Carlos Moreu, La Guerre de Troie, au-delà de la légende, 2008.
Le sujet est passionnant, et je vais évidemment y revenir, mais je dois d'abord dire que je n'ai jamais lu de traduction aussi mauvaise. Je ne dis pas juste cela pour faire un quelconque effet hyperbolique. Quand je dis "mauvaise", au contraire, je pense sincèrement que je minimise. Voilà une dame, dont je tairai le nom, qui n'a pas saisi une miette de ce qu'était l'action de traduire. Au mieux, elle a recopié mot à mot chaque phrase originale. Au pire, elle a massacré le texte, ruiné la forme et par conséquent noyé le fond dans un charabia abyssal. Non, madame, qui que vous soyez et avec tout le respect que j'ai pour vous, traduire, ce n'est pas tracer une ligne directe entre deux idiomes. Ce n'est pas reporter consciencieusement dans la langue cible chaque signe de la langue source. C'est donner du sens. Avant tout. Mettre en valeur le texte (ici, un gigantesque travail de recherche). Pourquoi croyez-vous que nous luttions contre l'uniformisation culturelle, contre la prédominance du langage universel et la dictature de l'anglais ? Tout simplement parce qu'une langue, c'est toute la spécificité culturelle qui va avec, le bagage d'histoire, de traditions et évidemment un mode de pensée particulier. Avant de se lancer dans le recopiage forcené, il faut savourer les mots, les mâcher, rechercher toutes les saveurs différentes qu'ils font exploser en bouche, les digérer, les comprendre, les intérioriser. Ensuite, et ensuite seulement, il faut essayer de faire goûter au public à qui on destine le nouveau texte tout ce que l'original contenait de parfums. Cela me rappelle un reportage dans lequel un chef français immigré au Japon expliquait la notion de "bon" plat, de "bon" produit : il disait qu'en France, c'est le goût qui prime, tandis que les Nippons donnent la primauté à la texture. Chère traductrice, on le souhaite, d'un seul dimanche : ce livre-là, vous nous l'avez recraché au visage comme un vulgaire bout de chorizo.
Pour en terminer avec la forme, je me suis aussi un peu perdue dans les allers et retours incessants du plan. Sans doute mon côté universitaire français un peu trop formaté par la dictature de la thèse en trois parties...
Venons-en maintenant au fond : la recherche des fondements historiques de la guerre de Troie. On y reparle bien sûr d'Henry Schliemann, dont j'avais évoqué la biographie, et de ses fouilles controversées à la fin du XIXème siècle. Le millionnaire passionné était persuadé de l'historicité du mythe homérique, mais il lui manquait des preuves. C'est au XXème siècle que celles-ci sont apparues, tant en Anatolie, qu'en Grèce et en Egypte, à travers la lecture de documents essentiels pour la validation de la thèse. Ce travail tout à fait complet nous offre un panorama clair et une conclusion nette et précise qui ravirait Schliemann : oui, la guerre de Troie a bien eu lieu. Passionnant.
Même si, contrairement à ce que l'on peut lire dans la préface, ce livre ne se dévore pas "comme un livre d'Agatha Christie". Mais je ne voudrais pas jeter du sel sur la plaie... enfin, je veux dire, remuer le couteau dans la plaie (clin d'oeil à la traductrice dominicale).
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