Kodjovi Obilalé, Un destin foudroyé, 2015.
Qui n'a pas entendu parler de la tragédie de la CAN 2010. Alors que l'équipe de football togolaise traverse l'Angola dans son bus pour aller affronter le Ghana lors du match d'ouverture de la Coupe d'Afrique des Nations, des terroristes indépendantistes de la région rebelle du Cabinda attaquent leur véhicule. Le bilan des tirs nourris est lourd : deux morts et un blessé extrêmement grave, le gardien de but remplaçant Kodjovi Obilalé, alors joueur amateur dans un club breton. Annoncé comme mort par la presse pendant plusieurs heures, Kodjovi est en réalité au bord de la vie. Transporté tant bien que mal vers un hôpital, il atterrit aux soins intensifs à Johannesbourg. Commence alors un long calvaire pour survivre.
Le joueur, pour donner plus de relief aux événements et à son lent retour à la vie, reprend son histoire de zéro, depuis son enfance, pas toujours facile, au Togo. C'est là qu'il découvre le sport et en particulier le foot, qui le fait passer d'un enfant timoré à un adolescent assoiffé de jeu et de victoires. A peine adulte, un agent véreux, comme il en existe malheureusement beaucoup dans le foot, lui promet monts et merveilles en Europe. Seulement, dans la froide France, à Lorient notamment, la réalité n'est pas toute rose. Les contrats tant désirés se font attendre, le moral est en berne, si bien que Kodjovi doit rentrer bredouille dans son pays natal. Entre temps, il progresse dans les clubs locaux, améliore sa technique, et bien qu'en tant que remplaçant, ses premières sélections avec les Eperviers du Togo sont une consécration. Il n'oubliera jamais ces moments incroyables à affronter les autres sélections internationales, à croiser des stars comme Zinedine Zidane. La fierté de jouer aux côtés du grand Adebayor est également un souvenir impérissable. D'ailleurs, le grand joueur est omniprésent dans sa vie, même au moment de l'accident et après.
Finalement, les débuts en France de Kodjovi Obilalé montrent les errances et les difficultés qu'un immigré, tout travailleur et honnête qu'il peut être, rencontre sur son chemin. Bosser deux fois plus que les autres et récolter deux fois moins de fruits. Cependant, au moment de l'attentat, sa carrière décolle enfin. C'est quand il est en pleine ascension que plusieurs balles pénètrent dans son corps et paralysent sa jambe droite. Les complications ne se font pas attendre. Ses jours ne sont plus que souffrance. La morphine suffit à peine à soulager les séquelles des multiples opération. Rejouer au foot un jour ? Totalement impossible. La carrière internationale ? A oublier. Remarcher ? En sera-t-il seulement capable ?
Dès son retour en Bretagne, Kodjovi passe par tous les états, du soulagement d'être rentré chez lui à la déprime de ne plus être ce qu'il était. La nostalgie de ce qu'il ne sera jamais. Nous ne sommes ni dans le voyeurisme, ni dans la minimisation. Le joueur ne tait rien, nous raconte tout dans les détails avec franchise et simplicité. Même s'il ne veut pas donneur de leçons, c'est une grande claque d'humanité et de courage qu'on prend en pleine figure, de la part de celui qui, aujourd'hui debout sur ses béquilles, travaille comme éducateur auprès de jeunes en difficulté. Sans compter les conclusions sans pitié qu'il tire de la corruption et de la mafia qui règnent dans le milieu du football international. Passionnant.
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