Je connais une fille qui aime-hait son violoncelle.
A l'âge de 6 ans, on avait choisi pour elle quel serait l'instrument qui torturerait son enfance. Très tôt, trop tôt, elle a dû faire ses gammes, s'escrimer sur l'archer. Que ni lui, ni ses dents de lait ne grincent à chaque nouvelle séance. Premier cycle. Deuxième cycle. La rigidité de l'enseignement a fini d'arrondir les angles de la petite qui, pourtant, montrait déjà au grand jour ses velléités d'être une âme polyphonique.
Chassez le naturel, il revient prestissimo. Le moule était trop petit et les épines de la rose ont repoussé. Sans un regard vers le violoncelle, la fille s'en est allée. Passe le temps. Guérissent les égratignures. Perdure le fer rouge...
Je suis assise en face de la fille. Elle lutte pour quelques notes virtuoses sur un instrument caractériel. Comme elle, la bataille ne l'a pas laissé indemne. Deux balles ennemies lui ont fêlé la carcasse. Ensemble, la fille et le violoncelle apprivoisent leurs cicatrices. C'est beau de les voir ne faire qu'un. Elle, promenant ses doigts agiles sur lui ; lui, déployant l'intensité de ses vocalises pour la faire frissonner. Elle veut l'excellence et ne souffre pas de demie-mesure. Lui, bon prince, se prête à ses caprices perfectionnistes et fait de son mieux pour tenir son rang dans cette relation ambiguë.
Je connais une fille qui aime-hait son violoncelle. Elle l'aime autant qu'elle le déteste. Passion. Mais quand elle s'acharne à faire résonner sa revanche d'enfant à travers la pièce, l'instrument chante, pleure, tempête et tendresse.
Et la fille au violoncelle devient mon héroïne.
1 commentaire:
Quelques amateurs de belle musique voudraient bien être assis en face de cette fille là, quand elle s'empoigne avec son violoncelle!
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