mercredi 28 août 2019

Cork dans l'ordre

Ce jour-là, Cork est disposée à me laisser choisir un itinéraire. Il faut dire que la journée de la veille a été fatigante. Riche, mais fatigante. Et puis, je pars le lendemain. Elle ne veut sans doute pas que je reste sur une mauvaise impression. En passant devant l'hôpital, une vieille dame à l'étage m'adresse un salut amical et tout sourire derrière la baie vitrée. Je lui réponds avec la même amabilité rieuse. La balade commence décidément bien. Je décide de débuter mon périple à travers la ville par une escale dans la cathédrale Saint Finbarr. Et comme Cork ne peut pas s'empêcher d'être la ville des paradoxes, on entre dans un temple anglican qui n'a pas grand chose de l'austérité protestante : richesse des décors, ors et peintures colorées, brillants. L'édifice en serait presque baroque. Vitraux, orgues. La totale. Et bien évidemment le sens du profit avec une entrée à 6 euros et, parsemées dans tout l'édifice, des incitations aux dons. La grande loterie de Dieu. Ceci étant, il faut bien entretenir cette superbe cathédrale.
Après ce déploiement de pierres, de verres, de marbres et de bois, l'appel de la nature est le plus fort. Cork m'autorise à faire le tour de son Lough, ce plan d'eau circulaire situé au sud de la ville, en la compagnie d'une multitude d'oiseaux de tailles, de couleurs et d'espèces différentes. Cygnes, oies, canards, poules d'eau, pigeons, mouettes et autres espèces dont nous ignorons le nom cohabitent dans un joyeux (et odorant) tintamarre, s'envolent en bande au-dessus des promeneurs et laissent à peine un espace libre pour marcher. Apparemment, ceci est leur domaine. Cette réserve naturelle improvisée placée au cœur d'une ville comme Cork est un havre de paix appréciable au-milieu du béton et des briques. 
Pourtant, ce n'est rien à côté du grand parc Fitzgerald qui jouxte la nom moins imposante Université. Austère, soit dit en passant. Mais enrichie par un rutilant complexe sportif tout neuf où il est possible de jouer, de courir, de nager et qui dispose même d'une crèche pour vous permettre d'y déposer vos bambins pendant que vous faites vos longueurs dans la belle piscine chauffée. Un luxe. A côté, donc, se trouve le Fitzgerald Park avec ses plates-bandes, ses fontaines, ses fleurs et ses arbres autour desquels les familles viennent aérer leurs enfants et les amoureux conter fleurette. Moi, je ne fais qu'imaginer le calme éventuel, car Cork y organise pour ma venue un bruyant et animé festival dédié aux communautés LGBT. Une sorte de folle garden party musicale et ludique où tout le monde se retrouve et s'amuse, rit aux éclats et partage un moment de convivialité dans la plus grande sérénité (trois policiers tranquillement assis dans leur camionnette en train d'écouter la radio constituent le seul contingent de surveillance de ce rendez-vous, ce qui en dit long sur le caractère pacifique des Irlandais). 
Finalement, derniers ahanements, me voici au sommet de la ville - la vue en vaut la chandelle - devant les portes de l'ancienne prison, la Cork City Gaol. Moi franchement, ça me fait froid dans le dos de visiter ce genre de "musée". Mais je crois que ce que Cork a voulu me dire, c'est d'abord qu'elle est une ville révolutionnaire et que l'Indépendance a été gagnée ici de haute lutte (d'ailleurs, cela froisse les Dublinois, mais Cork serait en droit, de par ses actions héroïques en faveur de la liberté de l'Irlande, de prétendre au titre de capitale du pays) ; ensuite, c'est de me faire rentrer dans le crâne qu'elle est une ville de paradoxes, comme le sont les belles personnes : tiraillée entre l'hier et le demain, bien campée dans le temps présent, fière de ses cicatrices et avide d'avenir. Et qu'une ville, comme une personne, ça ne se juge par au premier coup d’œil. 
Merci pour la leçon, Cork. Merci pour la visite. Et pour la récompense : ce repas illustrant ces paradoxes que nous venons d'évoquer dans la très chic Spitjack Rotisserie dans laquelle des d'élégantes dames en robes de noce viennent déguster en s'en mettant plein les doigts des viandes rôties dans une ambiance distinguée et une déco bistrot zen. En tout cas, le hamburger maison est savoureux et très finement présenté ce qui, en soi, est tout un paradoxe. 










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