prolonger quelques minutes le parcours n'aurait aucun sens. Le cœur n'y est plus. Nous reprenons notre valise et nous dirigeons vers l'aéroport. Le bus qui nous y conduit passe tout près de la porte de Brandebourg. Nous la regardons une dernière fois pour nous la fixer dans la rétine. La soirée est déjà bien avancée quand nous quittons Berlin et nous sommes déjà à Paris. Orly est aussi vide qu'à l'aller. Il est plus de vingt-trois heures et il nous faut reprendre la route. Retrouver le brouillard. La campagne. Et Berlin qui se joue de nos yeux fatigués et dont les images, indélébiles, se substituent au tracé monotone de l'autoroute. Berlin énigmatique. Berlin sublime et hideuse, fière et misérable, estropiée et grandiose. Berlin qui ne nous sort plus de la tête.
Cette église reste là, plantée comme un cheveu sur la soupe au-milieu de ce quartier hyper branché. Elle est le dernier témoin encore debout des terribles bombardements qui ont détruit une grande partie de Berlin lors de la deuxième guerre mondiale. A ses côtés, un nouveau bâtiment construit en 1959 escorte cette coquille vide, malheureusement encore une fois, à ses dépens, symbole de la violence humaine. En effet, sur les marches attenantes sont allongés des bouquets de fleurs, disposées des bougies et des photos, rappelant qu'ici même, il y a deux ans, un fou au volant d'un camion avait foncé sur la foule. Que voulez-vous, l'histoire se répète. Sans cesse. C'était là, sur ce marché de Noël qui sent bon la viande, le sucre, les épices et le gras. Entre ces allées peuplées de vendeuses à la mine souriante et joues rouges et rebondies. Là, en pleine euphorie festive. Là, cannelle et goût de sang. Chocolat et cailloux dans la bouche. Quelle tristesse. Hormis les roses déposées et les portraits des disparus, rien ne semble entacher cette farouche volonté qu'ont les humains de surmonter leurs traumatismes par le plaisir, le jeu, le rire, la dévotion envers les jolies choses de la vie. Peut-être parce qu'ils savent que la vie n'est qu'un cycle infini. Hier, on pleurera. Demain, on riait. Pourquoi ne pas respirer aujourd'hui ?
Les trottoirs sont bondées. Les passants traversent les rues, telles des fourmis disciplinées qui s'arrêtent d'un seul pas, redémarrent quand c'est le moment. Un flot discontinu et pourtant paisible qui reste un compagnon épuisant pour qui a déjà les pattes bien fourbues. Il nous faut sortir des troupeaux en file indienne. Nous entrons dans le Karstadt, cette sorte de Galeries Lafayettes allemandes dans lesquelles on trouve absolument tout. C'est le centre commercial que l'on rêve d'avoir à côté de chez soi. Besoin d'une casserole ? D'une robe du soir ? D'un nouvel agenda ? L'objet tant désiré se trouve immanquablement au Karstadt. Nous essayons de nous auto-persuader que nous n'avons besoin de rien, mais il est strictement impossible de ressortir d'ici les mains vides. Une gourde, un éléphant en peluche, et encore, on se retient. Consciencieusement, sans rien omettre, sans oublier aucun recoin, nous effectuons notre tournée. Chaque étage est scrupuleusement fouillé, les escalators maintes fois montés et descendus. Rayon de sport. Papèterie. Rayon jouets. Alimentation. Nous sommes intraitables. Lorsque nous sortons enfin, il fait nuit (il faut dire qu'en décembre, à Berlin, le soleil se couche à 15h57).
Il nous reste encore du temps. Et tant de choses à découvrir. Mais que choisir ? En a-t-on encore envie ? Quand on sait qu'il faut partir, l'esprit s'engourdit et refuse de réfléchir. Prolonger quelques minutes le parcours n'aurait aucun sens. Le cœur n'y est plus. Nous reprenons notre valise et nous dirigeons vers l'aéroport. Le bus qui nous y conduit passe tout près de la porte de Brandebourg. Nous la regardons une dernière fois pour nous la fixer dans la rétine. La soirée est déjà bien avancée quand nous quittons Berlin et nous sommes déjà à Paris. Orly est aussi vide qu'à l'aller. Il est plus de vingt-trois heures et il nous faut reprendre la route. Retrouver le brouillard. La campagne. Et Berlin qui se joue de nos yeux fatigués et dont les images, indélébiles, se substituent au tracé monotone de l'autoroute. Berlin énigmatique. Berlin sublime et hideuse, fière et misérable, estropiée et grandiose. Berlin qui ne nous sort plus de la tête.
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