Deuxième jour de beau temps, il faut fêter ça. Le moment de l'année coïncide avec le retour des grues, alors, nous fonçons dans la Brenne, leur halte de prédilection au cours de leur longue route. Nos pas nous mènent d'abord autour des étangs. Certains sont asséchés, c'est la loi, pour les "pêcher", sorte de grande bataille inégale avec l'appétit féroce des cormorans. Nous rendons visite à l'étang du Saut, au fond duquel se dressent les antennes de la base navale de Rosnay (oui, la Brenne est un pays de marins !). Tandis que nous nous extasions sur les premiers ajoncs en fleurs, un roucoulement caractéristique nous fait lever le nez, tel le chien qui sent quelque chose dans le vent, un instinct d'hommes et de femmes de la nature, du coin, qui ne ment jamais...
Elles sont là, tout là-haut, très haut au-dessus de nos têtes. Le premier vol est toujours une émotion indescriptible qui s'apparente à celle de l'enfant qui reçoit ses présents à Noël. "C'est cadeau", oui, la phrase est bien trouvée, maman. Pour moi, ces retrouvailles ont une saveur de caviar de la vie. Pendant des années, j'ai reçu de la Brenne, alors que j'étais engluée dans la grisaille parisienne, les récits et les images des pérégrinations de nos chers oiseaux migrateurs. Cette fois, et pour la première fois, vraiment, je suis là pour leur retour. Nous faisons la route qui nous mène jusqu'à l'étang du Blizon le nez en l'air. Pour preuve, nous verrons le soir que le soleil nous aura bien tapé sur le visage aujourd'hui... En discutant avec un voisin du Blizon (heureux soit-il de vivre si près du paradis), on apprend que les majestueuses jeunes filles ont déjà effectué des passages par milliers la veille, chose que ce monsieur n'avait "jamais vu". C'est dire si nous avons de la chance de nous trouver sous l'autoroute du soleil un jour de retour de vacances ! Car elles sont encore des centaines, des milliers, formant des nuées dans le ciel, à très haute altitude, traçant leur route invisible à grands renforts de bavardages. Une infinité de vols en forme de "V", si caractéristique. A peine le premier s'est-il éloigné qu'un autre prend la relève et c'est une déferlante d'oiseaux qui traverse les nuages et accapare notre attention. Tout notre corps est tendu vers le haut, vers ces milliers de silhouette élancées qui nous offrent un ballet de plus d'une heure.
Plus tard, nous reprenons la voiture pour aller à l'étang de la Mer Rouge, le plus grand, le plus beau, et essayer de voir les grues de plus près. Souvent, en effet, elles passent une nuit au bout de cette mer intérieure et repartent le lendemain à l'aube. Mais le silence est maintenant total, impressionnant après tout ce vacarme. Comme une musique que l'on coupe après l'avoir écoutée très fort pendant un certain temps. Plus rien ne bouge. Les mouettes et les cormorans barbotent tranquillement. Nous aurons encore la chance de voir passer quatre grues juste au-dessus de nous, entre les arbres, discrètes, à la recherche d'un endroit où se reposer. Et ce sera tout. L'a-t-on vraiment vécu ? N'était-ce pas qu'un rêve ?
Ce qui est sûr, c'est que je suis d'ici.
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