jeudi 1 mai 2014

Athènes et les Grecs

Une amie me demande si mon retour en France n'a pas été trop dur. Les retours de voyage sont toujours une déchirure. Surtout quand on quitte des amis, des rires, des moments de bonheur profond et d'éternité. On y laisse forcément un peu de soi. J'ai tendance à en laisser beaucoup. 
Le quartier où je suis logée est envahi de prostituées de la terre entière. L'hôtel ressemble à un hôtel de base sud-américain, les bâtiments autour ont un air de Beyrouth : immeubles en ruines, terrasses défraîchies et tags sur tous les murs. Mais la vue est incroyable sur le Parthénon, si près et encore si loin, irréel dans la lumière du matin. 
Je garde d'Athènes un étrange souvenir de non-dépaysement. 
C'est un mélange de centre-ville de Cochabamba (mêmes trottoirs, mêmes immeubles, mêmes galeries commerciales), de ruines archéologiques et de Sarajevo entre deux bombardements. Au milieu de tout ça, un flot de bonne humeur se déverse comme un raz de marée dans les rues. La capitale grecque est un paradoxe à part entière : le traffic est fou, mais on y ressent une certaine lenteur de vivre toute tropicale ; la crise a provoqué une pauvreté palpable et visible, mais la joie de vivre y est intense. Athènes croule sous le chômage et la dette, voit des hordes de mendiants (Roms, Africains) et d'immigrés (Indiens, Pakistanais, Européens de l'est) se multiplier et croître sans fin, Athènes souffre, rame, galère, mais elle vit à 100%. En souriant.
Les Grecs profitent de la vie, chantent, se chamaillent, draguent, parlent fort. En témoigne la musique rock diffusée à fond les ballons sur le site même de l'Acropole, là même où en France on aurait instauré un calme de recueillement qui aurait fait un peu deuil. On dirait qu'ils cherchent à tout prix à meubler chaque millimètre de silence, à ne pas perdre une minute d'activité. La vie et la ville se logent partout. Illustration : la station de métro de Monastiraki qui transperce littéralement l'ancienne Agora, sans scrupules, sans hésitation, tout naturellement. La métropole tentaculaire a colonisé la cité millénaire. Sans la nier pour autant, mais on est bien loin d'une ville figée. Athènes n'a pas relégué son passé au rang de momie pourrissante. Elle a continué son bout de chemin, sans rupture, le pouls toujours à un rythme constant. La vie, intensément. 
De retour en France, tout me paraît bien pâle, bien triste, bien emprunté. Les Espagnols sont froids et rudes ; les Français complexés et moroses ; les Grecs sont vivants. Il y a de quoi en être fier. Si je devais prendre une autre nationalité, ce serait celle-là. 


Très vite, des visites touristiques, des impressions de voyage et autres visions d'Athènes.

2 commentaires:

Julian Sloane a dit…

Article très intéressant et bien écrit. Athènes dans ton discours échappe au concept de ville musée pour être une ville vivante mais pas forcément moderne où tout semble pourri (avant de mieux renaître?). Les photos comme tu l'as dit lorgnent vers l'Amérique du Sud et pourtant nous nous trouvons dans le berceau de la civilisation européenne. Cette ville doit être intéressante, brouillonne, pauvre, bruyante et peut-être parce que c'est loin de notre mode de vie sans trop nous en éloigner qu'elle nous attire encore. Par contre, je ne trouve pas les Espagnols froids, bien au contraire.

Emi a dit…

Merci pour ton commentaire ! A bientôt j'espère :)