lundi 12 décembre 2016

Petites recettes de bonheur pour les temps difficiles

Suzanne Hayes, Loretta Nyhan, Petites recettes de bonheur pour les temps difficiles, 2015.
Le roman épistolaire a semble-t-il encore de beaux jours devant lui ! Après Le cercle littéraires des amateurs d'épluchures de patates et La bibliothèque des cœurs cabossés, nous revoici plongés dans la lecture de lettres. Comme dans le premier roman évoqué, le spectre de la deuxième guerre mondiale n'est pas loin, à la différence que nous ne nous situons pas dans l'Europe dévastée de l'après conflit, mais dans l'Amérique empêtrée dans celui-ci et qui y envoie ses hommes comme un flot discontinu. Les deux personnages vivent des situations similaires : l'une Rita, a vu partir son fils et son mari pour le combat ; l'autre Glory, s'occupe seul de ses enfants en attendant le retour de son soldat d'époux. J'ai toujours pensé que la guerre avait mois touché les Américains, qu'elle se jouait loin de chez eux. Mais, lorsque l'homme qu'on aime est engagé, porte armes et uniforme, la guerre se vit en réalité au quotidien. Ce qui est intéressant, c'est la manière dont est traitée l'absence et les déséquilibres qu'elle provoque. Le roman épistolaire permet, en s'attachant à nous faire lire les détails du quotidien, de décoder des gestes et des faits anodins, de nous faire grâce de longues descriptions dramatiques pour nous permettre d'entrer dans l'intimité des consciences, dans ces petits rien de la vie qui en disent beaucoup. La richesse de l'écriture et l'alchimie narrative ne proviennent ni d'un personnage, ni d'un autre, mais bien de ce miroir que constituent les lettres qui vont et viennent de part et d'autre de l'Amérique, des plaines immenses de l'Iowa aux côtes océanes du Massachusetts (régions hautement exotiques !). On le sait bien, écrire à quelqu'un, se confier, offre la possibilité de dire des choses que l'on n'oserait s'avouer à soi-même, de poser des réflexions sur le papier de manière à les ordonner, elles qui dans nos têtes ne sont qu'un fouillis sans issue. Ce magnifique roman démontre parfaitement la puissance de la relation à l'autre et ce que l'empathie et l'écoute engendrent : prise de distance, ouverture d'esprit, enrichissement, aide au développement personnel, partage. Dans le fond, on devrait tous avoir un(e) ami(e), une âme sœur épistolaire à qui se confier, qui nous accompagnerait sur ce chemin trop souvent chaotique (la mienne se reconnaîtra). Et ce ne sont pas les deux auteures qui me contrediront  ! Elles qui, après s'être rencontrées virtuellement, ont rédigé cette petite pépite à quatre mains, à distance, sans jamais se rencontrer, produisant ensemble un récit homogène, riche et lumineux. L'écriture a quelque chose de magique, quelque chose comme un pouvoir de guérison. Quelque chose que ne permettent pas le mail, le sms où les autres modes de communication instantanée. L'écriture, par l'effort que cela demande au poignet, par le temps qu'elle exige et qui nous pousse à réfléchir plus encore à l'opportunité et la justesse de chaque mot, est autant un remède à la solitude dans laquelle nous pousse notre société qu'à la folie du toujours plus vite qu'elle nous incite à adopter. Écrire, ouvrir la malle au trésor et ne plus jamais la refermer...

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