vendredi 28 juin 2013

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Presque 10 ans. Presque 10 ans d'enseignement et de vie en région parisienne. Et c'est le départ vers une autre aventure. Je ne vais pas faire dans le larmoyant, je ne vais pas sombrer dans le personnel. Par ces quelques lignes, je voulais juste partager avec vous, chers lecteurs, mes impressions à l'heure de l'au-revoir, un regard rapide en arrière avant de le projeter définitivement vers l'avant, un coup d’œil sur tous ces moments vécus et ces gens rencontrés. De belles personnes, des êtres dotés d'une sage intelligence, je passerai sur les inintéressants, les râleurs, les rabat-joie et les porteurs d’œillères, et croyez-moi si vous le voulez, j'en ai croisé des tonnes. Non, je m'arrêterai plutôt sur les profs géniaux que j'ai croisés, remplis de dynamisme malgré les difficultés de ce travail trop souvent dévalorisé. Ces gens-là font un boulot monstre, se démènent pour les élèves, ne sont jamais absents, viennent même quand ils sont malades alors qu'ils devraient rester sous la couette. Ce sont des optimistes acharnés, des volontaires, des consciencieux, des courageux. Car oui, le métier d'enseignant est un très beau métier, et il mérite qu'on le remette à sa juste place, qu'on le considère à sa juste valeur. Que de coups de gueule en salle des profs, que de ras-le-bol parfois, de désillusions, de fatigues, mais quel bonheur d'avoir travaillé avec des gens comme ça. 
Et puis, il y a le contexte. La banlieue parisienne n'est pas ce qu'on dit d'elle. Parfois, elle est pire ; mais souvent, elle est bien plus attachante que ce qu'on pense. Il y a dans ces cités des gens formidables, des femmes, surtout, dotées d'un courage et d'un sourire auxquels je voulais rendre hommage. Pour avoir passé des heures à bavarder au 10ème étage des tours et des barres, pour y avoir tissé des liens d'amitié plus solides que dans les beaux quartiers où j'avais pourtant choisi d'habiter, je me sens légitime pour témoigner des richesses humaines qui se cachent au creux du béton. Les jeunes que j'ai côtoyés ne sont pas étrangers à cette vision positive. Je vous rassure, je ne suis pas naïve, je n'ai aucune envie d'embellir une réalité qui peut également être grise, bruyante, monotone, agressive. Mais je préfère simplement vous raconter les belles rencontres avec des adolescents, ceux qui ont marqué ces dix ans et dont je me souviendrai toute ma vie. Des enfants à l'esprit vif et ambitieux, des acharnés du travail, des avec des rêves au bout du nez qui leur pendent comme une carotte et qui les font avancer ; des qui ont fait de grandes études (l'une de mes premières élèves est quand même un futur grand médecin ! une autre fait des études brillantes dans un grand lycée !), qui m'ont montré des talents incroyables de danseurs, de poètes, de reporters, d'humoristes, de diplomates ; des avec qui j'ai pu avoir de longues conversations sur la vie, le monde, l'avenir ; des visages qui resteront gravés. 
Alors, voilà, tout s'arrête ici. Fin de l'histoire, terminus, tout le monde descend. Je m'en vais maintenant vers une autre aventure, une autre région. Sans regrets, avec beaucoup d'envie et de soulagement, mais avec un petit pincement quand même dans un petit coin du cœur, parce que 10 ans, ce n'est pas rien. On sait ce qu'on perd... Oui, vraiment, j'ai bien conscience de ce que je laisse derrière moi d'amitiés, d'expériences, de souvenirs. 


jeudi 27 juin 2013

Métisse palissade

Eugène Ebodé, Métisse palissade, 2012.
C'est bien la première fois de ma vie que je jette un livre. Bien entendu, en dehors de certains manuels de préparation aux concours dont je m'étais débarrassée après les avoir raturés et surlignés. Mais c'est la première fois que je me défais d'un roman, qui plus est, non terminé. Cependant, avant d'en arriver à cette extrémité, certains signes ne trompaient pas :
- lorsque le programme télé était déprimant, j'ai préféré m'écraser sur mon canapé devant une émission abêtissante plutôt que de me faufiler dans mes draps et entre les pages de mon livre de chevet, comme j'en ai l'habitude,
- pour la surveillance d'examen à laquelle je devais sacrifier aujourd'hui, ayant prévu de passer le temps grâce à ce roman, je n'ai pu me concentrer et j'ai même dû me lever, sortir de la pièce pour aller prendre l'air et me dégourdir les jambes tellement mes yeux papillonnaient de sommeil et d'ennui.
Finalement, repensant à la question de l'une de mes amies écrivaines qui s'interrogeait sur l'incongruité que j'avais de terminer jusqu'aux livres que j'avais détestés, j'ai refermé celui-ci et j'ai décidé de le jeter. Bien sûr, je pourrais justifier cela en expliquant que je suis en plein déménagement et que mes cartons sont faits, que je ne veux pas m'encombrer d'un échec littéraire, mais non, je vais tout simplement vous dire la vérité : je n'ai trouvé aucun intérêt à cette oeuvre, composée d'un patchworks d'étalage culturel et de connaissances barbant à souhait. L'un des personnages est un pied noir converti à l'islam ? C'est le prétexte pour nous dresser un panorama exhaustif sur les différentes idéologies qu'a suscitées la guerre d'Algérie. L'interlocuteur principal du narrateur vit en Suisse ? Nous avons droit à un portrait détaillé de la démocratie helvétique. Quant à l'histoire, tel un vieux poste de radio grésillant parasité par des ondes extérieures, elle ne parvient pas à s'imposer. Il est question d'un couple mixte, un homme africain complexe et torturé, surtout par les tribulations de son sexe, il faut l'avouer, ainsi que d'une femme française bougonne et peu compréhensive. Si le sujet n'était pas traité de manière aussi floue, on pourrait même y voir un archétype de caricature. Le narrateur est donc le fils de ces deux personnes, et nous sert des couplets mortellement ennuyeux sur le métissage, intercalés entre des scènes de famille, de couple, d'adultère et de disputes dignes d'une mauvaise série B. 
Comprenez donc que, pour reprendre la métaphore de la palissade (qui intervient dans chaque chapitre sous forme d'une maxime sibylline, comme un cheveu sur la soupe), je n'ai pas réussi à sonder le mur de platitude qui entoure le propos et n'ai pu y trouver aucun intérêt. Métisse palissade... Pâle glissade... 

mercredi 19 juin 2013

Des vies d'oiseaux

Véronique Ovaldé, Des vies d'oiseaux, 2011.
Il est toujours difficile d'écrire plusieurs très bons romans. Souvent, on est déçu par le second, ou le troisième, en tout cas par le suivant qui nous tombe entre les mains, voire qui nous tombe des mains. Celui-ci ne m'a quand même pas menée jusqu'à cette extrémité mais, c'est vrai, je le trouve moins bon que le précédent que j'avais lu de Véronique Ovaldé, Ce que je sais de Vera Candida, qui était vraiment un petit chef-d'oeuvre. 
Dans ce roman-ci, l'auteure situe encore son action dans une Amérique Latine faire d'un patchwork de pays, de géographies et de cultures. On semble y reconnaître certains lieux, mais le tout reste flou et assez déroutant, un espace onirique et aux climats étranges. Pourtant, cette fois, les lieux sont un peu "pollués" par trop de références à la culture européenne, par des tournures de phrases, des allusions prononcées par les personnages et qui résonnent trop de l'évidence de quelque chose de connu. Apparaissent alors des décalages, presque des absurdités qui dénaturent un peu la poésie créative de cet espace imaginaire. 
Deuxième déception : la trame. Il s'agit là-aussi encore de l'histoire de deux femmes, une mère et sa fille. La première, originaire d'un village, se meurt doucement et en silence dans la prison dorée construite par son mari dans une ville aseptisée et bourgeoise. La seconde, Paloma, est plus "creusée" dans les contradictions qui lui sont attribuées, mais pas suffisamment au regard de ce que à quoi Véronique Ovaldé nous a habitués. L'histoire tourne autour de ces deux femmes-là ainsi que de trois hommes, et le récit opère des va-et-vient entre chacun d'entre eux, sans jamais s'arrêter précisément sur un fait ou sur un caractère. Comme pour le lieu, ces errances narratives aboutissent à quelque chose de trop flou, et dont la fin reste décevante.

Et puis, pour terminer d'assommer ce roman, parlons du style. Une fois qu'on en a capté les principaux traits, il étouffe le propos et devient lancinant et répétitif, trop couru d'avance, ayant trop régulièrement recours à des phrases longues et à un amas de digressions entre parenthèses, ce qui provoque très vite une lassitude et détourne l'attention du lecteur, tant et si bien que celui-ci, au bout d'un certains nombres de détails en aparté, ne sait plus très bien où il en est.
Vous penserez certainement que je ne donne pas cher de la valeur de ce roman. Et pourtant, si, il m'a plu. Malgré tout ces défauts, malgré la déception, le sujet, les personnages, l'ambiance réussissent à homogénéiser le récit et à donner une cohérence à tout ce fourbi qu'a mis l'auteur entre ses pages. 
De l'importance du recadrage...

mardi 18 juin 2013

Viva Cuba

Viva Cuba, Juan Carlos Cermata Malberti, 2006.
"Viva Cuba, viva Fidel !", c'est le premier commentaire qui apparaît sur You Tube quand on regarde la BO de ce film. Et en effet, contrairement à d'autres films ou docus fictions cubains, comme Suite Habana par exemple qui, sans être une critique du régime ni un portrait exagéré du délabrement du pays, met bien en scène les paradoxes de l'île, Viva Cuba en présente plutôt une vision idéalisée. Assez caricaturale même, mais, évidemment, pour les besoins de la comédie. Du mois croit-on au début qu'il s'agit d'une comédie...
Deux enfants en sont les protagonistes : Malu et Jorgito, âgés d'une dizaine d'années, les meilleurs amis du monde. La première vit avec sa mère, une bourgeoise bigote dont le souhait le plus pressant est de quitter Cuba ; le second vit avec ses parents, fidèles à Castro et dont le père, quand il boit trop, a tendance à avoir la main leste. Nous nous situons donc pleinement dans ce qui fonde les films comiques : l'opposition criante, le décalage. Et cela fonctionne assez bien. Jusqu'à ce que Malu découvre que, pour quitter son pays, ce qu'elle refuse catégoriquement de faire, son père, qui vit à l'autre bout de Cuba, doit signer une autorisation de sortie du territoire à sa mère. Les deux enfants décident alors de se sauver et de partir à la recherche de ce père qui pourrait influer sur le destin de Malu. C'est à ce moment que la comédie, toujours omniprésente malgré tout, commence à se teinter de la tristesse d'une aventure désespérée, celle de deux gamins prêts à tout pour ne jamais se quitter. La route est semée d'embûches et de rencontres, toutes plus initiatiques les unes que les autres, avec, c'est vrai, une morale sous-jacente  un peu voyante, quoique assez habilement dissimulée pour un public encore jeune : le vol, la peur, le mensonge, la fraternité, des valeurs universelles à mettre cependant en parallèle avec des références constantes, par les images ou la bande-son, à Fidel, au Che, à José Marti et à la Révolution, aux coupeurs de canne à sucre et autres héros de la patrie. 
La fin n'est pas racontable, comme dans beaucoup de films. Elle est surprenante, abrupte, c'est le cas de le dire, un peu romantique. Et comment ne pas lui trouver de dimension politique ?
Malgré tout, ce film reste très joli à voir, notamment grâce aux deux personnages de Malu et Jorgito, si attachants et spontanés, à de bons moments de rire et à d'autres belles scènes. Les paysages sont très bien filmés et Cuba est dépeinte sous toutes ses coutures, de la côte battue par les vents aux forêts tropicales, en passant par les plages paradisiaques de Varadero. Il est aussi agréable de regarder ce film en compagnie de jeunes adolescents et d'en parler ensuite avec eux, d'entendre leurs points de vue et de les voir se reconnaître dans cet hymne à l'enfance, à l'amitié et, bien sûr, à un pays. 

dimanche 16 juin 2013

Faune et flore

Quelques images valent mieux qu'un long discours. 
C'était un petit jardin... 
Merci les roses, puisqu'on a passé quelques heures dans le même écrin de verdure à tenter de refaire la vie. Merci la sauge et le romarin, parce qu'on ressuscite parfois par les narines.
Merci la lavande, parce que c'est moi qui t'ai plantée. Je reviendrai te voir.
Merci l'étang, parce que sur tes rives j'ai passé des rages, effacé des mauvais rêves et refait surface.
Merci la maison et ses bonnes fées.






samedi 15 juin 2013

L'attente

De quoi est peuplée l'attente ? 
Elle est peuplé de verre brisé semé entre l'estomac et l'épine dorsale de ceux qui sont déjà tout cassés de l'intérieur.
Elle est peuplée de faux espoirs et de vrais fantômes, de vrais mensonges et de fausses déceptions, le tout perçu au travers d'un filtre obscurcissant. Et la vie qui s'admire et se hait dans un miroir déformant.
L'attente est la pire ennemie de la paix intérieure, une tourmente qui se plaît à saupoudrer des grains de sable dans les rouages d'une existence que l'on croyait bien huilée, et dans les yeux insomniaques de quiconque a osé regarder de trop près la possibilité de l'aventure. 
L'attente est une traîtresse aux symptômes incongrus et qui se manifestent au moment où on les attend le moins. Car elle est sournoise et l'on oublie qu'elle est là. On croit l'avoir domptée et installée comme une enfant sage sur un moelleux canapé, mais elle se fait soudain tigresse échevelée pour nous assaillir et nous foudroyer. Elle nous saute à la gorge, y fait gonfler une boule de plomb jusqu'à ce qu'elle explose de larmes et retombe pesamment tout au fond du ventre. C'est là que se nichent toutes les attentes qui ont pourri de ne jamais être exaucées.
Alors, l'attente se nourrit de regrets, de rancœurs, d'étoiles filantes fusillées en plein vol.
Qui n'a pas connu l'attente ne connaît pas la joie des arcs-en-ciel après la pluie.

mercredi 12 juin 2013

Dernières nouvelles du Sud

Luis Sepulveda, Daniel Mordzinski, Dernières nouvelles du Sud, 2011.
Quelle poésie ! Mais également quelle nostalgie... Celle qui émane de la lecture de ces textes relatant des rencontres invraisemblables dans un monde qui n'existe plus. En 1996, Sepulveda et le photographe Mordzinski décident de partir en Patagonie, au sud du 42 ème parallèle, sans ambition ni but précis, sans plan, sans itinéraire particulier. Simplement, ils se dirigent sans boussole sur les chemins désertiques du grand sud et avancent au gré du hasard et des rencontres. Un lutin, un bandit de grand chemin, un luthier au-milieu de rien, une vieille femme qui fait naître des fleurs de ses mains ridées. Un espace hors du temps et de la géographie, un ailleurs extraordinaire. Le réel merveilleux dans toute sa splendeur et des légendes enjolivées par les gens qui les racontent, "en poètes, pas en professeurs". Des années plus tard, lorsque Sepulveda consent enfin à s'en séparer, le livre sort enfin. Il en ressort une oeuvre totale, photographique, littéraire, sociale et poétique, une ode aux gens du sud, à ces histoires qui aujourd'hui se sont évaporées comme dans un rêve. Demeure alors la mélancolie que suscite ce passé à jamais perdu, la poussière d'étoiles dans les yeux de ceux qui l'ont connu et dans ceux du lecteur, pour lequel les auteurs ont comme par magie rendu cette expérience palpable. 
Au passage, des phrases d'une beauté renversante :
"Lire ou écrire, c'est une façon de prendre la fuite, la plus pure et la plus légitime des évasions. On ressort plus forts, régénérés et peut-être meilleurs. Au fond, et malgré tant de théories littéraires, nous autres écrivains sommes comme ces personnages du cinéma muet qui mettaient une lime dans un gâteau pour permettre au prisonnier de scier les barreaux de sa cellule. Nous favorisons des fugues temporaires."
Ou encore :
"En Patagonie, on dit que faire demi-tour et revenir en arrière porte malheur. Pour rester fidèles aux coutumes locales, nous avons poursuivi notre chemin car le destin est toujours devant, et on ne doit avoir dans son dos que la guitare et les souvenirs."
Et mention spéciale à la très jolie traduction en français, réalisée par Bertille Hausberg !

samedi 8 juin 2013

La liste de mes envies

Grégoire Delacourt, La liste de mes envies, 2011.
Il est curieux d'avoir commencé par la fin, en lisant d'abord La première chose qu'on regarde, et de revenir ensuite sur La liste de mes envies, ce roman dont tout le monde parle. Il est aussi toujours risqué de se lancer dans la lecture d'un texte qui a été encensé. Peur d'être déçu, peur de trouver ça plat. 
Dans ce cas précis, dès la première phrase, j'ai été séduite, emportée, comme la fois précédente. Mais, cette fois, j'ai décelé en plus une note tragique que je n'avais pas autant perçue dans le dernier roman de Delacourt. Une vision de la vie par les détails du quotidien, par tout ce qui la rend banale et insignifiante et la tragédie de ne pas voir dans cette routine sans relief l'écrin du bonheur. S'ensuivent alors des errances psychologiques qui tendent à chercher ailleurs, dans la richesse, la beauté, les possessions matérielles ce qu'on s'obstine à ne pas trouver dans ce qu'on a déjà. 
Je détaille. Dans La liste de mes envies, Jocelyne, la quarantaine banale et rondouillarde, tient une mercerie et anime un blog sur le tricot qui ne marche pas si mal. Elle est mariée avec Jocelyn et ensemble ils ont deux grands enfants qui vivent maintenant leur vie. L'existence de Jocelyne est pâle, ponctuée de drames et de rêves rangés dans des tiroirs. Et puis, un jour, elle gagne au Loto. Le gros lot. Et, comme dans La première chose qu'on regarde, c'est l'élément perturbateur qui va mener les personnages vers des retranchements qu'ils ne soupçonnaient pas, vers des réflexions profondes sur leurs insatisfactions et leurs frustrations. Alors, ils vont caresser du doigt leurs rêves, avant, comme toujours, de les voir s'écrabouiller contre le miroir. 

vendredi 7 juin 2013

Trio Sol Andino

Pour ceux qui n'y étaient pas...
Pour ceux qui ne l'ont pas vu sur You Tube...
Pour ceux qui ne m'ont pas trouvée sur Facebook...

Voici deux vidéos du concert qui avait lieu dans l'église du Menoux (36), dont les magnifiques fresques ont été peintes par le sculpteur et peintre bolivien Jorge Carrasco, dans ce village où il avait élu domicile après tant de pérégrinations de par le monde. 
Lors de ce concert, le magnifique Trio Sol Andino, composé de German Tintaya, Abel Caceres et Gilles Legroux, m'a invitée à chanter deux morceaux en leur compagnie. Une invitation qui m'a permis deux choses : d'abord, de jouer avec des musiciens surdoués, de poser mes notes sur une autoroute de virtuosité ; ensuite, de faire à nouveau ce que j'aime le plus au monde, chanter.
Vous l'apprendrez peut-être, mais, en plus d'écrire ce blog, de voyager, de marcher dans les montagnes, d'écrire des textes et maintenant des romans, j'écris et compose des chansons. Bien sûr, les deux que vous allez voir ici ne sont pas de moi, ce sont de grands classiques du folklore bolivien et péruvien. Mais, qui sait, un jour viendra où je chanterai mes propres compositions...


mercredi 5 juin 2013

La première chose qu'on regarde

Grégoire Delacourt, La première chose qu'on regarde, 2013.
C'est une bombe. Ce roman est une bombe. Une grenade lancée dans les conventions de la littérature, une explosion de mots, une oeuvre géniale. 
Arthur, jeune mécanicien du nord de la France, est en train de regarder une série télé. Quand, soudain, on frappe à sa porte : c'est Scarlett Johansson. Au tout début, on se demande bien comment l'auteur va mener pendant 200 pages ce lancement audacieux. On se dit qu'on va vite s'ennuyer, que la narration aura vite épuisé tous les recours de l'original. Et puis, très rapidement, les choses prennent un autre tournant. Les personnages se creusent, gagnent en profondeur, et le récit s'enclenche. C'est parti. Impossible de vous en dire plus, ce serait trahir les ficelles de ce roman parfaitement bien construit. Car, du début à la fin, le suspense est total, l'écriture va crescendo.
Cette écriture qui transpire littéralement la poésie, tant dans sa tournure qu'à travers l'intertextualité que l'écrivain manie avec beaucoup de doigté. Pas de lourdeur, que des mots qui viennent à point, qui s'insèrent à une place qui leur est exactement dédiée. Là où cela devient magistral, c'est quand on se rend compte que l'auteur mêle allègrement cette poésie avec une ribambelle de référence contemporaines, pour donner un texte bourré de culture populaire et d'humour grinçant et tendre à la fois. Et le tout produit un roman coup de poing, une ode au contournement des apparences, au grattage du vernis et à l'exhumation de ce qu'il y a de plus fragile et de plus violent dans l'amour.

lundi 3 juin 2013

Salut au Grand Sud

Isabelle Autissier, Erik Orsenna, Salut au Grand Sud, 2006.
Quand une navigatrice rencontre un écrivain, lorsque deux amoureux des mots et deux assoiffés de découvertes se rejoignent sur un même bateau, ça donne cela : Salut au Grand Sud, une épopée poétique vers les terres hostiles de l'Antarctique, avec un équipage aussi bien fait de marins que d'un ornithologue, d'un réalisateur et donc, d'un écrivain. Voilà pourquoi ce livre là n'est pas un récit d'aventures comme les autres. Il y a tout d'abord cette notion de partage, de multiplicité des points de vue qui offrent des descriptions variées et enrichies de deux expériences parallèles dans la même galère. Et puis il y a cette quasi surenchère de langage, cet amour du mot juste auquel se livrent dans l'écriture tant Autissier qu'Orsenna, la première sachant jouer de la langue avec vivacité, rythme, humour et vigueur ; le second n'étant plus à présenter. Il faut vraiment aller lire en plus de celui-ci le roman d'Isabelle Autissier, L'amant de Patagonie, pour comprendre à quel point cette aventurière maritime possède un formidable talent de conteuse. 
Nous voici donc embarqués sur ce bateau à l'équipage chamarré, en direction d’Ushuaïa puis du fameux Cap Horn, rendu célèbre par la difficulté de son franchissement. C'est à cet endroit précis que commence le voyage incroyable vers des terres que l'on croirait inhabitées mais où se sont installées diverses missions scientifiques du monde entier. Des terres également riches d'histoires toutes plus saisissantes les unes que les autres, de bateaux bloqués par les glaces, d'équipages prisonniers des terres du grand sud, de découvreurs et de savants obstinés. L'Antarctique, continent peuplé de fantômes et de légendes que nos amis dépoussièrent en abordant chacune des nouvelles terres de leur périple, sans trop s'appesantir sur leur propre navigation. Nous évitons ainsi les couplets trop techniques, souvent cause d'ennui chez les non initiés, pour laisser une plus grande place à l'expression de l'émerveillement face à ces paysages qui n'ont rien d'uniforme. Nous pensions l'Antarctique vide, il est peuplé d'un fourmillement d'espèces animales et d'humains passionnés ; nous le pensions plat et morne, blanc à la limite de l’écœurement, le voici montagneux, ponctué de lac aux couleurs infinies, meublé d'icebergs mouvants à la physionomie polymorphe. 
Une épopée passionnante et toute simple, une aventure humaine, les copains d'abord.

dimanche 2 juin 2013

Au temps des chevaliers


Verneuil sur Seine, an de grâce 2013... plongeon dans le Moyen-Age, au temps des chevaliers. Les tentes se sont plantées dans le parc, en contrebas de l'église du XIIème siècle encore en rénovation, sous les fondations de laquelle on espère trouver une crypte, des fresques, des vestiges encore plus anciens. 
En ce week-end de fête, la petite ville des Yvelines, si loin de Paris et si proche de l'ambiance d'un village de Province, a revêtu ses costumes de l'époque médiévale pour nous emmener à la découverte de cette époque si riche en artisanat et en culture. 
Nous passons par la tente des épices, goûtons à des graines de moutarde et humons l'écorce de la noix de muscade. Plus loin, c'est l'apothicaire qui nous dévoile le secret de ces couleurs, celles-là même qui servent à teindre les fils de laine des tapisseries. Véritables bandes dessinées, ces broderies relatent la plupart du temps les exploits des chevaliers, leurs hauts faits de guerre. Les maquettes reconstituant les armes de l'époque en disent d'ailleurs long sur les techniques de combat : catapultes, systèmes de levage des soldats jusqu'au sommet des murailles. 
Cependant, la technique n'était pas à l'époque simplement dédiée à la guerre, à l'image de cette grue qui soulevait les pierres et les hissait pour bâtir les églises et les cathédrales, à la force des hommes qui marchaient sans cesse dans cette roue géante, la faisant tourner et entraînant un système de poulie. A Strasbourg, cette machine révolutionnaire est encore visible tout en haut de la cathédrale, les ouvriers ne l'ayant pas redescendue à la fin de la construction de l'édifice. 
Guerriers, bâtisseurs, mais aussi artisans : tannage du cuir, enluminures, filage de la laine, vitraux, le Moyen-Age est riche est découvertes et en beauté. En témoignent ces magnifiques rapaces, qui sont la majesté et la noblesses incarnées. Et puis, évidemment, la musique : vielle, flûtes, instruments à cordes, qui produisent des mélodies rythmées, très modernes. Un folklore qui mérite d'être mis en valeur et réactualisé.