Luis Sepulveda, Daniel Mordzinski, Dernières nouvelles du Sud, 2011.
Quelle poésie ! Mais également quelle nostalgie... Celle qui émane de la lecture de ces textes relatant des rencontres invraisemblables dans un monde qui n'existe plus. En 1996, Sepulveda et le photographe Mordzinski décident de partir en Patagonie, au sud du 42 ème parallèle, sans ambition ni but précis, sans plan, sans itinéraire particulier. Simplement, ils se dirigent sans boussole sur les chemins désertiques du grand sud et avancent au gré du hasard et des rencontres. Un lutin, un bandit de grand chemin, un luthier au-milieu de rien, une vieille femme qui fait naître des fleurs de ses mains ridées. Un espace hors du temps et de la géographie, un ailleurs extraordinaire. Le réel merveilleux dans toute sa splendeur et des légendes enjolivées par les gens qui les racontent, "en poètes, pas en professeurs". Des années plus tard, lorsque Sepulveda consent enfin à s'en séparer, le livre sort enfin. Il en ressort une oeuvre totale, photographique, littéraire, sociale et poétique, une ode aux gens du sud, à ces histoires qui aujourd'hui se sont évaporées comme dans un rêve. Demeure alors la mélancolie que suscite ce passé à jamais perdu, la poussière d'étoiles dans les yeux de ceux qui l'ont connu et dans ceux du lecteur, pour lequel les auteurs ont comme par magie rendu cette expérience palpable.
Au passage, des phrases d'une beauté renversante :
"Lire ou écrire, c'est une façon de prendre la fuite, la plus pure et la plus légitime des évasions. On ressort plus forts, régénérés et peut-être meilleurs. Au fond, et malgré tant de théories littéraires, nous autres écrivains sommes comme ces personnages du cinéma muet qui mettaient une lime dans un gâteau pour permettre au prisonnier de scier les barreaux de sa cellule. Nous favorisons des fugues temporaires."
Ou encore :
"En Patagonie, on dit que faire demi-tour et revenir en arrière porte malheur. Pour rester fidèles aux coutumes locales, nous avons poursuivi notre chemin car le destin est toujours devant, et on ne doit avoir dans son dos que la guitare et les souvenirs."
Et mention spéciale à la très jolie traduction en français, réalisée par Bertille Hausberg !
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