Devant me rendre en Bolivie en juillet - août, je me suis mise à la recherche d'un logement là-bas. L'hôtel ne me tentait pas des masses, étant donné le "léger" trou que cela ferait dans mon budget (imaginez-vous, un mois, c'est long, même dans le "Tiers-Monde", là où vous pensez peut-être que tout est bon marché...). Les auberges de jeunesse ? Bof, sans plus. En parcourant l'excellent blog Voyages et Vagabondages de Lucie, à la recherche d'un bon plan pas cher, je suis tombée sur son article qui parle du "couchsurfing" et dans lequel elle explique très bien le principe. Un réseau international, des profils de membres dans le monde entier et un concept simple : je suis hébergée gratuitement ; en échange, je propose (ou pas) un accueil chez moi. Tout cela m'a semblé fort intéressant et, après avoir bien étudié le site, j'ai créé mon propre profil. Parler de moi, dire où j'habite et décrire l'hébergement que je propose, énumérer mes goûts, mes lectures, mes voyages effectués ou prévus, jusque là, tout était o.k. L'idée de partager des rencontres, de passer quelques jours avec des gens "du cru" pour en voir un peu plus sur le quotidien du pays où je me rends, c'était tentant.
Entre temps, j'avais acheté un billet d'avion pour Athènes. Ne pouvant pas non plus être logée, j'ai envoyé une ou deux demandes de "canapé", chez deux jeunes femmes, pour tester. L'une d'entre elles, très gentille, m'a répondu. Evidemment, il était bien trop tôt, j'en étais consciente, mais je voulais juste savoir si la communication fonctionnait, si derrière ces profils internet il n'y avait pas que du vent. Ce que je n'avais pas prévu - j'avoue être parfois naïve malgré mon âge déjà avancé... -, c'est que mon petit texte d'introduction qui indiquait mes dates de voyage et la raison de celui-ci allait être visible par tous les utilisateurs du site. Suite à ça, j'ai commencé à recevoir deux, trois, puis quatre mails de garçons qui me proposaient leur canapé. Si je n'étais pas aussi méfiante, si j'avais l'insouciance de mes vingt ans, j'aurais trouvé ça très sympa, encourageant, accueillant. Dans l'absolu, pas de danger imminent, rien à craindre. Tout de même, mon petit doigt, qui a déjà vécu, m'a soufflé à l'oreille quelques recommandations : attention, le verre de l'amitié, la drogue du violeur ; attention, un appart près de l'aéroport, une cave ?... Et toutes sortes de psychoses qui pourront paraître sans fondement à beaucoup d'entre vous. Que voulez-vous, je suis méfiante.
Les choses se sont envenimées lorsque l'un de ces hommes, tout juste trente ans (un jeunot, évidemment bien sûr. On est encore jeune, à trente ans, n'est-ce pas ?) a récidivé. Un mail, deux, trois, quatre et hier un cinquième. Je me suis dit, cette fois, c'en est trop. J'avais pris la précaution, en voyant les messages insistants de Roméo, d'aller fureter sur la toile d'autres témoignages qui invalideraient cette vision bisounours du couchsurfing. Cela ne va pas vous étonner, j'en ai trouvé. Pas mal. Des désistements de dernière minute, des gens peu fiables. Sur le site même du réseau de surf sur canapé, apparaissent même clairement des avis sur les différents hôtes, dont certains sont peu engageants. D'autres m'ont étonnée par leur texte farci de directives du genre "on fait le déjeuner, tu prépares le dîner. Mais attention, pas de viande, on est végétariens" et comportant même, accrochez-vous bien... un prix ! 8 euros la nuit pour un réseau soit-disant collaboratif. Ou comment trouver le discrédit directement à la source. Ce qui m'a le plus frappée, indignée, ce sont les réponses aux questions suivantes : "avez-vous des enfants ?" et "pouvez-vous héberger des enfants ?". A la première interrogation, 99 % des hôtes répondent non, ce qui n'est pas aberrant étant donné qu'ils se situent surtout dans la tranche 18-30 ans. Mais, à la deuxième question, 80% des membres répondent également non. Demandons-nous donc à notre tour : pourquoi refuser d'héberger un enfant, en particulier quand l'appartement qu'on décrit sur le site comporte suffisamment d'espace et de lits pour une maman et son petit ?
C'est alors que j'ai compris. Tilt. Je suis une grande optimiste, et l'optimisme, parfois, ça rend con. J'ai créé mon profil en me réjouissant à l'avance de pouvoir héberger des gens chez moi, les rencontrer, leur faire visiter ma région, avec ou sans enfant, peu importe, mais la porte grande ouverte. Hier soir, j'ai ouvert les yeux sur ma trop grande naïveté, sur mon trop grand espoir en ce qui concerne l'être humain. Ce que cherchent la plupart de ces jeunes gens, en s'inscrivant sur le site de couchsurfing, ce n'est pas à vous prêter leur canapé, c'est à vous offrir leur lit.
J'en ai conclu que le couchsurfing est en fait un gigantesque plan drague international, une aubaine pour les amours sans lendemains, pour les aventuriers du plumard. Vu que ce qui m'intéresse, dans les voyages, ce n'est pas de petit-déjeuner au lit après une nuit de bringue, mais au contraire de boire un café à l'aube sur un marché, entre les salades et les mamies qui ont tellement d'histoires à raconter, je pense me désinscrire de ce site et orienter mes recherches d'hébergement de manière légèrement différente...
Février 2006 - Llallagua, Bolivie - Des visages, une conversation, une histoire...
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