mercredi 18 janvier 2017

Mille femmes blanches

Jim Fergus, Mille femmes blanches, 1997.
Je l'ai aperçu en édition de poche bien en vue dans les librairies. D'après ce qu'on m'a dit, les lecteurs, surtout les lectrices, d'ailleurs, se l'arrachent. Eh bien, celui-là aussi, je l'avais dans ma bibliothèque ! Si on en parle autant en ce moment, c'est parce que l'auteur, Jim Fergus, vient d'en publier la suite. Mais voyons plutôt ce qu'il en est.
Nous sommes aux Etats-Unis, qui sont encore un tout jeune pays, en 1874. Le grand chef Cheyenne Little Wolf débarque à Washington avec toute sa tribu afin de négocier une paix durable avec les Blancs. Et que demande-t-il au président de la jeune république ? Mille femmes blanches, rien que ça ! Son idée est claire : lorsqu'ils naissent, les enfants appartiennent à la famille de leur mère. En épousant des femmes blanches et en concevant avec elles, c'est l'assurance de mêler les sangs et de créer un état de paix entre les Cheyennes et les Américains. Le traité est scellé et la première délégations de "volontaires" est échangée contre... des chevaux, ce qui à nos yeux semble un troc d'inégale valeur, mais qui l'est en réalité si l'on considère l'importance de ces animaux chez les indigènes. Si l'on met le mot "volontaires" entre guillemets, c'est que les femmes qui s'engagent à aller vivre avec les Cheyennes sont toutes d'anciennes détenues, des orphelines, des épouses ayant perdu leur mari ou des pensionnaires d'asiles psychiatriques. La détention, l'enfermement ou les Indiens. La liberté en échange d'un "petit" service rendu à l'état Américain. 
La protagoniste, May, s'est vue retirer ses enfants et enfermer dans un asile de fous sous prétexte qu'elle a aimé, hors des liens du mariage, un homme de basse condition. A l'époque, la mixité sociale et la liberté sexuelle sont deux gros mots, deux abominations. Quant au mélange racial, il n'existe pour ainsi dire pas. Pourtant, l'expérience que vont vivre les premières femmes blanches mariées à des indigènes va dépasser le simple assemblage hors normes. Elles vont découvrir leur vie, leur quotidien, leurs croyances et leur peuple pas si barbare que ce que les Blancs laissent entendre. Elles vont au contraire s'assimiler facilement et rapidement, apprendre à comprendre leurs nouvelles familles, se familiariser avec des coutumes et un caractère pacifique et tolérant. Un instant, on se dit que ça y est, on est retombé dans le fameux piège du "bon sauvage" idéalisé et dont on tait les cruautés. Cependant, l'auteur est extrêmement bien documenté et, au fil des pages, on réalise qu'il est dans le vrai, notamment lorsqu'il évoque la création des horribles réserves indiennes dans lesquelles nous, les blancs, avons parqué un peuple libre, ainsi que les ravages de l'alcool dont nous les avons généreusement abreuvés dans le seul but de les affaiblir et de les soumettre. Comment ne pas s'indigner ? Comment ne pas s'identifier à May, à sa liberté d'action et de parole, à son engagement moral envers son nouveau peuple ? Évidemment, l'histoire finit mal. Elle a beau être fictionnelle, elle colle à la réalité historique et reflète parfaitement, comme un constat implacable, une condamnation sans appel, les horreurs qui ont été commises par des colons assoiffés d'or.

Aucun commentaire: