dimanche 27 octobre 2013

Bujaleuf et Saint Léonard de Noblat

Ce ne sont ni les rafales de vent, ni les nuages menaçants qui ne nous feraient manquer un rendez-vous dans le Limousin. Surtout quand il s'agit, à l'automne, d'aller goûter à la fumée et aux accordéons d'une fête de la châtaigne ! Le décor est planté à Bujaleuf, à l'est de Limoges, en Haute Vienne : dans le parc du château, de nombreux exposants sont venus proposer qui leurs châtaignes, qui leurs pommes et le délicieux jus tout juste pressé, qui le miel d'acacia, de ronce ou de fleurs, nectar doré qui met un peu de soleil dans cette ambiance quand même un peu grise. Mais une telle fête ne serait rien sans la musique et les groupes folkloriques, qui se succèdent cet après-midi sur le podium venté, au son des accordéons, de la cabrette et des vielles. Les sabots cognent sur le parquet, les biaudes et les jupons blancs tournoient, les mains se croisent et se décroisent, les pas s'enchaînent et les danses se succèdent. Joli programme, tout en sourire et en nostalgie, bien qu'il faille le noter, cette culture n'est pas en voie d'extinction mais bel et bien vivante, qu'on se le dise !


Au retour, nous faisons un petit arrêt dans la belle ville de Saint Léonard de Noblat, toujours à l'est de Limoges. Les paysages qui entourent la cité sont magnifiques, vertes collines qui se dessinent avec douceur dans le ciel bleu dur de cette fin d'après midi d'automne. Partout, les troupeaux paissent, les rivières serpentent autour des fermes, grosses bâtisses de pierre et de bois. Saint Léonard de Noblat semble arrêtée dans le temps au centre de ce panorama bucolique et attachant. Les vieilles maisons à colombages, anciennes demeures bourgeoises, sont alignées le long de ruelles étroites et se dressent fièrement, silhouettes endormies de leur grandeur passée. Les anciennes boutiques, sur les places qui entourent la collégiale, sont fermées en ce dimanche et, dans la ville presque déserte, nous avons l'impression de nous balader dans une carte postale...



samedi 26 octobre 2013

Une si belle école

Christian Signol, Une si belle école, 2010.
J'avais classé Christian Signol dans la catégorie "roman du terroir", donc "ennuyeux", et je pèse mes mots... et je l'avais sagement évité. Et puis, l'âge aidant (merci, cher lecteur, je sais je sais, je ne les fais pas), on revoit ses certitudes, on abandonne ses idées préconçues et on peut alors voir s'ouvrir d'autres horizons, essayer des choses (d'autres lectures, j'entends, ne t'emballe pas non plus, ami lecteur). Besoin d'autre chose, de légèreté, trop de Yasmina Khadra sans doute (un auteur que par ailleurs je vénère). On m'a proposé Signol, j'ai dit oui. Etonnamment, on m'a proposé un Signol sur l'école, j'ai quand même dit oui. L'histoire d'une institutrice rurale du Lot, depuis ses débuts dans les années 50 jusqu'à sa retraite dans les années 90. Pour qu'un tel roman ne soit ni ennuyeux, ni dégoulinant de bons sentiments, ni fleur bleue, il faut que ce soit bien écrit. Et c'est mission accomplie. Le début ne m'a pas emballée, un peu convenu, pas vraiment renversant, mais je me suis finalement laissée entraîner et je ne l'ai pas regretté. Malgré moi, je me suis identifiée à cette jeune femme qui reçoit son premier poste d'institutrice. Je l'ai suivie avec plaisir dans son évolution et dans les différents combats qu'il lui semblaient dans son devoir de mener, pour sauver un enfant battu, pour aider des petits élèves en difficulté. Et j'ai tremblé comme elle en voyant avec angoisse les évolutions qui se profilaient à l'horizon, les différentes réformes qui chamboulaient sa manière de faire, la diminution du nombre d'élèves dans les écoles et la fermeture de plus en plus courante de petites écoles. Et puis il est vrai que les paysages décrits, ceux du Lot, ne sont pas étrangers à l'intérêt que j'ai eu pour cette histoire. Pari gagné donc pour Signol dans ma bibliothèque. On dit souvent que les romans du terroir, quand on lit un, on les a tous lus. Je vais donc en feuilleter un petit deuxième pour confirmer ou infirmer le dicton !

jeudi 17 octobre 2013

L'homme aux serpents

En ce moment dans le Berry a lieu un bien beau festival du film colombien. Mes élèves n'ayant pas tous les jours l'occasion d'aller au cinéma et, qui plus est, d'être en contact avec la culture sud-américaine, nous voilà donc partis pour le Muséum de Bourges, puis la salle de la Cité de l'Or à St Amand Montrond, pour nous frotter à une incroyable expérience.
Je reviens donc d'un fabuleux voyage en Colombie...
Tout commence par des images montrant un homme, sur un plateau de télévision, un énorme serpent entre les mains. Impressionnant. Nous comprenons de suite : entre Franz et les serpents, c'est plus qu'une histoire d'amour, comme on dit. C'est l'histoire d'un veilleur, d'un protecteur, d'un engagé, d'un être humain qui aurait fait plus que comprendre certaines choses de ce monde et qui les aurait intégrées. Intégrée, la conception de l'univers qu'ont les indigènes d'Amérique Latine, selon laquelle l'homme et la nature ne sont pas des entités séparées et indépendantes mais interagissent et ne font qu'un. Comme le dit Franz : "l'homme, C'EST la nature". Et tout est dit.
Directeur du "serpentario nacional", cet endroit magique où on conserve des dizaines d'espèces de serpents, plus en voix d'extinction les unes que les autres, Franz Kaston se met un jour en tête de réhabiliter un vieux bus en "serpentario ambulante" et entame tout un périple à travers la Colombie afin de sensibiliser la population à la richesse que représentent ces reptiles pourtant si redoutés. A la fois terrifiants et mythiques, les serpents sont pourtant détenteurs d'une substance qui permet la fabrication de médicaments. Une aubaine pour la science dont les multinationales n'ont, quant à elles, rien à faire...
En effet, la seule chose qui "protège" encore la forêt vierge, c'est la lutte armée et sans pitié que se livrent les guerrilleros des FARC et les paramilitaires autour du contrôle de la région et de l'éradication des plantations de coca, l'une des bases de la fabrication de la cocaïne. Même si cela ressemble à un invraisemblable paradoxe, c'est tout de même l'un des aspects de la réalité : tant que dure le conflit, les multinationales ne peuvent pas s'implanter. Mais qu'adviendra-t-il des forêts quand la paix sera rétablie ? Et bien elles seront rasées, arrachées, pour permettre l'exploitation extrêmement polluante des minerais, exploitation qui entraînera un autre saccage de la terre, une nouvelle forme d'esclavagisme, un pillage moderne, tout comme celui auquel s'étaient livrés les colons espagnols à partir du XVème siècle. Car, Franz le souligne avec amertume, toutes ces terres sont déjà vendus aux firmes nord-américaines...
De là à rêver les guerrilleros en messagers et en artisans de la protection de la biodiversité colombienne, il n'y a qu'un pas et Franz le franchit. Utopie, peut-être, mais qu'y a-t-il à perdre dans une telle bataille ? Rien, au contraire, nous avons tout à y gagner. Et c'est pour faire passer ce merveilleux message que notre ami Franz sillonne en ce moment la France, avec ce film documentaire, projet qui ne serait rien sans le travail du réalisateur Eric Flandin, tout en modestie mais qui a suivi Franz dans ses pérégrinations, caméra au poing, dans toutes les circonstances, sur tous les terrains et par tous les temps, pour nos offrir ces images inoubliables.
Franz, l'indien blanc, le gardien...

Le film sort dans les salles début 2014, courez-y !!!


Et pour plus d'informations, le site de la fondation de Franz :

http://www.nativa.org/webespanol/index.htm

vendredi 11 octobre 2013

Tous à la campagne !

Judith O'Reilly, Tous à la campagne !, 2009.
Quand j'ai choisi ce livre, dans ma nouvelle petite bibliothèque de village, c'était faute de mieux. Les rayons ne sont pas très fournis : beaucoup de littérature "régionaliste", de romans pour ménagères de plus de 60 ans et peu de choses vraiment palpitantes. Pour tout vous dire, la section "récits de voyage" est ridicule, et c'est là que j'allais souvent piocher avant, dans mon ancienne bibliothèque. Nostalgie d'un endroit où les achats paraissaient avoir été dictés par mes propres goûts, les adorables bibliothécaires ayant, à ce qu'il semblait, les mêmes intérêts littéraires que moi... Mais il faut aller de l'avant. Alors, comme pour tout le reste, je me suis dit qu'importe, tu es là maintenant, fais avec ce que tu as à disposition. Je me suis donc dirigée vers un rayon que je pense exploiter à fond lors de mes prochains emprunts, et qui a l'air dédié au retour à la nature, aux témoignages et autres études sur l'exode urbain et la mise en valeur du patrimoine rural. C'est donc là que j'ai déniché Tous à la campagne !
Le résumé était prometteur de légèreté, d'humour et d'un je-ne-sais-quoi de piquant. Le contenu s'est révélé être au-delà de toutes les attentes. Il faut dire que la dame a la plume virevoltante et expérimentée. Ancienne journaliste, Judith O'Reilly sait taper dans le mille pour ce qui est de la réplique qui tombe pile, de la phrase juste qui nous fait sourire à tous les coups. Quelle langue ! Quel talent ! Elle nous décrit dans ce livre sa vie d'épouse inconsciente qui a suivi son mari dans une contrée située tout  au  nord de l'Angleterre, elle qui ne jurait que par la grande Londres. Avec deux puis trois enfants, elle a dû se faire à  cette vie si différente de celle dont elle rêvait. Son mari souvent absent, c'est donc seule qu'elle s'est frottée au climat rude et peu accueillant et aux autochtones non moins distants. 
Outre le style, ce qui est plaisant, dans ce livre, c'est qu'il est tiré d'un blog. Il ne s'agit pas d'un journal de bord réécrit à partir de pages internet mais vraiment d'une compilation d'articles publiés dans le célébrissime blog Wife in the Norh qui fait un tabac outre Manche. Et puis, précisons que ces pages ne sont pas celles d'une énième mère au foyer désœuvrée qui raconte ses rendez-vous chez le gynécologue et les gastros du petit dernier pour tromper l'ennui. Non, ce sont les mots ciselés et choisis, portés par le don de la formule et une écriture talentueuse, d'une écrivaine qui  nous fait l'honneur de nous offrir généreusement quelques tranches de sa vie. 
Un travail sans complexes qui donne envie d'écrire, de se lancer encore dans la bataille, mais plus simplement, sans chichis, sans détours. S'amuser avant tout. Et partager. L'écriture comme un don. 

mercredi 9 octobre 2013

Gargilesse et Villedieu, balade en Berry

Je ne vous parle plus beaucoup en ce moment, mes chers lecteurs... Non, je ne suis pas fâchée, mais j'ai la tête très occupée. Le temps file entre mes doigts comme du sable fin et je ne parviens pas à retourner le sablier pour donner à mes journées une deuxième chance d'être calmes et douces. Alors je joue la fuite en avant, bref, je roule à 90 km/h alors que je voudrais adopter une allure de Massey Ferguson 825... Chacun fait comme il peut... Le chemin n'est toujours pas droit et je fais ce que je peux pour ne pas faire de sortie de route. 
Ceci étant dit, je me balade quand même et vois de beaux paysages, me ressource dans des petits coins d'enfance comme on n'en fait plus. Le week-end dernier, par exemple, je suis allée voir si Gargilesse était toujours à la même place. Je peux vous rassurer, rien n'a bougé. Si ce n'est que le village est ponctué de sculptures futuristes, à la fois cubistes et sensuelles de l'artiste en résidence Jean Claeys. Mais, en dehors de ces œuvres intimidantes, le paysage est le même, paisible et reposant. Vous voyez, ce banc, là, en dessous ? Et bien vous pourriez bien m'y retrouver un jour, immobile, quand la cocotte-minute aura implosé.



Le lendemain, n'étant pas encore rassasiée de contempler, je suis allée me promener au golf de Villedieu sur Indre. Un bien joli coin. Dommage que le château soit une ruine. Y en a-t-il trop dans la région pour que tous aient droit à la chance d'être rénovés et entretenus ? L'argent que rapportent les golfeurs en pantalon blanc et mine pincée n'est-il pas suffisant pour que l'on s'occupe du château ?... 

Et puis les flonflons de la fête m'ont tirée de ma rêverie et j'ai dirigé mes pas vers le centre-ville, où avait lieu les Goualantes Théopolitaines, une sorte de remontée dans le temps, musicale et motorisée. Le rendez-vous des artistes de rues, de la musique mécanique, des belles voitures anciennes et de toute une foule de gens originaux. De quoi se noyer dans la fumée des chichis et de celle des moteurs, avant de retourner dans mon brouillard et dans mon propre moteur qui crachote et qui cahote un peu trop à mon goût.




mardi 1 octobre 2013

Vivre autrement... ailleurs...

Cela fait écho au reportage qu'Arte va proposer ce soir. Comment vivre dans cette société, sans s'en exclure pour autant, mais autrement. Comment vivre avec le progrès sans être écrasé par lui. En voilà une question qu'elle est bonne !
Déjà, je pense qu'il faut commencer par supprimer les villes. D'ailleurs, je compte lancer une pétition internationale dans ce sens... Je plaisante, bien entendu, mais je vérifie chaque jour, par comparaison avec l'une de mes vies d'avant (ça fait vieux sage aux cheveux blancs !), que la mégalopole n'est pas une dimension humaine. J'entends par là que les grandes agglomérations, les villes tentaculaires et polluées, bruyantes, ne sont pas du tout adaptées au rythme du corps humain. Car comment se sentir bien, entouré de millions de gens inconnus, dans un environnement hostile, en suivant un rythme effréné ? Evidemment, on peut se rassembler en communautés (plus en familles, elles sont géographiquement dispersées depuis longtemps), en groupes, en clans, mais c'est toujours une façade, car, le soir, ou même au cœur de la journée, on se retrouve terriblement seul. Sans parler des voitures, des usines, des embouteillages et des trains bondés, des bus surchargés qui font que nous sommes toujours en retard, toujours à cran, emmitouflés dans nos armures. 
Je viens de lire un passage en rapport avec le sujet dans un livre sur la méditation, et l'exercice qui nous est proposé illustre tout à fait le genre de questions qui amènent certaines personnes à quitter la ville pour aller vivre à la campagne, dans un village ou du moins dans une petite ville :
"Est-ce que je me sens bien chez moi, détendu ? 
- Comment est la santé des habitants de ce lieu ? 
- Est-ce que je dors bien ? 
- Est-ce qu'il y a suffisamment de lumière ? Qu'en est-il du bruit ? 
- Comment est l'environnement extérieur immédiat ? La nature est-elle présente ou proche ?"
D'ailleurs, c'est cette notion de nature sur laquelle insistent les gens qui quittent la ville. Le béton, c'est bien joli mais ça ne nourrit pas son homme ! Le livre indique que chacun doit pouvoir avoir l'opportunité d'être en contact de manière quotidienne avec la nature. Et, attention, il ne s'agit pas là d'une lubie de bobo ou une invention d'un illuminé fumeur de shit tout droit sorti d'un ashram indien. Non. Il est vérifiable, avéré, que le contact répété avec la nature nourrit le corps, apaise l'esprit et vice versa. C'est une question d'équilibre. 
Et je rebondis là-dessus, moi qui vis dans une petite ville de 4000 habitants depuis peu, au bord d'une rivière, entourée d'arbres et ayant pour seuls voisins immédiats les canards... Ce n'est pas une caricature : les gens sont plus souriants, plus abordables. Les contacts se nouent beaucoup plus rapidement, sans cette maudite réticence qu'ont les parisiens qui font trois pas en arrière quand on leur demande l'heure dans la rue ou dans le métro. Les enfants dans les écoles sont plus détendus, moins stressés. Et le rythme n'a absolument rien à voir avec celui d'une grande cité. Tout est proche, les produits de la terre sont à portée de main, donc on s'alimente mieux, donc on tombe moins malade, donc on se sent mieux. Pas de queues interminables, pas de circulation insensée. On a l'espace, donc on a le temps. Cela semble mathématiquement absurde, mais c'est vrai. 
Ensuite, il y a cette autre idée, toujours dans ce livre passionnant, selon laquelle chacun est réceptif à des environnements différents. Et c'est là que le concept me parle vraiment. En effet, partant du fait que chaque être humain possède en lui des énergies particulières, on affirme que, de même, chaque lieu porte lui aussi des énergies particulières. Ainsi, certains se sentiront mieux en forêt, entourés d'arbres centenaires auxquels s'adosser. D'autres rechargeront leurs batteries au rythme du ressac de l'océan, en respirant l'air iodé. D'autres, enfin, se sentiront en complémentarité avec la montagne. Assis sur le granit, le regard vers l'horizon et le vent dans les oreilles, ils sentiront en eux la confluence des énergies du lieu avec leurs propres vibrations internes. Du coup, je me sens moins coupable de ne pas "aimer" la forêt, de ne rien y ressentir de vraiment spécial. Par contre, le fait de retourner à la montagne est quelque chose de non négociable, comme le fait de manger ou de boire, et habiter près d'un cours d'eau, fleuve ou petite rivière, fait aussi partie des caractéristiques que je recherche pour m'établir. 
Ce qui est sûr, c'est que le monde tel qu'il est, donnant la priorité au développement des villes immenses et surpeuplées, au progrès sans concession et à la croissance sans limites et sans pitié, ce monde-là n'est pas celui que je recherche. Plus encore, c'est tout le contraire de ce que nous devons faire, et ce discours n'est maintenant plus considéré comme une hérésie. Petit à petit, on comprend, on affirme que l'avenir, c'est le retour à des dimensions plus humaines, à un rythme plus lent, à un contact plus immédiat avec la nature.