Une sorte de version fantasque d'Alexandra David Neel mêlée à une anticipation de la backpakeuse à la recherche de son moi profond. Ella Maillart nait en 1903 au bord du Lac Léman dans une famille aisée. Elle pourrait se contenter de vivre une vie de fille destinée à être mère au foyer plus tard, mais elle préfère pratiquer le ski, monter une équipe féminine de hockey, naviguer sur le lac, profiter de tout ce que la région peut offrir d'activités sportives. Sacré nana, Ella. Et puis, elle a l'avantage de ne pas avoir à se soucier de travailler, la question financière étant plus que secondaire et la deuxième guerre mondiale étant encore si loin. En outre, en Suisse, que peut-on craindre ? Sa quête d'aventures, ou plutôt son simple syndrome de bougeotte aigüe, la mènent dans la Russie post révolutionnaire, en Europe Centrale puis en Orient au cours de plusieurs voyages mouvementés. Elle marche à travers la Chine et le Tibet, côtoie des nomades dont elle partage le quotidien. Ella est à la recherche d'une vie libérée de ses contraintes matérielles, proche du primitivisme et de l'essentiel. Le travail ? Pour quoi faire ! Or, elle n'est pas ethnologue, ni aventurière, encore moins écrivaine. Elle ne prétend pas instruire le monde sur ses découvertes et n'est pas à la recherche d'exploits, telle une Alexandra David Neel qui se change en mendiante pour être la première européenne à pénétrer dans Lhassa l'interdite. Cependant, pour financer ses voyages, elle doit tout de même se mettre à écrire des articles et des livres. Sans le vouloir, son importante production écrite contribue à diffuser un certain nombre d'informations sur des régions peu fréquentées dans cette période d'entre deux guerres. A la fin de cette autobiographie, Ella Maillart confie séjourner en Inde auprès de sages et de maîtres religieux afin d'introduire une certaine spiritualité dans sa vie. Un Mange, prie, aime de l'époque. Ella n'est pas si loin des blogueuses d'aujourd'hui dont les motifs qui les amènent à parcourir le monde sont avant tout un égocentrisme prononcé, le rejet d'une routine préétablie et un sentiment d'insatisfaction que l'on espère combler au prix de milliers de kilomètres. On exagère. Car Ella, c'est surtout une championne de ski, une navigatrice hors pair, une marcheuse qui n'a pas froid aux yeux, une vie bien remplie et un regard aiguisé sur le monde. Une femme qui devrait être un modèle pour les jeunes filles d'aujourd'hui.
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