lundi 10 mars 2014

Les femmes du 6ème étage

Voilà un bon film ! Tandis qu'on nous pourrit les neurones avec des navets à quelques millions d'euros et qui sont censés être des "comédies", certains films demeurent à mon avis beaucoup trop dans l'ombre. En toute modestie, nous sommes ici pour rétablir la vérité et leur donner leur place au soleil.
Hier soir, j'ai vu "Les femmes du 6ème étage". Rien à voir avec les gags lourdingues qu'on nous propose la plupart du temps, avec ces comédies dont le scénario, avec ses gros sabots, va de gags en gags, tous plus balourds les uns que les autres, jusqu'à provoquer un malaise chez le spectateur qui finit par se demander "quand est-ce que ça s'arrête ?". Ici, le réalisateur agit par touches légères, tel un habile artiste peintre. Sa manière intelligente de filmer les scènes démontre qu'il a compris l'urgence de taire certaines choses, la nécessité des silences. La giusta misura de la Renaissance Italienne. Tout est dans le clair-obscur, dans les ombres que les personnages projettent les uns sur les autres.
Nous sommes dans les années 60, des femmes espagnoles arrivent en masse à Paris pour travailler comme femmes de ménage, bonnes à tout faire. Une poignée d'entre elles, les héroïnes du film, vivent au 6ème étage d'un immeuble bourgeois, avec très peu de commodités, pour ainsi dire pas du tout. Monsieur Joubert, agent de change, et sa femme emploient chez eux l'une de ces Espagnoles. En principe, ces deux mondes se croisent sans se rencontrer, sans se toucher, dans ce qui ressemble fort à une ségrégation, mépris racial et relation de dominant-dominé à l'appui. Mais au fur et à mesure du film, Jean-Louis Joubert et son employée, Maria, chacun de leur côté, traversent les barrières invisibles, rompent les codes. Cela est très habilement représenté par le jeu avec le langage, les regards, les attitudes, les réactions contrastées face à des événements de vie similaires. Tout en finesse. Et, contrairement à ce qu'on peut lire dans certaines "critiques" ou certains résumés, je ne vois dans ce 6ème étage rien de folklorique. Evidemment, elles chantent du flamenco et il leur arrive de faire la fête, mais le sujet n'est pas là et le réalisateur sait ne pas appesantir sur des clichés. Cette oeuvre, qui aurait pu ressembler à ces comédies overdosées de quiproquos et dans lesquelles il nous semble même entendre des rires enregistrés tellement tout est couru d'avance, est un bijou de poésie.
A voir comme on regarde une fresque de Masaccio.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

C'est effectivement cela, tu as très bien dit ! d'ailleurs, le fait qu'on soit resté scotché devant la télé hier soir est suffisamment rare pour être souligné. Le mérite en revient à ce très joli film auquel on repense le lendemain avec bonheur... très TRÈS rare !
pcr