"Merci".
Tu sais, ce mot que tu ne prononces jamais ? Parce que tu n'es jamais content. Parce que tu as toujours quelque chose à redire. Parce que la réalité ne te convient pas et que tu te dis que, tant qu'elle ne sera pas en parfaite adéquation avec ta façon de l'imaginer, tu ne t'en contenteras pas. Alors tu rêves. Tu te fais des films. Et quand tu te réveilles de tes lubies insaisissables, tu atterris le cul par terre et ça fait mal. Tu tombes de haut, forcément.
Tu ne t'es jamais dit que tout ça, tout ce que ton mental te fait miroiter, c'était du pipeau ? De l'eau à ton moulin de pauvre rêveur, d'utopiste du dimanche. Du sel sur les plaies que tu te fabriques. La réalité ne colle pas à tes espoirs ? On s'en fout. On passe. Tu n'arrives pas à faire ce que tu veux de ton existence, tu es mécontent de toi ? On s'en fout. On passe. Tout passe. Les autres, ce que tu attends d'eux, ce qu'ils te donnent parfois, ce qu'ils te refusent. On s'en fout. Le lendemain, tu es content de toi ? Tu es fier de ce à quoi tu es parvenu dans ta vie professionnelle, ta vie personnelle ? On s'en fout. On passe. Tu as atteint un but, tu te sens sur un piédestal, verni ? On s'en fout aussi. Parfaitement. Parce que tout passe. Tout le temps. Rien ne dure.
Alors il va bien falloir que tu apprennes à te réjouir des cartes que tu as entre les mains, de kiffer aussi celles qui te manquent. Parce que, de toute façon, le jeu que tu as, il est parfait. Que tu gagnes, que tu perdes : il est parfait. C'est le tien, c'est toi et c'est ce qui compte.
Regarde un peu ce qui t'entoure : la mer de nuages, les champs infinis, la nature qui te regarde et les grues qui partent en Afrique. Beau, hein ? Déroutant ? Emouvant ? Bluffant ? Arrête de vouloir, arrête de cogiter et plonge-toi à fond dans ce que la Terre te donne. Lève les yeux au ciel. Pas pour t'exaspérer mais pour remercier les oiseaux de leur ballet, pour remercier la boue qui te colle aux pieds.
Les grues sont déjà parties. Le soleil se couche. Tu le vois bien, que tout passe ?
Alors dis merci. Juste ça : dis merci.
Répète après moi :
"Merci. Je suis seule en haut de la colline, j'embrasse tout le paysage du regard. J'ai le bonheur de voir ça. Merci.
Merci. Je suis seule dans le silence. Rien ne m'agresse. Tout est doux, maternel, sensuel, beau. Tout est unique et parfait. Je fais partie de ce tout. Merci.
Merci. Les oiseaux migrateurs cherchent leur route au-dessus de ma tête. Ils tournoient, inspectent les vents, parlementent, reforment leur ensemble, se réorganisent et repartent. Ils s'éloignent dans le soleil et disparaissent vers l'horizon. Ils mettent l'Afrique à ma portée. Merci.
Merci. Que je sois d'ici ou d'ailleurs, que je reste pour la vie ou que je parte demain. Merci."
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