jeudi 29 mai 2014

Saramago et Teulé



Je ne savais pas si j'allais vraiment vous parler de ces deux livres-là. Non qu'ils m'aient véritablement déçue, mais je n'ai pas été transcendée par leur lecture. D'autres en ont dit qu'ils étaient génialissimes. Je suis assez réservée sur le superlatif. Quoi qu'il en soit, ils sont solides par leur construction, cohérents par leur ambiance. Ils me restent en mémoire, c'est pourquoi j'ai fini par vous en causer deux mots (deux, pas plus). 
José Saramago, La lucarne.
Une amie m'a récemment conseillé d'aller lire l'intégrale de Saramago. D'après elle (et c'est une spécialiste en littérature), c'est un génie. J'ai commencé par celui-là, peut-être n'aurais-je pas dû ? Peut-être dois-je retenter ma chance avec un autre roman du même auteur pour me faire une idée plus précise, plus objective ? La lucarne est apparemment une oeuvre de jeunesse que les éditeurs, à l'époque, avait refusée, et qui est ressortie de derrière les fagots après la mort de l'auteur. On dit que Saramago n'aurait sans doute pas produit une telle oeuvre si cette première création avait été éditée. On dit aussi que ce premier opus porte en lui le germe de toute l'écriture du Portugais. Je me suis retrouvée dans une atmosphère proche de certains auteurs espagnols de la première moitié du vingtième siècle : ce mélange de poésie fataliste, de peinture sociale réaliste et de drame sous-jacent.  Les personnages qui déambulent dans l'immeuble ont à la fois tout et rien à raconter. Aucune action véritable dans La lucarne, et pourtant tout y est dit de la condition humaine, de ses travers, de ses élans assouvis ou réprimés. Une fresque littéraire du genre de celles que peignait le peintre mexicain Diego Rivera en son temps. 
Jean Teulé, Le magasin des suicides.
Il s'agit là d'un tout autre ton. Nous sommes dans l'absurde le plus total : une famille aux prénoms significatifs qui, au lieu de vendre des farces et attrapes, vend des potions mortelles, des cordes pour se pendre, des pistolets à un coup et autres artifices pour en finir avec la vie. Le seul personnage qui détonne au-milieu de ces êtres tragiques, c'est le fils cadet, un sourire constamment scotché aux lèvres, et qui fait le malheur de ses parents. C'est bien trouvé, bien écrit. C'est drôle. C'est mignon. Je ne dénigre pas, l'idée est excellente et le sujet est maîtrisé. Mais on s'attendrait, étant donnée la maîtrise de la plume, à plus d'audace, vers le trash ou vers le burlesque. Malheureusement, on reste dans l'entre-deux. On attend que le coup parte, et rien ne vient. A lire dans une salle d'attente, dans le bus pour se distraire, sans rien demander de plus qu'un bon moment. Mais, au fond, n'est-ce pas ce qu'on recherche parfois avec les livres ?
Par acquis de conscience, il faudra que j'essaie de voir l'adaptation faite par Patrice Leconte :

vendredi 23 mai 2014

Les neiges du Kilimandjaro

Comment voulez-vous que je lise, que je compose, que j'écrive, si chaque soir il y a un excellent film à la télé ? Quant à travailler, n'y comptez même pas !
Hier soir, c'était "Les neiges du Kilimandjaro", de Robert Guédiguian. Rien qu'en voyant le nom du réalisateur, j'ai fait confiance les yeux fermés. Je les ai quand même ouverts à un moment pour le film, bien entendu. "Marius et Jeannette" vu il y a quelques temps (avec plusieurs années de retard, mais mieux vaut tard que jamais), m'avait laissé une sensation de bonheur presque enfantin, la trace de quelque chose de beau qu'on a eu le droit de contempler un moment et qui nous a rendus heureux. 
Alors, comment manquer un rendez-vous aussi prometteur ? L'avantage, c'est que je n'avais aucune crainte d'être déçue et que je ne l'ai évidemment pas été. Je me suis plongée dans les premières images comme on plonge dans un bain chaud, comme on offre son visage au soleil. Car du soleil, il y en a, à Marseille et dans le coeur des gens que filme Guédiguian. Ses personnages sont à la fois des gens ordinaires et des âmes touchées par la grâce, pétries de bonté comme du bon pain croustillant. On a envie de les rencontrer, pour de vrai, pour se prouver que le monde n'est pas si moche et que l'humanité n'est pas perdue. Certaines critiques ont dit du film qu'il n'était pas réaliste, pas ancré dans la réalité, un peu "gnangnan". Peu importe. Ce n'est pas une chronique sociale, c'est un conte à plusieurs niveaux de lecture. 
D'abord, le premier degré : ces quinquagénaires qui s'aiment encore malgré le poids d'un licenciement et qui se font voler les billets d'avion que leurs amis et leurs enfants leur avaient offerts. Quand ils découvrent que l'un des coupables est un jeune collègue de Michel (Darroussin) qui a lui aussi fait partie de la vague des licenciés, les choses se complexifient. Deuxième axe de lecture : le fond social, les patrons, Jaurès et la société de mondialisation qui prend l'eau. Ce n'est pas l'aspect le plus envoûtant, mais le fait que le message, engagé, soit énoncé dans la bouche de personnages aussi touchants le rend totalement poétique. Enfin, et c'est sans doute ce qui m'a le plus interpellée, c'est cette manière de sonder les réactions d'hommes et de femmes qui nous ressemblent beaucoup, face à des questions, pour le coup vraiment existentielles, comme l'omerta et la dénonciation, le pardon et la haine, la prédestination fataliste et la deuxième chance. Bien sûr, nous ne sommes pas dans la précision extrême, mais ce n'est pas l'objet. C'est une fable, un poème, un chant. 
Est-ce que, lorsqu'on regarde une peinture abstraite qui est censée représenter quelque chose de très précis, mais dont la perception nous échappe complètement, on crie au scandale parce qu'elle n'est pas réaliste ? Doit-on forcément dire les choses explicitement pour se faire comprendre ? Ne peut-on pas, parfois, plutôt suggérer que décrire, offrir une métaphore au public et le laisser voguer sur celle-ci ?

jeudi 22 mai 2014

We need to talk about Kevin

Le film s'ouvre sur une fenêtre aux rideaux flottants, la lumière blanche de la mort, l'angoisse d'un film d'épouvante, d'un thriller. Dans les images suivantes, une femme maculée de rouge est portée par la foule, en position de crucifiée, puis ensevelie sous les tomates cramoisies, comme enterrée vivante.

Plus tard, on voit sa maison bombardée de peinture rouge comme une accusation, la trace d'une culpabilité qui se veut indélébile.
Tout au long du film, cette couleur rouge sang va servir de fil conducteur. On verra à de nombreuses reprises Eva, la protagoniste, en train d'essayer en vain de nettoyer la peinture de sa façade, tandis que les images entremêlées de sa vie vont se succéder, avec comme nœud son fils Kevin. On le revoit dès sa naissance, hurlant face à une mère déboussolée, puis le regard noir, violent, buté, d'un enfant qui refuse de parler et d'être propre. Eva est impuissante face à cet être qu'elle a mis au monde mais dont elle ne parvient pas à comprendre le fonctionnement, qui la met à bout et dont l'existence lui échappe. L'amour filial laisse place à l'affrontement silencieux, à la perversion de rapports qui ne se basent plus que sur la rivalité d'une guerre froide. Kevin semble vouloir écraser sa mère, chercher à la faire tomber ; Eva s'enfonce dans une parano sans issue.  
Adolescent, son fils a commis l'irréparable, un véritable massacre au sein de son lycée. Tout le film nous entraîne dans le mental d'Eva qui se remémore les années passées, faites d'échecs, de non-dits, de paroles blessantes, d'humiliations et d'erreurs. Seize ans avec son fils Kevin. Combien de mères se sont-elles reconnues dans ce personnage, confrontées à des adolescents qui, sans pour autant commettre le pire, sont des êtres insondables et distants ? Combien se sont-elles revues au travers de ces images de femme à l'esprit altéré par un enfant manipulateur et insaisissable ? Bien sûr, tous les enfants ne finissent pas par tirer sur leurs camarades de classe. Mais la mère d'un assassin de la sorte n'est-elle pas, au départ, une femme comme les autres ? Ce film remet en question un certain nombre de clichés sur la responsabilité des parents et de l'éducation, et nous pose des questions essentielles : jusqu'à quel point est-on la cause des comportements de nos enfants ? A quel moment nos actes eux-mêmes deviennent-ils violents envers notre progéniture ? Doit-on considérer nos fils et nos filles comme des êtres à part entière, et donc nous dédouaner de ce qu'ils peuvent faire de mal ? Est-on réellement le ciment de ce qu'ils feront de bien dans leur vie ? 

Et surtout, quoi qu'elle fasse, de quelque manière qu'elle s'en sorte face aux difficultés d'élever un enfant, a-t-on le droit de juger une mère ?

mercredi 21 mai 2014

Le palais Jacques Coeur

Après avoir lu sa passionnante biographie, magistralement écrite par Jean-Christophe Rufin, se rendre dans son célèbre palais de Bourges était une évidence. Pénétrer dans ce superbe bâtiment, résidence architecturalement placée entre le Moyen Age et la Renaissance, chef-d'oeuvre monumental engoncé au centre de la ville médiévale, c'est avoir le privilège de fouler du pied une oeuvre d'art. Certains ont laissé une trace de leur passage dans l'histoire par des écrits ou par les statues qu'on leur a dressées. Jacques Coeur nous a transmis ce palais en témoignage de sa vie. L'Argentier du roi Charles VII avait vu grand, lui qui est passé du statut de gamin né dans les obscures ruelles écrasées sous le poids de la cathédrale, à celui de proche du roi de France et collectionneur de châteaux datant de l'époque révolue de la chevalerie.

Le passage de salle en salle nous permet de respirer l'air d'une époque, de tenter de percevoir, à travers les détails et les explications, ce qu'a pu être la vie de cet aventurier avant l'heure, qui pourtant n'a pas eu beaucoup le temps de profiter de sa résidence de Bourges, achevée juste avant son emprisonnement et son exil vers l'Orient. Rocambolesque, que cette existence aux frontières de deux époques, de plusieurs mondes ; romanesque, que cet homme constamment sur le fil entre le rêve et la réalité, entre la prescience d'une autre société basée sur les échanges commerciaux et la fréquentation périlleuse d'une royauté minée par des conflits d'intérêts et de pouvoir.



Le palais Jacques Coeur, par sa réalisation, par les informations qu'il nous offre sur son concepteur, ses idées visionnaires et ses fantasmes d'un monde en paix et reposant sur le commerce, est plus qu'un monument : c'est un témoignage historique légué à la postérité sous la forme d'un sublime bâtiment.

lundi 19 mai 2014

Egine

Dernière carte postale de la Grèce... Une heure de traversée avec les mouettes comme compagnes...
La ville d'Egine est charmante comme une carte postale : les ruelles blanches, les maisons ocre desquelles pendent de lourdes bougainvillées. Je m'éloigne des rues touristiques. Les boutiques de souvenirs sont sans intérêt. A noter tout de même : quelques échoppes de créateurs de bijoux et de vêtements originaux à explorer.


Le monastère d'Aghios Nektarios est bien trop loin pour y grimper à pied : deux heures de montée, selon une charmante grand-mère qui m'offre un grand sourire et des yeux mi-effrayés, mi-moqueurs quand je lui demande si je peux m'y rendre en marchant. "Va louer une moto au port !", me mime-t-elle. Je préfère continuer à me perdre dans les ruelles...
Les figuiers de barbarie lancent leurs oreilles vers le ciel et leurs racines débordent de chaque côté des murs. Les cactus, les oliviers et autres lauriers s'épanouissent. C'est le printemps et le soleil est déjà cruel pour les peaux non averties. Mais, de l'extérieur de la ville, la vue sur la mer est merveilleuse. On s'imaginerait bien y acheter une maisonnette aux volets bleus. Quant à la toile de fond, les montagnes sont si tentantes (le point culminant de la petite île s'élève à quelques 500 mètres, ce qui est déjà considérable pour un si mince bout de terre) qu'une semaine serait tout juste suffisante pour aller les explorer. Je pensais Egine riquiqui, elle est immense.
De retour vers le port, l'église m'ouvre ses portes. Les églises orthodoxes sont tout l'opposé de nos austères temples romans. Ici, la religiosité devient ferveur, fièvre (telle cette jeune femme dans le train à Athènes, les écouteurs dans les oreilles, l'i-phone entre ses mains manucurées, qui se signe consciencieusement, dans un murmure, en passant devant l'église San Felipe). Le culte se noie dans les vapeurs d'encens. Les icônes et les lustres sont autant de critères indispensables à la liturgie. Si l'on recherche le dépouillement, le recueillement dans le dénuement, mieux vaut se tourner vers d'autres lieux. Ici, même dans le silence, les murs sont si bavards, si tapageurs, qu'il est difficile de faire le vide dans sa tête...
L'orage menace maintenant. Il pleut, les vagues commencent à claquer sur la jetée et on se demande si l'on va pouvoir reprendre la mer et rentrer au port. Le déjeuner sur la plage se transforme en retranchement dans la petite salle d'un restaurant de poisson. On se dit que les îles grecques semblent idylliques, mais que l'hiver doit y être rude, froid. Une saison durant laquelle les petits paradis de carte postale doivent se transformer en terres inhospitalières. Sans doute la meilleure période pour les rencontrer vraiment. Au-milieu des tempêtes. En tête à tête avec la mer. 

Je termine la journée par une balade sur le port. Je jouis de n'avoir rien d'autre à faire que de lire le nom de tous les bateaux, un par un. L'éternité, le goût persistant du tzatziki et de la liberté dans la bouche. Le bonheur, tout simplement. Je plonge mes sens dans la mer Egée. Il ferait bon rester ici. Il ferait bon écrire ici. Egine est une perle. Que doit alors être Santorin ?... 

dimanche 18 mai 2014

Le grand Coeur

Jean Christophe Rufin, Le grand Coeur, 2012.
La dame de la billetterie, d'un air dédaigneux :
"Oui... c'est un bon roman... Rufin écrit bien..."
Me serais-je trop emballée ? Et puis non ! A bien y réfléchir, ce n'est pas du superflu ! Le grand Coeur n'est pas "un bon roman". C'est une biographie ultra documentée ; romancée, certes, mais historiquement assez pointilleuse. D'ailleurs, après vérification sur le site des Amis de Jacques Coeur, Rufin n'a pris des libertés qu'à l'intérieur des zones d'ombres de la vie du célèbre argentier de Charles VII, en particulier les derniers jours de son existence, juste avant sa mort sur l'île grecque de Chio, ainsi qu'en ce qui concerne la véritable teneur de sa relation avec Agnès Sorel, la favorite du roi. Pour ce qui ne relève pas du mystère mais de l'Histoire, Rufin a tracé un portrait tout à fait réaliste. Quant à l'écriture... "Bien écrit" est un terme bien méprisant pour qualifier un livre de cette qualité, un ouvrage dans lequel l'auteur met énormément de lui-même. Il n'y a qu'à relire les passages où Rufin décrit la ville de Bourges, de laquelle il est originaire, pour comprendre que quelque chose se joue au-delà des mots, de l'ordre de l'affectif, de l'histoire personnelle. Il le confie, il est probable que dans son caractère, sa manière d'affronter l'adversité et les réussites, son personnage ait autant de Jacques Coeur que de son biographe. Faute avouée complètement pardonnée, parce que Rufin nous amène par là à saisir toute l'admiration qu'il voue à ce grand homme, ce commerçant, cet entrepreneur avant l'heure, qui a doté Bourges d'un palais si majestueux. Nous sommes plongés dans une époque lointaine : la fin de la Guerre de Cent Ans, les années charnières qui séparent le Moyen Age de la Renaissance. Mais le pari de redonner vie à Jacques Coeur, de lui conférer une personnalité, de lui faire battre le pouls au rythme de ses voyages vers l'Orient, de ses rencontres avec Charles VII, des affres de son emprisonnement, ce pari est réussi. Haut la main. Si bien que sitôt la dernière page tournée, on n'a qu'une envie : revenir au début et recommencer, se replonger dans cette vitalité qui nous est offerte tout au long du livre, repartir cheminer aux côtés de Jacques Coeur, à Florence, à Rome, à Marseille, à Damas, remettre nos pas dans les siens et revisiter Bourges avec ses yeux. 

samedi 17 mai 2014

J'aime pas les blogs de voyageurs

Je n'allume pas l'ordi aujourd'hui pour vous parler de ma dernière lecture... un peu de patience, que diable... mais pour lancer un coup de gueule : j'aime pas les blogs de voyageurs.
Vous savez, ces baroudeurs barbus et baroudeuses pas épilées qui puent la transpiration parce qu'ils ne se lavent que dans les flaques d'eau du Tiers Monde et qui se prennent pour Christophe Colomb à la découverte de terres oubliées ? Vous situez ? Le type qui vous faire croire qu'il voyage léger, sans un kopeck en poche, qui vous prouve par A plus B que barouder, c'est cool, pendant que votre évasion à vous, c'est de vous prendre la tête pendant des heures à additionner des prévisions d'échéancier EDF en regardant les documentaires d'Arte sur les îles Maldives et en bavant comme un obèse au régime devant un Saint Honoré ? Vous voyez de qui je veux parler ? Mais si, la nana qui vous fait la leçon parce que vous êtes trop conformiste, trop prisonnier de la société de consommation et dépendant de vos biens matériels et que ça vous empêche de vous lâcher, et qui vous assure que faire le globe trotter, c'est la vraie vie ? 
Mon idéal est loin de la belle maison, du gros chien et des vacances aux sports d'hiver à Méribel. Mais oui, je vais bosser pour payer mes factures et mon loyer, et oui, il m'arrive de faire la queue au supermarché pour acheter des steaks hachés. C'est peut-être con, je sais, c'est peut-être un plan de vie tout pourri, mais de toute façon, baroudeur, baroudeuse, le système finira bien un jour par te rattraper, t'inquiète pas. 
D'ailleurs, ce qui m'agace, c'est que les blogueurs voyageurs ne vous font pas découvrir un pays, une terre, une ville. Non. C'est toujours d'eux qu'ils parlent en premier. Moi, Mon voyage, Mes rencontres, Mon sac à dos et Mes ampoules aux pieds. Au fond, ils pourraient raconter la même chose sur un périple entre Cahors et Brive que ça ne changerait pas grand chose au contenu. Ah, évidemment, ce serait moins vendeur. Parce que je soupçonne le blogueur voyageur, sous le prétexte fallacieux de nous faire partager ses visions exotiques, de faire dans le sensationnel pour augmenter la part de ses lecteurs. Il faut dire qu'on l'y pousse. En témoignent les différents sites qui parlent de voyages et qui ne mettent à la une que des destinations farfelues, au mépris de la France, qui, sans être chauvin, est quand même l'un des pays les plus beaux et les plus diversifiés du monde. Mais non, la France, c'est ringard. Il faut parler de la Patagonie, de l'Alaska, des safaris en Afrique et des lamas du Pérou. C'est dix fois plus classe. 
Autre point du coup de gueule et qui découle du précédent : les titres de plus en plus racoleurs et uniformisés des articles, qui vous draguent avec des appâts d'ordinaire utilisés par les magazines féminins du genre "10 aliments qui font maigrir". Sur les blogs de voyage, on attire le chaland avec ce qui ressemble plus à des slogans publicitaires qu'à une invitation au long cours : "10 choses à ne pas rater à Bangkok", "5 endroits où manger des sauterelles grillées", des insolites en veux tu en voilà, des "top 10", classements en tous genres et autres sondages, devinettes et "ça vous dit ?". Je suis désolée, ce ton d'agence de voyages low cost ou de publicité pour le shampoing, ça m'insupporte ! Et, sinon, quand est-ce qu'on parle voyage, dans tout ça ?
Oui, bien sûr, ça va de soi : quand on aura appris l'orthographe ! Quand on n'écrira plus qu'on "a été nagé dans les eaux turquoise de l'océan Pasifique", qu'on a "cerré notre ami hondurassien dans nos bras avant de nous envolé pour la Thaïlande" et qu'on "a vue des singe". Juste une chose, les baroudeurs : ce n'est pas parce que vous écrivez vos articles au bord du lac Titicaca (trop classe quoi !) que l'orthographe est en option... 
Voilà, c'est tout ce que j'avais à dire pour aujourd'hui. J'ai craché mon venin et me suis encore transformée en abominable donneuse de leçon. Je vais donc poursuivre mon blog, continuer à y poster des articles pas fun du tout, des comptes-rendus de visite dans des endroits paumés de France en les écrivant comme des reportages pour Notre Temps. 
Une porte

vendredi 16 mai 2014

Le gardien du rideau de fer

Je viens de terminer un excellent livre, mais les images du film vu hier me hantent et je ne peux faire autrement que de vous en parler. 
Je suis tombée dessus par hasard, hier après-midi, en zappant sur Arte (s'il ne devait rester qu'une chaîne, ce serait celle-là). Le rythme de départ de ce téléfilm allemand semblait assez lent, mais la manière crue de filmer les personnages (crue, dans le sens sans artifice, sans autre intention que de les montrer tels qu'ils sont) m'a interpellée. J'ai vu ce médecin tourmenté par son passé, et ce jeune homme atteint d'un cancer en phase terminale qui le questionnait. J'ai totalement accroché quand j'ai su que Stefan, le médecin, partait pour une île de la Baltique afin d'exorciser le lourd secret qu'il porte en lui : vingt ans auparavant, en 1988, il a fait partie des hommes armés qui surveillaient le rideau de fer, avec l'ordre de tirer sur quiconque tenterait de le passer clandestinement. Stefan a dû tirer, et il a l'intention de retrouver Silke, l'une des deux fugitives, et de lui révéler que c'est lui qui a tué son mari, avec qui elle tentait de s'échapper vers l'ouest. Paul l'accompagne. Il n'a plus rien à perdre : orphelin, condamné par sa tumeur au cerveau, il n'a d'autre ambition que de fuir vers l'avant et de finir sa vie comme il l'entend. Seulement, une fois au bord de la Baltique, les choses ne se passent pas comme prévu. Ce qui devait ne durer que quelques heures, le temps d'une brève conversation, d'un coup d'éclat, se transforme en séjour prolongé sur l'île. Stefan ne parvient pas à parler à Silke. Paul s'amourache de la fille de celle-ci. Des liens ambigus et faussés par le mensonge se tissent. 
Ce n'est pas un mélo. Ce n'est pas larmoyant, pas pathétique, pas tiré par les cheveux. C'est authentique, ça nous interpelle. C'est un nouveau regard sur l'histoire, une vue de l'intérieure, complètement étrangère au manichéisme ambiant, d'un côté les bons, de l'autre les méchants. C'est un miroir que l'on nous tend et dans lequel nous répugnons souvent à nous regarder en face. Avec ce téléfilm, c'est notre condition d'hommes et de femmes tourmentés par des décisions à prendre, des responsabilités à assumer et d'angoissants repentirs qui est observée à la loupe. Et, de nouveau, se poser la question, toujours : et nous, qu'aurions-nous fait ?
Le gardien du rideau de fer repasse ce soir sur Arte. Ne le manquez sous aucun prétexte. Vous en ressortirez différents. 

jeudi 15 mai 2014

Athènes dans la rue

Les murs d'une ville en disent parfois plus long que ses monuments. Ou plutôt, c'est de la confrontation entre les deux, entre le passé et l'actualité qui se télescopent, que surgit la vérité d'une cité. Les murs n'ont pas que des oreilles, ils ont aussi des bouches. Ils parlent, crient, revendiquent. Ils racontent en images le ressenti de la population. Au même titre que les sculptures et les peintures constituaient la bande dessinée religieuse des églises baroques, les murs athéniens permettent de suivre graphiquement les soubresauts des derniers mouvements sociaux. On a tort de dénigrer l'art de rue. Les graffiti ne sont pas que des dégradations. C'est aussi une alternative à la presse, souvent manipulée, contrôlée ou orientée, un mode d'expression parallèle et donc plus libre. Voir à ce sujet la page sur l'excellentissime reportage d'Arte : la révolution égyptienne vue à travers l'art de la rue :
http://www.arte.tv/guide/fr/047541-000/art-war

Athènes ne déroge pas à la règle, en cette période de tension sociale et économique extrême. Quelques jours avant mon départ, une voiture piégée explosait devant la Banque. Je ne m'attendais pas à autre chose qu'à trouver une ville à cran. Impossible pour moi de me borner à des visites touristiques "classiques", certes passionnantes, mais tournées vers le passé. Il fallait bien que j'aille un peu humer l'air vicié que les Grecs respirent au quotidien, privés d'oxygène qu'ils sont par un état qui sacrifie leurs salaires et leurs emplois au remboursement de la dette. 
Les tags que l'on découvre au fil des rues, loin de Plaka et des appareils photos japonais, portent des messages exaspérés, virant au révolutionnaire, agressifs, voire carrément extrémistes. Ce n'est pas anodin que le ras le bol d'une population aux abois finisse par engendrer des croix gammées. Les jeunes notamment, entraînés vers des mouvements ultra violents et racistes, se tournent dangereusement vers les extrêmes. Il n'est pas besoin de s'éloigner beaucoup des sentiers balisés pour sentir que la tension est palpable. La police devient elle aussi de plus en plus nerveuse envers les immigrés et des mouvements étudiants protestent contre des arrestations arbitraires et des violences gratuites de la part des forces de l'ordre. 



Les Grecs ne sont évidemment pas tous pris dans cette spirale idéologique infernale. Mais la plupart sont loin d'être résignés. La rage bout en eux. Et pour cause : un nombre incalculable de chômeurs, des fonctionnaires licenciés en masse, des salaires divisés par deux, lorsqu'ils sont versés. Pour ne prendre que l'exemple des profs, ceux qui avaient un emploi dans l'Education Nationale il y a encore 3 ans gagnaient environ 1200 euros. Aujourd'hui, en 2014, un prof à temps complet ne gagne plus que 700 euros. Quant à ceux qui sont employés pour quelques semaines ou quelques heures de travail dans l'année, il ne sont payés que bien des mois après avoir effectué leur vacation. C'est pourquoi la plupart des Grecs qui ont la chance de travailler cumulent  la plupart du temps deux jobs pour s'en sortir financièrement. Pas question de penser au vacances. C'est de l'ordre de la science fiction. 
Le hic, c'est que le coût de la vie, lui, ne baisse pas. Il aurait même plutôt tendance à augmenter. Les loyers à Athènes, même s'ils ne sont pas aussi chers qu'à Paris, culminent à des prix qu'un salarié ne peut plus se permettre de donner à l'heure actuelle. La facture s'alourdit considérablement si l'on considère les tarifs exagérés de l'électricité. Les prix dans les supermarchés sont plus élevés qu'en France. Sans parler du carburant, qui devient un véritable produit de luxe. Les jeunes diplômés terminent leurs études avec la peur au ventre, quasi condamnés à passer directement du statut d'étudiant à celui de demandeur d'emploi. Impossible de se délocaliser vers la province : le peu d'emplois qui demeurent se trouvent dans la capitale, les autres villes, comme par exemple Thessalonique, souffrant d'un taux de chômage encore plus hallucinant. Marché de l'emploi anémié, prix qui flambent, surenchère immobilière, les jeunes Grecs n'ont pas d'autre solution que de rester vivre chez leurs parents, de manière à cumuler plusieurs revenus. 
Pourtant, au milieu de ce marasme économique, les banques, dont les bâtiments ressemblent souvent à des palais mégalos de dictateurs tropicaux, sont toujours debout. Les temples déchus de la finance semblent avoir encore de la réserve. A moins que le peuple ne finisse par toutes les dynamiter.  

mardi 13 mai 2014

Le Pirée

Combien de marins en sont partis ! Combien de navires y ont jeté l'ancre depuis des millénaires ! Un port est toujours fascinant, avec ces bateaux dont on tente de deviner la destination. Vont-ils dans les îles ? Plus loin, en Crète ? En Egypte ? Le Pirée transpire par tous ces pores l'Antiquité et ses légendes, les combats mythiques, les richesses transportées dans les cales, et hisser les voiles, prendre un nouveau cap, voguer vers les tempêtes et revenir, peut-être, auréolés de mystères. Humer le vent sur le pont d'un ferry, c'est fermer les yeux et aller vers la promesse de l'ailleurs, n'être éloigné que de quelques centaines de mètres de la côte et déjà rêver de Santorin, se répéter en boucle le mot "mer Égée" comme un mantra. Le Pirée est moderne, rythmé par le va et vient de porte-containers, mastodontes des océans, mais nous transporte dans le passé, nous invite à une odyssée sur une galère phénicienne. Les mouettes qui accompagnent les traversées sont-elles les descendantes de celles qui virevoltaient aux temps des héros de la Grèce antique ?
Un jour, j'irai plus loin, je me laisserai attirer par les sirènes des Cyclades et qui sait, peut-être que jamais plus je ne reverrai le Pirée...





lundi 12 mai 2014

Menus de la semaine

Depuis longtemps déjà, je ne vous parle plus de cuisine... Je me disais que c'était un peu comme parler chiffons, un peu trivial. Ce qui ne m'empêche pas de me nourrir correctement ! Voici des images de ce que j'ai mis dans mon estomac, récemment (au diable ce fameux régime selon lequel je ne suis censée manger ni fruits, ni légumes, ni huile, ni épices !)

Poulet au citron, romarin et olives
pommes de terres sautées à l'huile de noisette,
tomates provençales.

Fraises et leur feuille de basilic,
oreillettes provençales,
salade de mandarines à la fleur d'oranger et à la cannelle.

Madeleines au café et aux pépites de chocolat.

Empanadas à l'italienne (viande hâchée, tomates, olives, basilic, oignon, ail... et les épices du chef),
salade de tomates et maïs tostado.

dimanche 11 mai 2014

Un jardin dans les Appalaches

Barbara Kingsolver, Un jardin dans les Appalaches, 2007.
Après vous avoir parlé de la nourriture athénienne, je fais une pause dans le récit de mes aventures grecques pour une parenthèse lecture, qui a de toute manière quelque chose à voir avec le mode de vie et l'alimentation. Il s'agit du livre que Barbara Kingsolver a co-écrit avec son mari et sa fille aînée, et dans lequel ils nous racontent leur aventure humaine et agricole. Leur but : se nourrir durant 1 an de leur propre production d'animaux, de fruits et de légumes. Cette tentative d'auto-suffisance alimentaire n'obéit pas à un élan de sectarisme. Simplement conscients de la mauvaise marche du monde, des horreurs que nous ingurgitons au quotidien (qui plus est aux Etats-Unis) et des conséquences dramatiques que la nourriture industrielle produit sur l'environnement et sur nos organismes, ils forme le vœu de changer leur mode de vie du tout au tout et de contrôler de A à Z ce qui arrive dans leurs assiettes. Plus qu'une promotion du Bio, il s'agit d'une mise en valeur des produits locaux, d'une remise à l'honneur de variétés anciennes oubliées. Plus de bananes, mais des tomates et des courges du jardin, une vie au rythme de ce que les saisons offrent. Loin de finir overdosés de patates, Kingslover et sa famille découvrent au contraire une variété infinie de possibilités, ce qui fait un joli bras d'honneur à la malbouffe industrielle qui uniformise les goûts et les cultures, transformant le monde en champs de soja géants.
Le livre fourmille d'informations, d'études, d'analyses sur ce que nous mangeons, comment nous mangeons et sur l'impact que cela a sur notre planète, ainsi que des liens vers des sites d'information, parce qu'il faut bien commencer par quelque chose.
L'auteur n'est pourtant pas du type vieux pantalon troué et dreadlocks sales improvisant à tire-larigot des conférences sur l'altermondialisme. Réaliste, elle lance même des banderilles contre le végétarisme et le végétalisme.
"Les pamphlets végétaliens qui montrent des poulets entassés et des vaches malades avancent comme premier principe que toute viande est issue d'un élevage industriel. Non seulement c'est faux mais cela représente un affront pour les gens qui se donnent du mal pour élever des animaux dignement ou pour ceux qui supportent de telles pratiques grâce à leur pouvoir d'achat". 
On apprend d'ailleurs que les végétariens et dans une plus grande mesure les végétaliens souffrent de carences importantes, et que leur alimentation, qui veut compenser ces manques en mangeant du tofu et autres produits exotiques venus par avion, a une énorme empreinte écologique sur la planète. 
Au-delà du travail énorme que cela a engendré et le bonheur du retour à la terre et aux produits locaux, c'est tout le mode de vie de l'auteur de et de son entourage qui a été impacté par cette année "pilote". De ce changement profond découle une prise de conscience de l'importance du lien familial qui se crée dans la cuisine, en cuisinant ensemble, en partageant des repas de fête. 
"En réalité, la surcharge pondérale américaine ne trouve pas sa source dans les repas de fête. Il est vrai qu'à partir d'un certain âge, il n'est plus question de manger des tartes tous les jours, mais le dogme qui impose de la refuser même le jour de Thanksgiving est absolument dévastateur. Les bonnes gens mangent. Les mauvaises gens aussi, les maigres, les gras, les grands et les petits. Il est certain que nous n'allons jamais survivre grâce à la photosynthèse. Planifier de beaux repas sophistiqués, y mettre tout son coeur et donner de son temps pour les préparer est vraiment l'opposé de l'autosatisfaction égoïste. Les réunions de famille centrées sur la cuisine sont la quintessence d'une collaboration qui vise idéalement à régaler l'âme et le corps. On en dépense des calories avant de s'asseoir pour déguster le repas ! Mais avant tout, on parle beaucoup, on échange des nouvelles, on révèle des secrets transmis d'une génération à l'autre, l'air de rien, on donne des conseils. C'est les deux mains engoncées dans des maniques que j'ai reçu et donné les accolades les plus significatives de ma vie."
Et, pour conclure, cet extrait qui m'a beaucoup parlé, parce que Barbara Kingsolver y raconte sa redécouverte du lien familial à travers la fête des morts mexicaine, au cours de laquelle les vivants viennent partager leur repas avec les morts. 
" Lorsque je cuisine, je me trouve entourée du cocon émotionnel associé à la personne qui m'a appris à préparer un repas particulier ou avec laquelle j'avais l'habitude de le préparer. Rejeter ces fêtes riches en calories, déclarer la guerre à ces aliments, signifie aussi fermer la porte à tous ces grands-parents et grandes-tantes, les laisser seuls, abandonnés. Je me suis sentie vraiment soulagée de les accueillir à nouveau : ma fragile grande-tante Léna qui avait l'habitude de nous servir des festins très élaborés mais qui refusait de s'asseoir à table avec nous, insistant qu'elle préférait manger seule dans la cuisine ; ma grand-mère Kingsolver, dont chaque menu commençait par le dessert ; mon autre grand-mère, célèbre pour ses délicieux petits pains et sa sauce de viande ; mon grand-père Henry qui se servait d'un grenier frais pour affiner ses jambons et ses saucisses aromatiques qu'il faisait lui-même ; mon père qui m'amena d'abord cueillir des champignons puis me donna le goût des asperges sauvages ; ma mère dont la technique particulière pour battre les oeufs les fait décrire une ellipse dans le saladier.
Me voici donc là, avec le souvenir de leur bienveillance et de tout ce qu'ils m'ont cuisiné, chose sacrée par-dessus tout. Ici, à faire des conserves de tomates avec Camille, du pain aux oeufs avec Lily. Je me surprends à supplier chaque souvenir de revenir. Revenez, que je vous enlace avec mes maniques".
Preuve irréfutable que cultiver la terre et faire la cuisine ne sont pas des activités arriérées, mais bien au contraire des paris de partage et de renouveau sociétal, des grains de sable qui, tous assemblés, pourraient nous permettre, un jour, qui sait, de changer.
Voici le site internet qui correspond au livre :
www.animalvegetablemiracle.com

samedi 10 mai 2014

La place Syntagma et le Jardin National

La place Syntagma, c'est le fameux endroit où voir les evzones qui effectuent la relève de la garde, de leur célèbre pas lent et avec ce célèbre costume qui rappelle celui des Dupont et Dupond dans "Objectif lune". Je n'étais pas vraiment décidée à poireauter pendant une heure en attendant que les gardes changent de côté. De l'autre côté de l'avenue, un car entier de Japonais s'excitaient déjà sur leur Nikon, comme des poules nippones devant une contrefaçon de couteau suisse. J'ai traversé et me suis trouvée par hasard au moment T. Rien de transcendant là-dedans. Pathétique, même, de voir ces pauvres evzones subir les assauts des flashs, les rires idiots et les gesticulations des touristes...

Je passe mon chemin.
Le jardin national jouxte la place Syntagma et n'a rien à envier au jardin botanique de Cochabamba ou au jardin Maria Luisa de Séville, avec ses essences tropicales et ses arbres gigantesques. Il est tout aussi rutilant de parfums et d'oiseaux. Luxuriant, reposant. Encore une fois, Athènes surprend par sa capacité à circonscrire le bruit, à l'exclure complètement d'une zone donnée pour donner à la ville une autre mesure. Comme un enfant turbulent qu'on fait soudain taire ; comme on impose le silence à un mental tourmenté de pensées en lui disant "chut", maintenant, basta cosi, ça suffit. Alors, le calme se révèle dans toute son immensité et on peut goûter à un moment d'éternité.