La mule et le mulet. Ce n'est pas une fable de La Fontaine qu'on aurait miraculeusement exhumée d'un recueil oublié. C'est la différence entre les adeptes de la Marche Ultra Légère et les Marcheurs Ultra Lourds et Têtus.
Deux choses m'ont amenée à fricoter avec la première catégorie : d'abord, je repars cet été faire un long voyage (que ce soit dit, je repars en Bolivie, après 4 ans d'absence, je vous en reparlerai souvent et abondamment je pense) et, ne sachant pas exactement où je vais crécher, je me suis retrouvée face à des questions existentielles du type "valise ou sac à dos ?" ; ensuite, j'ai lu Jean-Christophe Rufin.
Me voici donc face un dilemme : valise ou sac à dos ? Définitivement, la valise, pour aller d'une ville à l'autre en Bolivie, ce n'est pas pratique. Je m'imagine déjà traînant 23 kilos derrière moi en remontant les rues au dénivelé assez raide de la capitale bolivienne. Quant au voyage en bus, n'en parlons même pas : devoir monter et descendre avec une valise serait un pur cauchemar ! Pourtant, la valise, j'en aurais bien besoin : pour la remplir de vêtements, de cadeaux, de tissus, de médicaments, etc... Alors, je me repose la question : valise ou sac à dos ? Si j'opte pour la deuxième solution, je vais devoir investir dans un 80 litres au moins, afin de pouvoir y loger mes 10 paires de chaussettes de rechange, mes 4 tubes de crème solaire et de Biafine (caresse du soleil de 4000 mètres oblige), mes 8 t-shirts et mes 5 pantalons. Ben quoi, je pars un mois, tout de même ! Je ne vais pas y aller à poil ! Quant au matériel de travail, n'en parlons pas : carnet, stylos, appareil photo. Je suis même allée jusqu'à me demander si je prenais ou pas mon ordinateur avec moi. C'est là que je me suis dit que, moi qui pensais voyager léger dans la vie, ne pas être attachée aux biens matériels et avoir la capacité de ne m'entourer que de l'essentiel, je me mettais le doigt dans l’œil jusqu'à l'omoplate.
Et c'est à la lecture du récit de la marche vers Compostelle qu'a relatée Jean-Christophe Rufin que je suis allée fureter vers ce qu'il appelait le mouvement MUL... pour immédiatement m'identifier comme MULET, c'est-à-dire une personne qui porte sur son dos la moitié de sa maison, façon petit-gris affublé d'une conque marine. Rufin lui-aussi a dû revoir ses ambitions matérielles à la baisse au bout de quelques jours, en sentant la morsure des bretelles du sac à dos trop lourd sur ses épaules meurtries. Il parle même avec humour de l'arrivée de sa femme en Galice, décidée à faire les derniers kilomètres avec lui, et chargée d'une trousse de maquillage disproportionnée par rapport à la besace amaigrie de son mari.
Je me suis donc empressée d'aller mener mon enquête sur internet. Qu'est-ce que la MUL, ou marche ultra légère ? On peut lire cet article qui est très explicatif et détaillé ou aller faire un tour sur le site www.randonner-leger.org où tout est abordé : de la cape imperméable qui fait tente à la popote en titane, en passant par la longue veste qui fait aussi sac de couchage. Le poids du sac en lui-même est également évoqué (qui pèse souvent, vide, quelques 3 kilos) ainsi que le fait de préférer des chaussures basses plutôt que celles à tige haute, beaucoup plus lourdes. Et alors, comme le dit à très juste titre Jean-Christophe Rufin, vient le thème de la peur. Se défaire du matériel renvoie à la peur ancestrale de manquer, de ne pas avoir à disposition tous ces éléments qui nous entourent au quotidien, qui nous rassurent. Alléger son sac, c'est se sentir démuni, appauvri, sans repères. Il en va de même pour les objets de la maison. Pourquoi est-on si attaché à cette bougie que l'on n'allume jamais parce que lorsqu'on l'allume la cire chaude s'écoule un peu partout ? Pourquoi tient-on autant à garder cette collection de tortues en céramique qui ne nous servent strictement à rien, si ce n'est à nous gêner quand on fait la poussière dans la bibliothèque ? Je vous dis cela, mais je n'ai pour ainsi dire aucun bibelot superflu, mes nombreux déménagements, parfois express, m'ayant enseigné depuis longtemps que toute notre vie peut tenir dans un sac de sport. La question à se poser, si l'on ne parvient pas à jeter, est la suivante : si ta maison brûlait, cher lecteur, que rachèterais-tu ? A lire à ce sujet, les excellents livres de Dominique Loreau, prêtresse de la simplicité et de l'essentiel.
Je poursuis donc mes réflexions existentielles sur le contenu des sacs, valises et autres ersatz de malles de mes futurs voyages...
Et vous ? Etes vous une MUL ou un MULET ?
Cochabamba - février 2010
2 commentaires:
A te lire, je me suis tout de suite dit avec horreur que je faisais partie des mulets !!! (je m'arrange pour emmener toutes mes affaires mais en version mini, ça me rassure. j'ai même une mini couverture en polaire, dès fois que j'aie froid...) Il faut peut être que j'ai voir quelqu'un ou que je me fasse suivre non ? pcr
Il faudrait surtout qu'on se fasse suivre par un sherpa partout où on va !;)
Enregistrer un commentaire