J'ai enfin pitié de vos estomacs qui crient famine et auxquels je ne donne ces temps-ci que des miettes. Voici donc de quoi vous remplir la panse avec le récit de cette magnifique rando tout au bord du glacier d'Argentière.
Nous débutons la journée au téléphérique de Lognan, par un temps splendide. Dans la queue, des familles qui ne savent pas trop où elles vont atterrir là-haut, des randonneurs espagnols plus équipés qu'informés, des mangeurs de glaces, crampons amarrés au sac, prêts à défier la montagne... et nous. Nous voici dans la benne, serrés comme des sardines. Terminus : Lognan, 1900 mètres et des poussière. Car, plus haut, tout en haut, c'est l'arrêt des Grands Montets, mais que faire à plus de 3000 mètres, avec l'équipement de parfait beauf de la montagne, lunettes noires, bâtons et chaussettes rouges, certes, mais avec de simples chaussures de rando, mis à part monter... et redescendre aussi sec ? Nous ne suivons donc pas ces fameux touristes espagnols tour à tour motivés puis désappointés, et préférons nous cantonner à de la moyenne montagne. De toute façon, c'est là qu'est le spectacle.
La rando est facile, courte, mais mérite bien son nom. Nous marchons sur un large sentier polyglotte et internationalement fréquenté, ponctué tous les dix mètres de cascades, véritables rivières qui nous coupent la route et coulent vers la vallée. Hop ! sautons ! Le glacier est encore invisible mais, déjà, on l'entend craquer sourdement, comme un monstre ronflant qui se réveille par moments. Enfin, on découvre un bout des glaces bleutées et là, c'est le bonheur ! On se prend en photo, on prend le vent, aussi, la casquette s'envole, le coeur aussi. Dans les deux cas, on les laisse filer, tant pis, c'est pour la bonne cause.
Demi-tour et prise d'un autre chemin, cette fois plus ardu, pierreux, puis carrément caillouteux, balaises, les rochers. Suivez les flèches jaunes. Plein soleil. Vue écrasante sur... sur quoi, d'ailleurs ? (cf photo ci-dessous, proposez vos légendes !). Et puis, tout là-haut, une espèce de gigantesque rivière figée, une banquise hérissée sur laquelle s'aventurent à pied des dizaines d'hurluberlus illuminés chaussés de crampons. L'appel du blanc. On reste là, babas, bouche bée car que dire d'autre que "oh" et "ah" encore et encore. Le vocabulaire a ses limites. Face à une telle beauté, c'est le corps qui parle. Frissons, tremblements, battements, clignements, mouvements vers l'avant. Attirance. Désir. Peur. Amour. Et tout le toutim.
Comme toujours, comment avoir envie de redescendre de là-haut ? Il faut vraiment se motiver, se pousser vers le bas pour quitter le paradis. D'ailleurs, c'est bien connu, ceux qui y sont n'en sont jamais revenus, ça se saurait. Derniers regards sur le mont Dolent, tout au fond, celui-là même qui avait scellé des adieux provisoires et improvisés, quelques années auparavant, du côté suisse. Il y a des montagnes comme ça qui sont des totems. Et, encore une fois, la main de l'enfant dans la sienne, la transmission. La beauté, ça nourrit, ça se boit comme du petit lait, ça s'imprime dans la carcasse et ça grandit avec nous. Parfois, une balade en montagne vaut bien mieux qu'un long discours. Apprends, petit, apprends et retiens.
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