Il y a des gens qui sont assez fous pour partir au Pakistan, camper en plein cœur des montagnes enneigées, à la recherche d'un homme poilu ! Si, si, d'un homme plein de poils, d'un ancêtre venu tout droit de la Préhistoire et ayant échappé à l'évolution, de l'Homme Sauvage. C'est le récit de cette expédition mi-scientifique, mi-aventureuse que nous conte Erik L'Homme, parti avec son frère et un ami dans les années 90. Questionnaires aussi précis qu'un protocole de recherche universitaire et dessins à l'appui, ils recueillent des témoignages dans chacun des villages, chacune des vallées où ils font halte. Là-bas, l'homme sauvage y est souvent aperçu, décrit de manière uniforme et précise, non pas comme l'un des nombreux êtres légendaires qui peuplent les montagnes, fées et autres diables, mais comme un élément courant du paysage, au même titre qu'un oiseau ou qu'un autre animal. Cela paraît incroyable, mais les preuves sont nombreuses de la présence de ce rescapé de la Préhistoire, ses traces sont visibles dans la neige et les témoignages semblent tout à fait sincères. Alors, persuadés de la légitimité de leurs recherches et convaincus de l'imminence d'une rencontre, Erik L'Homme et ses deux acolytes se lancent dans une quête hallucinée, dormant peu, marchant beaucoup. Ils sont souvent au bord de la rupture physique et psychologique mais refusent de renoncer, malgré la fatigue extrême, les conditions climatiques inhumaines et un état de santé qui ne cesse de se dégrader. On peut penser que ce sont de jeunes inconscients et qu'ils ont trop lu Tintin au Tibet. On peut se dire qu'il s'agit d'un trio d'aventuriers venus trouver dans cette région isolée du monde les sensations fortes qui leur manquent dans leur petite vie monotone d'étudiants parisiens. Soit. Mais, ce qui frappe, c'est ce recul pris, des années après, et qui permet à Erik L'Homme de voir leur expédition comme un voyage initiatique à la rencontre de ce qu'ils sont profondément, en tant qu'hommes. Ici, un paragraphe éclairé sur l'aventure :
"L'aventure est un état d'esprit. Tant que cet état d'esprit subsiste, l'aventure est possible. Même si les chemins qu'elle emprunte changent au fil du temps.
Toutes les terres ou presque sont explorées, le monde tend vers l'uniformisation et on est facilement rattrapés par les points de repère laissés derrière soi ? En réalité, l'aventure n'a jamais été aussi proche.
La possibilité d'aventure est liée à celle de pouvoir tout lâcher, du jour au lendemain, pour entrer dans une nouvelle dynamique de vie dominée par l'inconnu et la surprise. Combien d'entre nous le peuvent-ils, tenus par ce qu'on appelle, sans jamais le définir, le Système, et par les habitudes qui sont dans nos têtes, plus fortes souvent que les contraintes extérieures ?
Comment vivre l'aventure dans un monde réglementé, contrôlé, où l'on écope d'une contravention au moindre faux pas ?
Aujourd'hui comme hier, l'aventure réclame un engagement et de l'enthousiasme, un regard clair et pénétrant, un esprit libre et ouvert. Mais alors tout est possible. Seul compte de vivre debout, en liberté, indifférent aux regards réprobateurs et aux injonctions des bergers.
Les masques tombés au souffle libérateur de l'aventure, il ne reste plus que l'essentiel, la quintessence des jours et le meilleur de soi-même."
Et puis, j'ai énormément pensé à une amie qui a, elle-aussi, parcouru ces régions du Pakistan, traîné des crampons d'aventurière à Chitral, appris le khowar et été à la rencontre du peuple Kalash. Ses récits sont à lire ici :
http://metreya.blog.lemonde.fr/category/pakistan/
En feuilletant ce livre, j'ai pensé à ces histoires d'amour que l'on noue avec une terre... Des nœuds qui font partie de notre identité profonde.
Loin des clichés, loin des idées reçues, loin des voyages touristiques, le cœur et l'esprit ouvert, c'est ainsi que doit se vivre l'aventure si on veut aller vraiment à la rencontre de l'Autre.
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