Vous me direz, ici, il n'y a pas de montagnes ! Vous insisterez, mais qu'est-ce que tu fais là ? Vous vous demanderez, quel est l'intérêt de venir s'enterrer dans un plat pays quand son chez soi, ce sont les cimes ?...
Chez moi, oui, ce sont les cimes. Mais je me les réserve comme un cadeau. Pour le moment, je me guéris, je me soigne de dix ans de ciels gris et pollués, de circulation et de voisinage serrés, de pluies acides sur la peau, d'impression d'étouffer. Je prends l'air, je respire, je regarde l'horizon, je me laisse envahir par un ciel aussi vaste que l'océan, par l'infini au-dessus de moi. Je me nourris des levers de soleil sur la plaine, des reflets changeants des nuages, des dégradés de gris et de roses orangers du soir. Je goûte les vagues de pluie tout là-haut, les rideaux d'averses et les rais de lumière que le soleil tisse sur le paysage. Je me laisse embarquer par le saut d'un chevreuil devant moi, je m'émeus de son regard brillant qui me scrute, apeuré, avant de se faire la belle, légèrement, comme dans un rêve. Et je poursuis, immobile, le vol des grands oiseaux migrateurs. De là-bas, du nord, de la grande ville, je n'en entendais que les récits, je n'en percevais que les légendes, sans vraiment me rendre compte de l'événement, du don du ciel que sont les grands "V" que déploient ces géants dans leur vol. Et puis, depuis deux jours, je comprends. Je sursaute en les entendant, leurs cris aigus et denses, prenants. Je descends les escaliers quatre à quatre et je me rue à l'extérieur, le nez en l'air, pour les apercevoir. Alors, je frissonne, je tremble, fébrilité de l'enfant qui entrevois le Père Noël sur son traîneau. Mais en plus sauvage. Mais en plus grandiose. Les grues tournoient au-dessus de ma tête et je me dévisse le cou pour les accompagner du regard. Elles cherchent leur cap, un peu comme moi, parfois. Et puis, elles le retrouvent. Le grand V se reforme et c'est reparti pour le grand périple, la traversée de l'Europe. Béni soit le pays où j'ai posé mes valises d'être sur leur route. Car elles me transportent, elles me prennent avec elles et m'offrent le paradis dans cet instant magique. La possibilité du voyage...
Images prises hier à la Mer Rouge, l'un des plus beaux étangs du parc naturel de la Brenne. Chaque année, lors de la grande transhumance aérienne, les grues s'y rassemblent le soir pour s'y reposer, avant de reprendre leur vol dès l'aube du lendemain. Vues magnifiques de ces grands moments, prises par quelqu'un qui chaque année, comme un rendez-vous, accourt pour observer les grues et, faute de pouvoir les suivre jusqu'en Afrique, les enferme virtuellement dans la petite boîte. Merci maman !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire