Timur Vermes, Il est de retour, 2014.
Voici un roman atypique : autant un travail sur le second degré qu'une réflexion autour de la formation d'une opinion de masse. Hitler, Adolf, le "vrai", se réveille en 2011 sur un terrain vague. D'abord dérouté, le dictateur se ressaisit rapidement et décide de remettre sa machine politique en marche. Les premiers chapitres exposent quelques inévitables quiproquos dus à sa découverte du monde contemporain, qui se diluent dans la suite du roman, sans que l'auteur en fasse une stratégie d'accroche. Là n'est pas le sujet, ce n'est pas un livre comique. Hitler, qui parle à la première personne, se dessine à la fois comme un revenant paumé, un fou qui réciterait à longueur de journée des théories anachroniques et depuis longtemps condamnées, et à la fois comme un esprit aiguisé et potentiellement encore dangereux. Lorsque la télé s'intéresse à lui, c'est en tant que comique dans un programme satyrique. Jusqu'à quel point le dictateur est-il conscient qu'on l'utilise ? Jusqu'à quel point lui-même utilise-t-il bon gré mal gré et à défaut de mieux ce programme télé pour réactiver la flamme chez d'éventuels suiveurs ? Qui manipule qui ? La ligne frontière entre l'incitation à la haine et le deuxième degré humoristique est infiniment ténue, raison de plus lorsque l'audimat s'emballe, que You Tube s'en mêle et que les producteurs, assoiffés de succès, ne peuvent plus faire machine arrière. Sentent-ils que leur comique va beaucoup trop loin ? Ferment-ils les yeux sur tant d'équivoque ? D'autre part, où se situe l'autre frontière, du côté des téléspectateurs et des internautes, entre ceux qui rient à gorge déployée et ceux qui voient déjà germer en eux les semences de l'extrémisme que ce vrai-faux Hitler distille dans leur émission préférée ? La fin, irracontable, laisse planer ce qu'on se refuse pourtant à considérer comme un doute. Il est de retour, un roman qui résonne amèrement dans nos consciences. Pas vraiment sûre d'avoir envie d'affronter l'adaptation cinématographique...
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